Barbara Witkowska Journaliste

Pour le dynamique patron du B.P.S. 22 (l’espace de création contemporaine de la province de Hainaut), à Charleroi, l’art contemporain est un  » sport de combat « . Un moyen, aussi, de faire évoluer les mentalités et d’ancrer la Wallonie dans la modernité.

Onze mille visiteurs ! Pierre-Olivier Rollin exulte, en citant le nombre de personnes venues contempler les courbes fluides et colorées de Jean-Luc Moerman, du 27 septembre au 1er février dernierà Et il est intarissable sur la prochaine expo du B.P.S. 22 (en clair : Bâtiment Provincial Solvay, au 22, boulevard Solvay) qui débutera ce samedi 4 avril.  » Pour la deuxième fois, nous exposerons un photographe, Frédéric Lefever. Originaire de Charleroi, il vit en France. Son travail porte sur l’architecture qu’il tente d’humaniser au maximum. J’ai été touché par sa pudeur et par sa proximité distante et lui ai demandé un projet sur la Wallonie, une série de photos frontales, ni images d’Epinal, ni un regard misérabiliste. Le titre, Nous Autres, résume bien nos identités : nous, différents des autres, mais nous sommes aussi les autres. « 

Dire que Pierre-Olivier Rollin est proche de  » ses  » artistes serait un euphémisme. Et pourtantà Né il y a trente-neuf ans à Charleroi, il a grandi au sein d’une famille qui ne manifestait aucun intérêt pour la culture.  » Moi non plus !  » ajoute-t-il dans un grand éclat de rire. D’accord avec son père selon qui  » la culture est un outil d’oppression sociale « , il refuse, à 16 ans, d’aller voir l’exposition événement Picasso, Miró, Dalí : évocations d’Espagne, au Palais des Beaux-Arts de Charleroi, en 1985, et préfère regarder Police Academy. Les journées de son adolescence sont bien remplies. Bon élève,  » éveillé « , grand bosseur, lecteur boulimique de livres de guerre, d’histoire et du Larousse, il est aussi incollable sur le foot, la BD, Goldorak, les groupes Kiss et Trust. Il est  » pop « , addict à la culture de masse et le revendique haut et fort.

A 17 ans, c’est décidé : il fera le journalisme. A l’ULB. En première candidature, il compulse l’encyclopédie Universalis pour trouver des informations sur le théoricien politique français Pierre-Joseph Proudhon et tombe, par hasard, sur le chapitre  » pop  » et ses trois divisions : art, musique et culture. Au bout de la lecture, une révélation : la découverte d’Andy Warhol déclenche sa passion (monomaniaque !) pour l’art contemporain.  » Au même moment, la SNCB a lancé Go Pass. Pour 999 francs, on pouvait effectuer 10 voyages n’importe où. Ce qui m’a permis d’aller voir des expositions à Cologne, à Paris, à Luxembourg, à Gand et à Anvers. « 

Après le journalisme, il décroche une licence en histoire de l’art, multiplie les collaborations avec différents journaux (il collabore, notamment, à la rubrique arts plastiques de Weekend). En 2000, le poste de directeur au B.P.S. 22 est vacant. Pierre-Olivier, avec son double bagage et son excellente connaissance de la réalité culturelle en Wallonie, est le candidat idéal. Une fois nommé, il retrousse ses manches.  » A l’époque, personne ne s’occupait d’art contemporain en Communauté française. Le MAC’s, au Grand Hornu, n’allait être inauguré qu’en 2002. Dès le début, nous nous sommes fixé un projet ambitieux consistant à former des  » CRAC  » : Citoyens Responsables, Actifs et Critiques. Ce projet reflète ma définition d’art, que j’emprunte au sociologue Pierre Bourdieu : l’art est un sport de combat, une technique qui permet de se défendre contre la violence, l’oppression et toutes les formes d’endormissement. Je présente des artistes dont l’£uvre m’interpelle, uniquement des pièces nouvelles, montrées pour la première fois en Communauté françaiseà Nous voulons contribuer à changer les mentalités, à inviter les gens à vivre avec leur temps et à susciter eux-mêmes les transformations. « 

Barbara Witkowska

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