Le comédien britannique évoque Beginners, son nouveau film, tout en se confiant sur son itinéraire artistique, son combat pour la différence, son engagement féministe… sans oublier sa passion pour la moto. Interview, teintée d’humour, avec le meilleur ambassadeur de l’Écosse depuis Sean Connery.

Il peut tout jouer et il l’a prouvé. En une quinzaine d’années, Ewan McGregor a enchaîné les personnages rock’n’roll (Trainspotting, Velvet Goldmine), mythiques (Obi-Wan Kenobi, dans Star Wars), introspectifs (The Ghost Writer). Sur son CV plaqué or figurent les noms de George Lucas, Tim Burton, Woody Allen, Roman Polanski… Hollywood le cote à la hausse. C’est pourtant un jeune quadra simple et spontané que l’on rencontre pour évoquer Beginners, son dernier opus (sortie en Belgique ce 31 août). Sa femme (française) et ses enfants passent dire bonjour. L’ambiance est cool, et Ewan a de l’humour. Alors…

Qu’est-ce qui vous a poussé à accepter Beginners ?

J’ai été littéralement saisi en lisant le scénario : Beginners raconte une histoire incroyable et vraie, celle du réalisateur Mike Mills. À la mort de sa mère, son père – qui avait alors 72 ans – a fait son coming-out et a vécu, avec le soutien de son fils, une homosexualité libre et heureuse avant d’être emporté par un cancer. Mike a dû reconsidérer la relation qu’entretenaient ses parents, analyser son enfance, faire son deuil. Lorsque j’ai rencontré Mike pour la première fois, je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Et l’alchimie a été totale. Je n’avais pas ressenti une telle complicité depuis mon travail avec Danny Boyle. Mike m’a proposé de l’incarner à l’écran, mais il ne m’a pas donné de consignes et je ne lui ai rien demandé non plus, sauf d’enregistrer les dialogues que je me suis passés en boucle pour m’imprégner de sa voix. Cela m’a aidé à me sentir plus convaincant. Et puis, il n’y a rien de pire qu’un Anglais qui essaie de prendre l’accent américain.

Un lien relie tous vos films : c’est le respect de l’autre, la tolérance, le combat pour la différence…

Oui : je pense que mes choix reflètent ma vie, car je ne juge jamais les personnes pour leur couleur, leur religion, leur préférence sexuelle, ce serait idiot. J’aime aussi tourner dans des comédies romantiques, surtout quand elles ne sont pas typiquement hollywoodiennes. J’ai 40 ans pile, un âge où les histoires d’amour se compliquent dans le bon sens du terme et, pour un acteur, c’est très motivant de rendre compte de ces voyages émotionnels complexes d’une façon réaliste.

James Stewart est-il toujours votre modèle ?

Bien sûr. Ce qui reste de nous, les comédiens, c’est notre travail sur l’écran, et ce travail passe par la présence, l’attitude, le rapport au corps. James Stewart était un merveilleux artiste, qui avait un charme fou. Son jeu était fondé sur la suggestion. Je rêve d’avoir un tel parcours.

Trainspotting, Velvet Goldmine ou La Guerre des étoiles ont fait de vous un emblème de la cool generation. Et puis vous avez joué Othello au théâtre, en 2007, et le quotidien The Independent a titré :  » No more Mr Nice Guy ? »

Oui,  » fini, le gars sympa « , car je jouais Iago, un méchant. Je ne me préoccupe pas de la façon dont on me perçoit, mais tant mieux si Shakespeare a aidé à changer mon image. Pour cette pièce, je me suis énormément investi. Apprendre le texte m’a pris des mois et j’ai détesté cette période où j’avais l’impression de faire mes devoirs. Le soir de la première, j’ai eu une telle montée d’adrénaline ! Maintenant, je sais que pour recharger mes batteries il faut que je remonte sur les planches. C’est prévu l’an prochain, à New York ou à Londres.

Que vous ont apporté les deux tours du monde que vous avez effectués à moto en 2004 et 2007 ?

Ces voyages m’ont tiré de mon confort et m’ont rendu plus mature. C’est une expérience importante car le jeu passe par l’esprit. Et l’esprit se nourrit d’expériences. Par ailleurs, ma manière d’envisager la moto – moi qui en suis fou et les collectionne – a aussi évolué. Je ne dévore plus les magazines spécialisés, je ne me demande plus si la nouvelle Yamaha est plus performante que la précédente. Et je ne recherche plus la vitesse à tout prix. Aujourd’hui, quand je conduis ma Triumph de 1950, je me laisse juste envahir par la nostalgie des fifties. Et je pense à tout l’amour qu’ont mis ses propriétaires successifs pour l’entretenir et pour qu’elle fonctionne aujourd’hui.

Vous avez embrassé à l’écran les plus grandes stars : Nicole Kidman, Scarlett Johansson, Jim Carey… Quel est votre plus beau souvenir de baiser ?

[Il s’esclaffe. ] Ce ne serait pas très gentleman de ma part de faire des commentaires. J’ai eu la chance d’embrasser en effet beaucoup d’actrices et, c’est vrai, pas mal d’acteurs. Dans Velvet Goldmine, j’avais même une relation très chaude avec Christian Bale [le comédien de Batman]. Ce qui a fait dire :  » Obi-Wan Kenobi s’est tapé Batman. « 

Un mot sur votre engagement féministe ?

Tout est parti d’un très mauvais film que j’ai vu adolescent, Un fauteuil pour deux (1983), avec Dan Aykroyd et Eddie Murphy, dans lequel Jamie Lee Curtis, qui avait trois scènes, exhibait chaque fois ses seins. Ce machisme m’a profondément énervé et j’ai décidé de renverser la tendance en apparaissant nu dans des films où les actrices resteraient habillées. Du coup, j’ai un petit fan club, The Ewan Sisterhood, qui, tous les ans, pour mon anniversaire, récolte des dons et les envoie à l’association pour les enfants malades dont je m’occupe en Écosse. Voilà ma contribution au mouvement féministe. [Rires. ]

PAR GILLES MÉDIONI

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