Margiela, quel paradoxe : une collection d’icônes pour la grande distribution, dans le monde, et une installation de ses Tabi pour les adeptes de toujours, à Bruxelles. Explications et shooting, en exclu.

M ARGIELA, C’EST AVANT TOUT LE MYSTÈRE.

Le célèbre styliste belge n’a plus accepté ni interviews ni photos depuis le lancement de la griffe qui porte son nom, en 1988 : durant toutes ces années, c’est exclusivement par fax (ou, plus récemment, par e-mail) qu’il a dialogué avec la presse. Toujours au  » nous « , jamais au  » je « , histoire d’insister non sur l’homme mais sur une réflexion commune sur le vêtement – et c’est évidemment d’autant plus vrai depuis que Margiela lui-même a quitté la maison parisienne, il y a quelques saisons. Ce qui compte, ce sont les produits, pas une personnalité individuelle à l’intérieur du studio de création, comme l’a une nouvelle fois souligné le  » collectif Margiela  » dans un courriel adressé à la rédaction.

M ARGIELA, C’EST ENCORE DU MYSTÈRE.

Qui aurait pu imaginer que MMM, réputée pour ses vêtements et accessoires conceptuels et avant-gardistes, nouerait un jour une collaboration avec une chaîne de prêt-à-porter ?  » L’union de ces univers opposés surprendra tout le monde « , ont affirmé les intéressés dans un premier communiqué de presse conjoint. Interrogé sur ses attentes vis-à-vis de ce partenariat, le collectif explique vouloir proposer ses modèles et ses idées à un public le plus large possible, et ce partout dans le monde.  » Et H&M voulait l’essence même de MMM, sans compromis.  » (*)

Au final : un best of qui reprend des créations-phares du dernier quart de siècle.  » Chaque article est pourvu d’une étiquette qui mentionne la saison et l’année de l’original. La collection se veut une sorte d’anthologie, un aperçu de nos plus grands moments… mais elle est aussi prévue pour être une garde-robe d’hiver complète. « 

M ARGIELA RESTERA UN MYSTÈRE.

Des coutures qui s’effilochent, des ourlets inachevés, des doublures qui s’exhibent, des épaules démesurées… Chez MMM, on réfléchit aux volumes, on renie la culture des logos, on révèle ce qui est habituellement invisible. On décompose les vêtements, aussi, moins pour les déconstruire que pour dévoiler leur structure. La plupart de ces codes se retrouvent dans les rééditions pour H&M… à l’exception des quatre points de couture dans le dos et l’étiquette vide que la maison réserve à ses propres collections.  » Certaines pièces exposent le processus de fabrication (comme le gilet qui arbore son propre patron), tandis que d’autres appliquent la forme masculine au corps de la femme (la veste aux manches étroites) ou jouent sur l’ambiguïté du vêtement (la robe à effet trompe-l’£il).

Ce sont des opus comme son pull en chaussettes, ses robes fabriquées à partir de matières plastiques ou de tapis ou encore ses fameuses chaussures Tabi qui ont valu à MMM sa réputation de véritable ovni de la planète fashion. La revue pro Women’s Wear Daily avait même, il y a quelques années, qualifié le label de  » ultimate industry outsider « . La maison a pourtant son QG en plein c£ur de la capitale de la mode et sort sagement deux collections par an, conformément aux règles du secteur, tandis que Martin Margiela lui-même a été de 1998 à 2003 le principal styliste de la collection Femme d’Hermès, griffe traditionnelle s’il en est !  » Décrire Margiela comme un outsider est une erreur, même si nous avons toujours cru à la démocratisation de la mode et que nous avons souvent présenté nos vêtements dans un contexte qui s’écartait des normes établies. Le fait d’avoir suivi notre propre voie peut donner cette impression, mais cela n’a jamais été notre motivation première.  »

(*) Dans une sélection de boutiques H&M, dès ce jeudi 15 novembre. www.hm.com/be

PAR ELLEN DE WOLF ET ANNE-FRANÇOISE MOYSON

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