Carrefour de styles en pleine mutation et melting-pot culinaire étoilé, la métropole la plus effervescente de l’hémisphère Sud serait la ville la plus agréable à vivre du monde. On n’a pas pu s’empêcher d’aller vérifier…

En pleine réinvention, la grande dame australienne, qui fut la plus riche des antipodes, aguiche ses hôtes de happenings et de divertissements non-stop. Le magazine britannique The Economist l’a catapultée à la première place des villes les plus agréables à vivre du monde ces trois dernières années, et elle se démène pour garder son rang. Deux siècles d’immigration planétaire y paradent dès les beaux jours dans une flopée d’expos, de shows et de festivals – ici, tout et tous ont le leur – projetant modes de vie novateurs et coutumes ethniques dans un troisième millénaire où Melbourne poursuit son brassage de populations. Modèle d’urbanisme soft où architectures planifiées et rénovations victoriennes se côtoient dans un tolérant chaos, aéré d’immenses parcs, où se multiplient de petits commerces revitalisant les trottoirs de lèche-vitrines exotiques. De ce bouillon de cultures, émergent grands projets et constructions ingénieuses pour atteindre un environnement idéal  » green and slow « … et zéro émission de carbone en 2020 !

Autant que son futur bio, Melbourne adore ses jardins royaux, ses musées postcoloniaux, ses campus performants et son art indigène. L’emblématique Fed Square, rendez-vous de toute la ville, confronte coupole, frontons et verrières 1900 aux facettes minérales déstructurées du Ian Potter Centre, consacré aux arts australiens. Mais, ajoute Judith Ryan, sa conservatrice :  » Avec la culture, il y a deux autres choses que l’on prend ici très au sérieux : food and… coffee.  »

Commanditaires et stars du fooding australien ouvrent et ferment leurs restaurants comme des shows sur Broadway. Leurs cuisines ouvertes sont des scènes où ils jouent des saveurs premières de l’Etat de Victoria, le plus fertile d’Australie. S’y faire titiller les papilles de mille nouvelles façons est aujourd’hui un must social et culturel. Farouchement locavores, ces cuisiniers chipent pourtant à chaque communauté d’immigrés astuces culinaires et condiments exotiques pour combiner des chocs de goûts époustouflants. Quant au démesuré Queen Victoria Market, il a converti à l’organique et à l’équitable des citoyens aux palais de plus en plus initiés, qui carburent tous avec ferveur aux cafés savamment distillés. Explorateur intercontinental de plantations artisanales sous la protection de sa marque, St Ali, Salvatore Malatesta se décrit comme l' » évangéliste du café de qualité « , tandis que ses innombrables concurrents prolifèrent. Autant que les bars aux concepts alcoolisés ciblés. Chefs étoilés, baristi savants et mixologistes de cocktails déton-nants sont désormais les maîtres du pavé et peuvent provoquer dans un coin de rue paumé une émeute de foodistas.

Car les Melbournais s’étalent et mutent sans limite. Les vastes districts en damiers de ces jeux des lifestyles et du hasard s’étendent des méandres du nonchalant fleuve Yarra jusqu’à la baie de Port Phillip, entrouverte sur la mer de Tasman. Jonglant avec les quartiers, ses habitants passent de St Kilda, riviera où se dandinent de vrais pingouins bleus, au glamour de Prahran, village pimpant gay et arty. Ils métamorphosent Fitzroy et Collingwood, faubourgs gentrifiés, en repaires musicos et bohèmes de la Net generation, à l’affût des derniers buzz. Mais les humeurs les plus folles de Melbourne se nichent paradoxalement dans le central business district. Au pied des gratte-ciel de granit bien alignés, on plonge dans le fouillis des laneways, réseau de 150 allées étroites s’imbriquant pour une chasse aux trésors décalés. Ce quartier jadis malfamé, fait d’entrepôts où se déversaient les marchandises, est devenu en moins de cinq ans une ruche de bars, de restos, d’ateliers et de boutiques où une bande d’allumés inspirés font leur miel à tous les étages, colonisant bureaux et entrepôts pour installer des commerces new age. Ce dédale flashe de graffitis grimpant à l’assaut des briques, la municipalité conviant officiellement les tagueurs à s’éclater autour d’un citylights project, qui éclaire ces anciens coupe-gorge d’art urbain instantané.

Si les laneways sont le circuit nerveux reboosté de la douairière victorienne, le fleuve Yarra en est la colonne vertébrale. Entre les jardins botaniques royaux et les Docklands, ses rives se sont peu à peu festonnées d’architectures hétéroclites, dont la plus fringante manifestation est le Webb Bridge, dessiné par l’artiste Robert Owen, dauphin aux écailles transparentes en filet de métal sautant au pied de méga-hôtels internationaux. La plus verte, bien que soulignée de rouge, est le Melbourne Exhibition Centre, salué par Frank Gehry comme un prodige aussi écolo que beau. Alentour, les anciens quais industriels de Southbank se sont voués aux divertissements cosmopolites : shopping mall hollywoodien, bars cariocas ou irlandais, immenses casinos rutilants pour Chinois en goguette et nourritures du monde entier à déguster les pieds dans l’eau. Et, planant au- dessus de ces lieux, Eureka, le plus haut gratte-ciel résidentiel de la planète, propulse Melbourne aux sommets de l’hospitalité de l’hémisphère Sud.

PAR JEAN-PASCAL BILLAUD

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