a nice, un quatre étoiles révolutionne l’idée de luxe hôtelier… grâce à la créativité de matali crasset, la nouvelle star du design français.

(*)  » Un pas de côté « , exposition consacrée à Matali Crasset : du 24 mai au 31 août prochain, site du Grand-Hornu, 82, rue Sainte-Louise, à 7301 Hornu.

Carnet d’adresses en page 89.

HI. A prononcer  » i  » ou  » haï  » comme  » salut  » en anglais. Deux lettres pour résumer toute la philosophie de cet hôtel de luxe hors normes mais étonnamment familier, imaginé à Nice par Philippe Chapelet et Patrick Elouarghi et conçu par la designer Matali Crasset. Les deux premiers, jeunes entrepreneurs branchés, avaient ouvert L’Epicerie du monde, le premier concept store de world food à Paris, avant de restaurer le château de la Tremblaye dans la vallée de la Loire. Quant à Matali Crasset, elle est l’une des créatrices les plus en vue de la scène française. A 37 ans, elle signe ici, après des années d’expérimentations relativement confidentielles, son premier vrai projet d’envergure. Une réalisation que beaucoup lui envieraient… Cette ancienne élève de Philippe Starck, à laquelle le Grand-Hornu rend en ce moment hommage, donne la pleine mesure de son talent (*). Tour à tour influencée par le monde de l’enfance et la technologie de pointe, Matali Crasset pousse jusque dans les moindres détails ses propres visions de l’habitat.  » Loin des espaces dominés par la décoration où chaque élément n’a qu’une place et un rôle, dit-elle, les espaces et les objets dans HI trouvent leur légitimité dans leur intelligence à nous procurer des services et des attentions qui font que l’on se sent libre d’agir, avec de nouvelles règles du jeu.  »

Ces nouvelles règles du jeu consistent à réinventer chacun des pôles traditionnels de l’hôtellerie. Avec une humilité et une fraîcheur qui pourraient bien donner un sacré coup de vieux à ses aînés… Le desk du HI est ainsi limité à sa plus simple expression, soit un pupitre en métal sur roulettes résolument à contre-courant du traditionnel et un imposant mobilier en bois précieux. Le hall, avec ses dalles de béton aux murs et son sol industriel, présente de nouveaux codes du bien-être. Comme le hammam, entièrement en résine, qui se décline en bleu et vert, que l’on ne tarde pas à découvrir comme étant la couleur de référence du HI. De dimensions modestes, le lobby û pour lequel la créatrice a dessiné spécialement une série de fauteuils et repose-pieds multicolores qui s’emboîtent comme un puzzle û fait place, quelques marches plus bas, au happy bar. Cet espace spectaculaire est protégé par une gigantesque résille de bois qui donne à l’ensemble des allures de nacelle futuriste. Dans le prolongement du bar, des tables d’hôte affirment le parti pris de convivialité toujours mixée avec un maximum d’inventivité. Les tabourets sont ainsi munis d’un porte-revues selon le principe de combinaison cher à la designer : pour elle, un seul et même objet n’empêche pas de regrouper plusieurs fonctions. S’asseoir mais aussi se détendre.

Un souci identique de bouleverser les habitudes de la clientèle luxueusement nomade préside à la conception des 38 chambres articulées autour de 9 concepts.  » Neuf façons de vivre dans un espace « , précise Matali Crasset. Premier point commun entre les chambres : l’équipement ultrasophistiqué. Du volet roulant commandé en tête de lit, au téléviseur LCD à écran plat en passant par le téléphone de chambre mobile sans fil ou encore l’accès Internet analogique haut débit, le Hi emboîte bel et bien le pas au XXIe siècle. La chambre  » technocorner « , avec son canapé à enceintes et casques intégrés, tout comme la  » digital  » dont les murs rappellent les pixels des images numériques, s’inspirent de notre environnement virtuel. D’autres chambres privilégient l’extrême blancheur, certaines recèlent un univers végétal dynamitant les frontières entre intérieur et extérieur, d’autres encore se jouent de l’apesanteur en juchant ici des toilettes sur pilotis, là une douche que l’on rejoint en gravissant quelques marches. Rares sont les éléments et les accessoires du HI, comprenant jusqu’au lettrage très présent et dessiné par Matali Crasset elle-même, à ne pas avoir été tout spécialement conçus pour l’hôtel niçois. On admirera au passage les baignoires spécialement dessinées par la société belge Aquamass ou les peignoirs de bain de Ron Orb. Un concept global où chaque détail fait partie d’un tout, reflet d’une cohérence extrême. En coulisses, les mauvaises langues se sont tues. Longtemps Matali Crasset fut jugée comme une designer trop éloignée des réalités et des contingences matérielles pour accoucher d’un objet conforme aux attentes du public. Elle vient de prouver le contraire avec maestria.

Texte et photos :

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