Mobilier, parquet, objets du quotidien… Cette essence de bois précieux connaît un nouveau printemps sur la scène déco. Au point de banaliser le chêne, son grand rival.

Il se pourrait que cette vieille armoire en noyer massif, héritée de tante Yvonne, dont vous n’arrivez pas à vous débarrasser, devienne en quelques mois un véritable objet de convoitise. Si, longtemps, ce bois a fait profil bas – au profit du chêne -, la vague du mobilier old school lui permet de redorer son blason. Brun profond, chaud et très veiné, il est désormais synonyme de chic et de cocooning.  » C’est un matériau qui rappelle les années 50-60, une valeur sûre en design. L’engouement pour le noyer va également de pair avec l’actuel revival du design scandinave « , explique Balthazar Braconnier, décorateur d’intérieur parisien. En pionnier, Josef Frank, architecte austro-suédois considéré comme l’un des fondateurs du design moderne inspiré de la Suède, en utilisait déjà par touches dans les années 30. Au début des années 50, Finn Juhl, père du style moderne danois, intègre des pans de cette matière dans ses créations – dont la chaise Karmstol et le fauteuil Chieftain – en pleine époque du teck et du palissandre.

D’autres initiés attribuent la paternité de l’utilisation du noyer aux designers américains des années 50.  » Etant essentiellement produit aux Etats-Unis, ce bois est largement utilisé par les designers locaux, note Anne Bony, historienne d’art. De l’architecte américain George Nakashima au Britannique T.H. Robsjohn-Gibbings, qui a exercé en partie à New York, ce bois a pénétré une bonne partie du design mid-century U.S.  » Aujourd’hui, nombreuses sont les marques et maisons occidentales de mobilier contemporain à sortir du bois : le cuisiniste Bulthaup le décline jusque sur ses comptoirs avec la volonté de redonner à la nature une place centrale dans les foyers, tandis que Ligne Roset a planché sur toute une collection de chaises, de tables à manger et de tables basses. Même le géant suédois Ikea y a succombé. Son catalogue et ses immenses allées en sont truffés.

EN COURS DE RARÉFACTION

 » C’est un bois à consonance chaude, estime Balthazar Braconnier. Ses couleurs de prédilection ? L’orange et le rouge, des teintes très rétro finalement. En réalité, il n’y a pas vraiment de mélange malheureux.  » C’est pourquoi il remporte tous les suffrages dans les appartements contemporains comme dans les intérieurs plus anciens. Certains sont d’ailleurs prêts à débourser la coquette somme d’environ 120 à 150 euros le mètre carré de parquet, contre 70 à 130 euros pour le chêne.

 » Il y a quelques années, avoir un parquet en chêne massif était le comble du chic. Aujourd’hui, c’est mainstream « , renchérit Balthazar Braconnier. Même son de cloche pour Pierre Romanet, directeur de la maison de design Sentou :  » L’uniformité du chêne verni est ennuyeuse à la longue. En tant qu’éditeur, nous cherchons à proposer des alternatives.  » Il a d’ ailleurs flairé la tendance du noyer depuis 2013, en exploitant essentiellement des bois suédois, norvégiens et français des régions du sud-est, considérés comme la Rolls en la matière.  » Nous avons réédité beaucoup de nos pièces iconiques  » – la table Lalinde ou même la chaise Betty, produites à la fin des années 60, sont désormais proposées en noyer. Et si le patron préfère travailler avec des arbres européens, c’est pour une bonne raison :  » Avec les plantations américaines intensives, il y a un risque d’obtenir des bois de moins bonne qualité. Les arbres sont parfois coupés avant d’arriver à maturité, avant même qu’ils parviennent à leur couleur définitive. D’ailleurs, on l’utilise plus souvent pour des plaquages qu’en massif « , admet-il. Et la différence s’observe à l’oeil nu : l’européen – le plus cher – possède un veinage très serré et une couleur sombre, alors que son homologue américain est plus clair et que ses fibres sont diluées.

D’une teinte brun foncé aux veines marquées, le noyer est mi-lourd et mi-dur, ce qui en fait un matériau très robuste. Pour autant, pas question de lui faire prendre l’air, c’est un bois frileux qui craint les variations de température. De plus, comme il n’est pas un arbre de culture intensive dans nos contrées, ce feuillu précieux est difficile à planter et la sylviculture coûte cher. Résultat : le bois se raréfie. Ne pas perdre de temps pour suivre le mouvement donc…

PAR MINA SOUNDIRAM

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