retour d’alain coumont dans l’univers européen du pain quotidien. mais son aventure américaine se poursuit entre new york et los angeles. avec, au programme, le tout bio.

La nouvelle est officiellement tombée dans les derniers jours de juin : le Pain Quotidien était racheté par Alain Coumont et un petit groupe d’associés, scellant ainsi le retour, en Belgique, du fondateur de ces boulangeries pas comme les autres.  » Aujourd’hui, on parle de concept. Mais lorsque j’ai ouvert ma première boutique rue Dansaert à Bruxelles le 26 octobre 1990, c’était un hobby. J’avais créé le Café du Dôme pour lequel je voulais cuire mon pain.  » Car, pour Coumont, l’essentiel est dans le produit qui doit être de qualité (des années durant, il vendra le jour, le pain qu’il cuit la nuit). Tout comme l’ambiance qui, dès le départ, vise la convivialité. Le concept a du succès et les premiers franchisés frappent à la porte. Mais faute de moyens et de véritable encadrement de gestion, Coumont se voit obligé en 1994 de céder son entreprise au puissant groupe de boulangerie industrielle belge Van de Kerckhove. Tout en gardant pour lui les licences qui lui permettent d’ouvrir des boulangeries dans trois pays importants : la France, l’Italie et les Etats-Unis.

Lui, c’est New York qui l’attire.  » J’avais été contacté par un dirigeant d’entreprise américain expatrié en Belgique. Il voulait rentrer au pays et développer notre concept à Manhattan. Je lui ai donc cédé la  » Master franchise  » ce qui, en termes juridiques, lui donnait le droit d’exploiter le nom et de franchiser lui-même des boutiques. Le projet avait pris du retard et on perdait beaucoup d’argent.  » Lorsque je suis arrivé à New York, très vite j’ai eu besoin de davantage de capitaux. Au début, je sous-traitais la fabrication de mes grands pains. Je me rappelle avoir fait lever le premier levain dans la cave. Comme nous n’avions pas d’argent pour recourir à des entrepreneurs, j’ai tout fait moi-même : plâtrer les murs, peindre, clouer le plancher. Je logeais au Pioneer Hotel, l’hôtel des pionniers, à 232 dollars la semaine  » explique-t-il.

Coup de chance : une bonne fée, intriguée par le logo sur la vitrine, fait son apparition quelques jours avant l’ouverture de la première boutique : la critique gastronomique Florence Fabricant du New York Times qui consacre un article copieux au nouveau concept, créant ainsi un engouement fiévreux pour le Pain Quotidien, tant de la part du public que de la presse. Et qui ne s’est jamais démenti depuis. Pour preuves : une deuxième boutique s’ouvre à SoHo en juin 1999, puis une troisième à Lexington et enfin, en 2000 une quatrième sur la First Avenue.

Une aventure californienne

Mais l’ambition de Coumont ne s’arrête pas à la lisière de Big Apple. Janvier 2001, à 5 000 kilomètres et 3 heures de décalage horaire de Little Italy où il vit aujourd’hui, le voilà qui met le cap, avec l’un de ses collaborateurs, sur Los Angeles. Durant deux jours, il parcourt la ville gigantesque.  » C’est le premier voyage pour lequel j’avais tout réservé par Internet : avion, voiture, hôtel. J’avais trouvé une chambre à 58 dollars la nuit, en plein Hollywood. On s’est d’abord baladé, on est allé sur Rodeo Drive. Des amis sur place nous ont un peu expliqué les différents quartiers dont Santa Monica. Nous avons aussi visité quelques locaux commerciaux avec un agent immobilier. On n’a rien trouvé. Mais sur la route de l’aéroport, par hasard, on a repéré un local en plein Beverly Hills. C’est un bâtiment rare en briques apparentes, un genre de grand garage des années 1930, avec une vigne vierge qui grimpe sur les murs. Tout ce qu’il nous fallait « , se souvient-il.

Début février, le contrat de bail était signé et en juillet 2001 le premier Pain Quotidien de Beverly Hills ouvrait, suivi, moins d’un an plus tard, par deux autres, l’un à Brentwood (Hollywood) et l’autre sur Melrose Avenue. Dès leur ouverture, les boutiques attirent là aussi les foules.  » Jamie Lee Curtis a des bureaux juste à côté. Dans plusieurs interviews, elle a déclaré que le Pain Quotidien était une de ses adresses préférées. Quand elle est à Los Angeles, il n’est pas rare de la voir passer vers les 9 heures du matin. A Brentwood, la concentration de stars, notamment de la télé, est bien plus importante encore. Un de nos tout premiers clients fut Dustin Hoffmann « , souligne-t-il. Les yeux fixés déjà sur la prochaine étape, cet automne, avec le lancement d’un nouveau Pain Quotidien, dans un restaurant classé datant de 1923, à Santa Monica. Tout ceci en surveillant de près la boulangerie et la cuisine qui approvisionnent les boutiques de LA, histoire de maintenir une production de qualité. Sa gourmandise ne s’arrête pas là. Un mois plus tard, il compte ouvrir aussi une septième boutique à New York (la onzième au total), dans le West Side avec un loyer de plus de 20 000 dollars par mois pour 200 m2 environ, un prix exorbitant. Mais la réussite ne repose-t-elle pas aussi sur le choix judicieux des meilleurs emplacements ?

Depuis deux ans, Alain Coumont partage donc son temps entre les deux côtes américaines. Il y a quelques mois, il a choisi de faire le grand saut en convertissant ses boutiques exclusivement au bio. Une audace qui lui a valu un nouvel article élogieux dans le New York Times.  » Le bio est plus savoureux, plus goûteux. Et puis, l’agriculture chimique est confrontée à de véritables problèmes, comme la stérilisation des sols. Enfin, les gens veulent offrir à leurs enfants une alimentation de qualité « , note-t-il.

La révolution bio américaine du Pain Quotidien gagnera-t-elle la Belgique ?  » Nous y travaillons déjà. Le passage au bio ne se fera pas en un jour. Je pense que nous pouvons aller assez vite pour la farine, pour des jus de fruits, des confitures, les £ufs. Aux Etats-Unis, j’ai aussi du cacao bio, du café, du thé. Depuis deux mois et suite à la parution de l’article du New York Times, des fournisseurs me contactent spontanément.  » Mais ce qu’Alain Coumont entend créer, c’est une dynamique de qualité à l’échelle de chaque Pain Quotidien.  » Jusqu’ici, les deux  » groupes « , européen et américain, ont travaillé indépendamment. Aujourd’hui, on rassemble les expériences et on prend le meilleur des deux. Il est donc tout à fait logique de trouver à Bruxelles ou à Liège le même menu qu’à New York ou LA. Le passage au bio se fera en Europe comme aux Etats-Unis, sans trop augmenter les prix à la caisse, en répercutant simplement le coût supplémentaire des matières premières dans le produit final. On ne va pas tirer parti de ce plus pour accroître nos marges.  »

Recettes en page 84.

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