Barbara Witkowska Journaliste

Avant d’être produit en série, chaque nouvel objet doit franchir l’étape difficile et onéreuse du moule. La technique révolutionnaire du laser assistée par ordinateur permet un nouveau mode de fabrication, plus économe et aisé, boostant la créativité. Une aubaine pour les designers.

Carnet d’adresses en page 153.

Stéréolithographie, prototypage rapide, frittage… Retenez bien ces termes. Ils vont révolutionner notre environnement et l’univers de la décoration. Grâce à ces nouvelles techniques, la liberté créatrice des designers ne connaîtra plus aucune limite. Pour en savoir plus, cap sur Materialise, une société belge créée il y a quinze ans, à l’initiative de deux ingénieurs issus de la KUL (Katholieke Universiteit Leuven). Le but ? Faire appel à des technologies dernier cri, mettre au point de nouvelles techniques de prototypage, plus rapides et, surtout, moins onéreuses. Il faut savoir, en effet, que tout nouveau produit (une voiture, un appareil électroménager, un objet design, etc.) implique pour les industriels la fabrication d’un moule. Ceci avant la mise au point du produit définitif et le lancement d’une fabrication en série. Ce prototype est indispensable pour effectuer tous les tests, par exemple de solidité ou de poids, et de valider le design. Or, le poste prototype est l’un des plus coûteux dans le cycle de développement d’un nouveau produit. C’est la raison pour laquelle, les solutions proposées par Materialise s’avèrent particulièrement intéressantes.

 » En quinze ans, notre société est devenue l’une des plus grandes entreprises au monde de prototypage rapide, explique Jonathan Cornelus, project manager. Aujourd’hui, nos activités touchent quatre domaines différents. La division de la consommation courante fabrique les prototypes de voitures, d’appareils électroniques et électroménagers. La division software est spécialisée dans des logiciels très spécifiques. La division médicale crée, notamment, des prototypes de crânes humains, très utiles pour des interventions chirurgicales complexes. Enfin, le design, est réuni au sein de la division Materialise. MGX « . Dans ce dernier domaine, on fait appel à deux techniques : la SLA ou stéréolithographie et la SLS (frittage sélectif par laser).

Commençons par la SLA. On part d’une image réalisée en trois dimensions sur un ordinateur avec un logiciel adéquat, par exemple le dessin d’une lampe. Ensuite, on transfère le fichier ainsi obtenu sur un instrument informatique relié à une unité de fabrication. Celle-ci ressemble à une grosse armoire qui intègre une grande cuve remplie de résine époxy liquide. L’ordinateur transforme les données du fichier et met en marche le rayon laser UV qui découpe la lampe en fines tranches horizontales de 0,1 mm d’épaisseur. Le laser commence par dessiner la couche, puis va la durcir ou, pour utiliser un terme plus technique, la polymériser. Ainsi, couche par couche, on construit entièrement la lampe, copie conforme du dessin initial. Tous types de prototypes, même des pièces très volumineuses, peuvent être réalisées selon cette technique. La pièce peut subir une finition par sablage, pour acquérir une surface ultralisse et, pour finir, peut être peinte au pistolet. Le seul désavantage ? Elle a besoin d’un support ou d’un  » échafaudage « . Celui-ci doit être enlevé manuellement, lorsque la pièce quitte la machine. Dans la technique SLS, le principe est assez semblable. La grande cuve est remplie de poudre de nylon, à la place de résine liquide. Ici, c’est un laser infrarouge qui fabrique l’objet couche par couche, en agglomérant la poudre. Sous l’effet de la chaleur, les différentes couches vont se souder les unes aux autres pour former la pièce définitive. La technique SLS n’a pas besoin de support. En revanche, il est impossible d’apporter à la pièce une finition raffinée. Le ponçage est interdit, car le plastique fondrait. Par conséquent, la surface est légèrement granuleuse et rugueuse.

La division Materialise. MGX, dirigée par la designer Naomi Kaempfer (auteur de la lampe Ratio. MGX) vise, pour l’instant, le marché des luminaires. Opérationnelle depuis un peu plus de deux ans, elle connaît une croissance de 50 % par an. Les premiers luminaires, créées par de jeunes designers, tels Jiri Evenhuis, Assa Ashuach, Arik Levy ou Bathsheba Grossman, et réalisés selon les deux techniques, SLA ou SLS, ont été très remarqués lors du salon 100 % Design à Londres, en 2003.  » Avec nos machines et avec nos technologies, nous pouvons créer des formes impossibles à réaliser autrement, s’enthousiasme Marc Duhayon, responsable de la production. Certes, le délai de fabrication reste relativement long. Une lampe sophistiquée, telle la Lily. MGX, en forme de Lotus, réalisée selon la technique SLS, nécessite 10 000 couches et une journée et demie de fabrication. Cela dit, les technologies avancent et notre objectif est de passer du prototypage rapide, donc de une à cinq pièces, à la fabrication rapide, capable de produire plusieurs milliers de pièces.  »

La division Materialise. MGX a le vent en poupe. Une ligne de colliers aux formes très innovantes, dessinée par Arik Levy, est prévue pour la fin de l’année. Les designers les plus pointus trouvent chez Materialise. MGX une oreille très attentive et la possibilité d’exécuter leurs idées les plus folles. Ainsi, Patrick Jouin, le designer français, a mis au point avec la société belge sa collection  » Solid « , présentée au Salon du Meuble à Paris, en janvier dernier. Elle réunit des chaises aux dessins arachnéens (une construction étonnante qui fait penser à un jeu de mikado) et des tabourets aux formes organiques.  » Solid utilise des dimensions maximales, souligne Marc Duhayon. Réalisée en SLA, elle est fragile et, pour le moment, reste encore une pièce artistique. Cela dit, nous travaillons sur les solutions pour la renforcer.  » Les techniques doivent encore être peaufinées. Une chose est sûre : la liberté des formes est aujourd’hui absolue. Désormais, rien ne peut plus entraver l’imagination la plus débridée des artistes.

Barbara Witkowska

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