Icône BCBG, le polo opère un retour en force dans les garde-robes estivales. À grand renfort de stretch, il joue la carte  » près du corps  » pour un savant mix entre dégaine sportswear et chic anglais.

A la fois panoplie du chic bourgeois et attribut indispensable des cailleras, le polo se refait une petite place au soleil dans les collections masculines. On le croyait rangé au placard ? Il en ressort avec punch, retaillé à la mode d’aujourd’hui. Exit les coupes larges et le polo rentré dans le pantalon ! On mise désormais sur des versions en stretch, on superpose les modèles et on ose les décalages. L’exemple de ce renouveau, on le trouve, par exemple, dans la garde-robe homme de Gilles Rosier. Pour cet été, le créateur français revisite ses classiques. Les archétypes même du placard masculin : la chemise, le blazer, le smoking… ou bien encore le polo. L’idée, c’est de déstructurer, décaler, créer l’asymétrie, débrailler même, mais de conserver une allure élégante. Quant il s’agit du polo, Gilles Rosier le tricote dans une maille finement rayée de blanc. Le renouveau est dans le détail : des mini-manches sont retournées sur les épaules pour les dégager et laisser apparaître une doublure blanche et rayée, tandis qu’un écusson est plaqué sur la poitrine. D’un côté, l’allure rock d’un polo sans manche. De l’autre, l’esprit chic et anglais d’un écusson rétro.

Ce n’est sans doute pas un hasard si Gilles Rosier détourne le polo. Il a travaillé durant sept ans comme directeur artistique chez Lacoste. Et le polo, c’est bien René Lacoste qui l’a crée. En 1933, quand il met en marche la production industrielle de ses fameuses petites chemises en piqué de coton blanc, le tennisman français ne sait sans doute pas qu’il est en train de lancer un basique des garde-robes. Cette petite chemise brodée d’un logo, le mousquetaire l’avait créée pour son usage, à la fin des années 1920. Lorsqu’il la commercialise, il lui donne un nom de code : 1212. Depuis, on l’a oublié et on lui préfère le nom de polo. N’empêche, la petite affaire de Lacoste fait vite office de mini-révolution pour les habitués des courts. A l’époque, les joueurs de tennis portaient des chemises de ville à manches longues et en tissu chaîne et trame. La 1212 de René Lacoste défie donc toutes les habitudes. Elle adopte des manches courtes et un col en bord-côtes, et elle se tisse dans un tricot léger et aéré, le fameux jersey petit piqué. C’est la première fois, aussi, qu’une marque affiche son identité à l’extérieur du vêtement : Lacoste, c’est le crocodile brodé.

Le polo, depuis, est passé à la postérité. Après la Seconde Guerre mondiale, il commence à en voir de toutes les couleurs : rouge, bleu, tutti-frutti, rayé. Mais c’est dans les années 1980 qu’il s’impose comme l’emblème d’un chic bourgeois, avec deux marques : Lacoste et Ralph Lauren. Le crocodile contre le joueur de polo… Tous les deux créent un certain art de vivre mondain, une élégance distinguée où la mode des années 1930 et 1940 est réinterprétée avec une dose de sportswear. Un classicisme adapté à la vie active et réservé à une certaine élite. Chez Ralph Lauren, on vit comme dans un cercle d’initiés. Ses boutiques sont autant de décors mis en scène. Parfait attirail pour jouer au croquet, sièges en cuir façon ches-terfield, vieux livres reliés et scènes de chasse encadrées en grand, les magasins du créateur évoquent le bon vieux chic anglo-saxon. Revirement de situation en grand quelques années plus tard : la décennie 2000 remet tous ces codes en question. Signes d’appartenance aux hautes sphères sociales, le crocodile et le joueur de polo sont prisés des gamins de banlieue. Les codes bourgeois sont réappropriés : on se damne pour un croco, pour un sac siglé LV, une casquette parée du tartan de Burberry. Il y a les partisans du faux, et ceux du vrai. Question de moyens. Ces codes-là, en tout cas, se mixent avec des marques pur jus du cru : Com8, Fubu, Dia, Homecore.

Le retour du polo en 2005, y compris dans les vestiaires proposés par les créateurs, est incontestablement la suite logique de cette petite histoire. Impossible d’ignorer l’influence du streetwear. Impossible d’ignorer également le come-back d’une certaine mode rétro.  » Le retour en vogue de certaines grandes marques comme Lacoste ou Fred Perry a permis de voir revenir le polo, commente Lysiane de Royère, du bureau de style parisien Promostyl. On assiste à un certain retour de l’élégance masculine et des basiques raffinés.  » Du coup, le polo se plie à tous les registres. Dans le vestiaire des sportifs, on le retrouve avec la collection golf dessinée par Christopher Bailey pour Burberry. De son côté, Daniel Hechter lance, pour cet été, une collection intitulée DH Sport et déclinée pour le golf, le jogging et la voile. Le créateur avait déjà dessiné une première collection sport en 1974, sa griffe en profite pour reprendre les basiques de l’époque avec des matières innovantes. Un esprit vintage où le polo tient la première place, tissé dans du coton piqué et paré de cols boutonnés ou à pressions.  » La marque argentine La Martina équipe, depuis longtemps, en matériel les joueurs de polo, poursuit Lysiane de Royère. Elle a sorti une ligne de vêtements et débarque à peine en Europe avec l’ouverture d’une boutique à Saint-Tropez. Le polo y tient une place majeure, dans une version sophistiquée. De belles matières et des détails fantaisie, c’est tout à fait ce qui symbolise ce retour du polo. On n’adopte plus seulement une maille piquée, mais aussi des mailles fantaisie comme le nid- d’abeilles et des mélanges de coton et cachemire.  » Inspiration sport, toujours, avec la collection de La Griffe Roland-Garros. C’est le tennis qui l’inspire, avec des polos en coton piqué blancs. Et pour les femmes, la marque réédite même une petite robe polo à taille basse et à plis, en clin d’£il à la championne Suzanne Lenglen. Sur les flots, Aigle a conçu un polo hypertechnique, testé et certifié par Dupont de Nemours. Ce poids plume de 180 grammes est tissé dans un alliage de Polyester et Coolmax. Il évacue l’humidité, offre une impression constante de fraîcheur et sèche en deux temps trois mouvements.

Le sport et la mode sont indissociables, les créateurs et les grandes marques de sport l’ont compris. Tandis que Yohji Yamamoto dessine une collection en partenariat avec Adidas, la créatrice de Comme des Garçons, Rei Kawakubo, signe une ligne sport en association avec Fred Perry. Nom de ce concept réservé aux hommes : Comme des Garçons shirts. Depuis plusieurs saisons, cette collection réunit tee-shirts, sacs, vestes et chaussures. Et les polos en sont les leitmotive. Le Belge Dirk Bikkembergs, lui, s’est associé à Umbro pour une ligne entièrement dédiée au football. Les polos y sont zippés pour les hommes, et sans manches pour les femmes. Manches longues et rayures, le polo de rugby est lui aussi  » récupéré  » par les stylistes. Dries Van Noten l’arbore sur un kilt pour une version dandy chic. Du coup, on tombe dans la garde-robe rétro et les modèles années 1930. Seule différence : on ne porte plus le polo comme autrefois. Le col est grand ouvert et laisse deviner le torse ou un maillot. Le créateur anversois marie un polo zippé à un short écossais et veste, ou un polo rose avec pantalon à carreaux finement ceinturé. On ose ainsi superposer les polos, comme chez Gant.

L’année dernière, c’est Lacoste qui secouait son petit monde avec le Piqué Stretch. Un renouveau technique qui réactualise ce classique et lui donne les moyens d’épouser les corps. Sage en écru, et décapant en vert pomme, ce polo surfe avec les styles. Son développement et son succès, notamment outre-Atlantique, font ainsi des Etats-Unis le premier marché Lacoste dans le monde. Christophe Lemaire, qui a succédé à Gilles Rosier à la direction artistique de Lacoste, explique que  » le polo s’adapte à toutes nos envies et est très facile d’entretien. Il permet d’exprimer un style, une originalité, en rompant avec les règles établies. Un polo peut être très basique avec un jean ou plus décalé, porté près du corps, avec un smoking. Les possibilités sont multiples comme les individus ».

Rétro et dandy, c’est le style avec lequel joue également Rykiel Homme. Les polos à rayures rose et rouge y sont portés sous des vestes à carreaux et associés à des écharpes fantaisie multicolores. Ils s’assortissent aussi à des costards plus blancs que blanc. Ecko mise, lui, sur des versions de polos très  » college boy « , comme des rééditions de modèles anciens. Energie joue la rayure et des coupes étriquées. Junya Watanabe fait défiler des hommes des montagnes prêts à affronter les cimes avec leurs polos aux tons électriques, portés sur des pantalons rayés et des bottillons d’escalade en technicolor. Tandis que le catalogue de vente par correspondance Somewhere classe le polo parmi ses fétiches de l’été. Côté garçons, des polos et polos-chemises qu’on superpose et décline en framboise, vert gazon ou rouge. Côté filles, des polos en piqué de coton stretch proposés dans des dizaines de couleurs ou une robe polo simplissime qui mise sur la carte détente. Après tout, si le polo est un basique, c’est aussi un indétrônable vêtement mixte. Les femmes le chipent aux hommes. Et les versions stretch estivales vont leur rendre ce petit jeu encore plus facile !

Amandine Maiziers

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