Comment transformer une ferme du XVIIIe siècle en un haut lieu de la douceur de vivre ? Régine et Marc-Antoine Wynants jonglent avec les époques et créent un accord parfait, empreint de fantaisie, d’imagination et de confort.

Dès la porte d’entrée franchie, vous êtes conquis ! Une odeur de fleurs, de café et de gourmandises vous enveloppe. On se trouve au coeur d’un univers fort, un peu inhabituel et cependant serein. On se sent parfaitement bien dans cet espace dont la rigueur est poétique, l’originalité tonique. Régine et Marc-Antoine Wynants demandent à leur maison de leur ressembler. Comme eux, elle doit avoir du charme et de l’esprit. Il n’y a pas de doute : les maîtres des lieux aiment le rêve, l’imprévu, l’insolite et les reconstitutions fantastiques. Les décalages dans le temps ne leur font pas peur. Régine, styliste de mode et styliste pour le cinéma, touche à tout : haute couture, cuir, fourrure, sportswear. Ingénieur commercial de formation, Marc-Antoine est un artiste autodidacte. Il aime se mesurer à l’écriture, de chansons ou de poèmes, à la photo, à la sérigraphie et à la sculpture. Activités pluridisciplinaires et éclectiques, donc, qui demandent beaucoup de mètres carrés. L’espace de cette bâtisse impressionnante, s’étirant à l’inifini, convient ainsi parfaitement.

 » La ferme était dans ma famille depuis trente ans, signale Marc-Antoine. Un corps de bâtiment date de 1690, les autres parties ainsi que la grange ont été construites en 1730. Nous l’habitons depuis quatre ans et, petit à petit, nous lui faisons retrouver son allure originelle. A l’étage, par exemple, tous les plafonds ont été remis à nu. Les vieilles planches en chêne qui séparaient les étages sont redevenues apparentes. La nuit, des rais de lumière passent par les interstices et rapprochent les espaces. « 

Pour faire chanter et vibrer ce cadre historique, le couple lui a offert une décoration intérieure rythmée, fantaisiste, parfois anecdotique, mais toujours éminemment sympathique. En témoigne un mobilier éclectique et hétéroclite, pour la plupart récupéré, faisant fi des époques et des styles. Surprenante et joyeuse, la dynamique de la couleur. Le blanc, le bleu, le mauve suave, le gris clair, l’ocre, couleurs éternelles, déclinent toutes leurs nuances et forment l’harmonie de base de la maison. Mais le salon fait exception. Il est voué à un jaune très vif, acide, presque insolent. Il réveille superbement le cuir noir des canapés Mim, le met en valeur en s’affrontant à lui.  » Le salon est une pièce à part, note Régine. Cette partie de la ferme était très abîmée et il a fallu procéder à une rénovation complète. Aujourd’hui, dans cette pièce cubique, percée de grandes ouvertures vers le jardin, il n’y a aucun signe d’ancienneté. Nous en avons profité pour changer d’ambiance. Le salon est donc dédié au style des années 1970. Nous l’aimons beaucoup car il est synonyme de changement d’esprit, de liberté et de renouveau. « 

Dans cet univers ancré dans le passé, proche et plus lointain, voici partout semées des oeuvres résolument contemporaines. Sculptures et tableaux sont attentivement disposés de façon à s’intégrer dans la composition d’ensemble, et à la souligner. Dans le salon et dans la chambre, les sérigraphies de Marc-Antoine, intitulées  » Coeur Confiture « , évoquent le fameux test de Rorschach ( NDLR: test projectif couramment utilisé en psychologie). Dans la salle à manger, une toile de Xavier Nellens symbolise la mer, ou le ciel … Le sculpteur Vincent Halflants a réalisé une immense oeuvre abstraite sur les murs du hall d’entrée …

De dimensions plutôt modestes, la cuisine est aménagée avec des copies de comptoirs de quincailliers. C’est le véritable centre nerveux de la maison. Ici, on se retrouve pour le café du matin, pour un dîner en famille ou pour des réunions entre copains.  » Nous considérons notre maison comme un être vivant, souligne Marc-Antoine Wynants. Elle est très ouverte vers l’extérieur, car il faut qu’on la « nourrisse ». Il y a beaucoup de passages ici. Les gens viennent vers nous pour communiquer, pour échanger des idées. Des amis passent pour faire de la sculpture ou de la musique, pour écrire ou pour préparer des expositions. Ils se rencontrent ou ne se rencontrent pas. J’aime bien ce côté « monastère » où les gens se croisent et où tout le monde participe à la vie de la maison et à l’écriture de son histoire. « 

Pour accéder au jardin, on emprunte l’ancien passage des animaux, situé dans une dépendance. Il débouche sur un bel espace de 40 ares, bordé de murs anciens. L’atmosphère est fluide et ouverte, la circulation se fait en toute liberté. On a l’impression que le temps s’est arrêté. Le patrimoine vert est à peine discipliné et maîtrisé.  » Il s’agit, en réalité, de l’ancien verger de la ferme, explique Régine. Hélas, tous les arbres sont morts, de vieillesse. Au début, nous n’avions pas beaucoup d’idées quant à l’aménagement du jardin. Alors, on a laissé la nature vivre en liberté, on l’a laissée parler. L’herbe a poussé. Nous y avons tondu des chemins. Petit à petit, des plantes qui nous étaient inconnues jusque-là ont proliféré. Par exemple, les berces du Caucase, les bouillons blancs, les pétasites qui ressemblent aux feuilles de rhubarbe ou encore des inules qui évoquent les marguerites jaunes. Il s’agit de plantes démesurées, atteignant parfois deux à trois mètres de hauteur. Elles expriment leur vivacité en se groupant par massifs et grossissant d’année en année.  » Les légumes poussent entre les fleurs : les potimarons dans les capucines, les tournesols dans les framboisiers. Les mauvaises herbes s’épanouissent. On arrache les orties,  » pour la soupe « .  » Nous sommes environnementalistes, clame Marc-Antoine. Cela fait partie de la qualité de la vie : être conscient d’appartenir à tout, vivre dans le respect de tout. « 

Barbara Witkowska Photos : Mireille Crasson

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