Lignes fluides et épurées à l’extrême, coloris chics et classiques, talons infinis et touche écologique. Le nouveau directeur de création signe sa première collection. Il nous l’a présentée, en avant-première.

Il arrive pile-poil à l’heure. En bon Italien, Francesco Russo sait admirablement jouer sur les contrastes et combiner un vestiaire classique avec des pièces de créateurs plus pointus. Impeccablement coupée, la chemise Charvet est portée avec un pantalon kaki griffé Martin Margiela roulé aux chevilles. Il arbore un grand sac gris YSL, souvenir de sa  » vie antérieure  » –  » Je suis resté neuf ans chez Yves Saint Laurent en travaillant sur les collections chaussures Homme et Femme, d’abord sous la direction de Tom Ford, ensuite sous celle de Stefano Pilati  » – et teste des mocassins en croco marron, dessinés par lui, que les hommes pourront adopter au printemps 2010.

Quel est l’esprit de cette première collection ?

Minimaliste, épuré au maximum et très féminin. La collection s’articule autour de la silhouette féminine qui est pour moi d’une importance capitale. Pour la souligner et l’accentuer, je voulais traiter la chaussure de façon radicale, mettre en évidence  » l’essence de la forme  » en évitant à tout prix le côté  » fancy  » et  » jouet « . On peut être créatif dans la subtilité. D’où ce parti pris d’un retour au classicisme, revisité d’une touche contemporaine. Je me suis inspiré des ombres chinoises pour jouer sur la forme et créer une silhouette assez sculptée, évoquant un trait esquissé dans l’espace. Je suis quelqu’un de très tactile, j’aime les jeux d’équilibre, comme dans les mobiles de Calder, par exemple. Chaque chaussure est un élément du mobile.

Quel est votre parcours ?

Je suis né dans les Pouilles, j’ai grandi dans un village typique du sud de l’Italie, au nord de Bari, dans le talon de la botte. Le lieu de ma naissance m’a prédestiné à mon métier (rires). Mon père avait un magasin de tissus, ma mère était couturière et mes deux s£urs étaient obsédées par la modeà A 10 ans je voulais devenir styliste et travailler dans la mode. Comme je viens d’un petit village, j’ai commencé par un collège d’art, censé m’ouvrir les portes de la mode, avant de me diriger vers une école de design à Milan.

Comment avez-vous basculé de la mode vers la chaussure ?

Effectivement, j’ai fait mes premières armes dans le prêt-à-porter, comme assistant au département Homme chez Costume National. Très vite, je me suis rendu compte que je vibrais pour des matières plus tactiles, dont le cuir. La chaussure m’attirait. J’ai dessiné mes premiers modèles, testés par mes s£urs qui souffraient pour moi. Après avoir dirigé le département Accessoires chez Costume National, j’ai dessiné pendant deux ans les chaussures pour Miu Miu, ma première vraie expérience. Puis j’ai rejoint à Paris mon copain Stefano Pilati qui m’a fait entrer chez Yves Saint Laurent.

Vous voilà chez Sergio Rossi. Dans quel état d’esprit relevez-vous ce nouveau défi ?

Avec beaucoup d’enthousiasme. J’ai l’habitude de travailler pour les grandes marques. C’est bien de prendre différentes directions et d’avoir des possibilités créatives plus larges. Après l’expérience que j’ai acquise, j’avais envie de travailler pour une marque spécialisée dans la chaussure. Sergio Rossi est une vraie référence et j’ai l’intention de continuer son histoire. Sans pour autant m’enfermer dans la tradition et dans le passé. La recherche, l’innovation et l’expérimentation sont la marque de fabrique de la maison.

Quels sont vos projets ?

Je poursuivrai le projet Homme, très important pour Sergio Rossi qui compte s’investir de plus en plus dans ce créneau, en travaillant sur la forme. La collection de sacs prend également de l’extension. Pour l’hiver, j’ai dessiné des modèles souples, légers et ergonomiques taillés dans une nouvelle matière, du veau velours lacéré.

Vous prenez également une orientation écologique ?

Aujourd’hui, la créativité doit être mise au service de l’écologie. J’ai créé, dans le cadre du projet Home, le film réalisé par Yann Arthus-Bertrand pour nous rappeler notre responsabilité dans la sauvegarde de l’environnement, l’escarpin écologique  » Eco Pump « . Sa mise au point a été réalisée avec la société allemande Fraunhofer qui développe des matières nouvelles écologiquement correctes. La semelle, très flexible, est conçue avec du  » bois liquide « , un mélange de cellulose et de déchets de cuir. Le bout du talon est à base d’huile. La peau de la tige a été préparée par un tanneur très sensible à l’environnement. La boîte d’emballage a aussi été réalisée avec des matières biodégradables. Cet escarpin a été présenté dans les boutiques le 5 juin dernier, le jour du lancement au niveau mondial du documentaire Home et est toujours en vente. Une partie des bénéfices sera versée à l’ONG GoodPlanet. org.

Carnet d’adresses en page 100.

Par Barbara Witkowska

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