Face à l’immensité des paysages russes, l’auteure vagabonde entre infini des possibles et vanité des désirs. Elle y a tissé une histoire d’amour ferroviaire aux zones d’ombre et aux lignes de fuite.

L’écriture est-elle un voyage ?

C’est indéniablement un mouvement. Il comprend aussi une part de voyage intérieur, qui me met en branle. Les livres qui ont compté sont ceux qui m’ont déplacée au point de me faire perdre mes repères. La littérature ne sert pas à s’évader, mais à montrer le monde tel qu’il est.

Enfant, vous vouliez devenir ?

Aventurière et plus particulièrement me lancer dans la delphinologie ou devenir reporter de guerre. J’aspirais à un métier digne d’une héroïne de roman, avec son lot d’aventures et de péripéties.

Quel voyage vous a le plus marqué ?

Un voyage en Russie, pays de la tragédie. Surtout la Sibérie, terre des goulags, des exilés et de la souffrance.

Qu’en est-il du Transsibérien, qui traverse ce roman ?

C’est le train en soi, l’absolu du train. Tel un cordon ombilical, cette ligne relie deux points opposés de la Sibérie. Suite à une invitation, je l’ai pris, en compagnie d’écrivains, pendant quinze jours. On peut faire la lecture de toute la société russe à son bord.

Avec qui aimeriez-vous partager un compartiment ?

Avec le photographe Robert Capa, qui m’apprendrait à regarder.

Qu’est-ce qui vous fait prendre la tangente ?

L’amour, le désir, l’impulsion, l’amitié, mais le premier déclic est l’étonnement. Lorsque dans mon roman, Anton dit  » Suis-moi « , à mon héroïne française Hélène, elle se sent si unique qu’elle le rejoint en Sibérie. Voilà une femme dont je pourrais prendre en charge les émotions et les actes.

Un rencontre peut-elle faire basculer une vie ?

Les vies ont toujours une part de fragilité. La rencontre entre deux êtres est un choc frontal qui agit comme un révélateur d’inattendu.

Alors qu’Hélène et Aliocha ne partagent pas la même langue, quel pont se tisse entre eux ?

Ils créent une espèce de langage des signes, qui ne compte que pour eux deux. Le jeune soldat, Aliocha, renvoie Hélène à sa propre fuite.

Avoir 20 ans c’est…

L’âge du temps de l’attente, de l’excitation et de la terreur maximale. Aliocha est requis pour la guerre, or il est aussi vierge que la terre de Sibérie qu’il traverse.

Un alcool ?

J’ai appris à avaler la vodka lors de mon voyage en Sibérie. Si je me laisse aller, j’atteins la griserie, l’euphorie, le pétillement et l’hyperlucidité. Tout s’intensifie…

Tangente vers l’est, par Maylis de Kerangal, Verticales, 128 pages.

KERENN ELKAÏM

LES VIES ONT TOUJOURS UNE PART DE FRAGILITÉ.

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