Chefs créatifs, produits originaux, accords inédits, design culinaire inspiré, ustensiles toujours plus performants… La planète food est en constante ébullition. Zoom sur 15 nouvelles attitudes.

1. LA VAISSELLE ORGANIQUE DE ROOS VAN DE VELDE

De New York à Singapour, les créations de la céramiste belge Roos Van de Velde sont aujourd’hui parmi les plus prisées des grands chefs. Ses assiettes, bols, cuillers, et autres coquetiers puisent leur inspiration dans la nature (photo). Ajoutez à cela un travail sur la finesse et la transparence que lui offre son matériau de prédilection, le bone china ou porcelaine à la cendre d’os, une terre à la blancheur intense. Roos £uvre aussi avec de grands noms de la gastronomie comme Michel et Sébastien Bras, à Laguiole. Sa création, baptisée Sept de Sept, prend place dans la ligne exclusive de vaisselle de table initiée par Serax et comptant trois collections nées d’une collaboration entre chefs étoilés et céramistes de renom. Les deux autres productions ? Sastrugi pour le tandem Wou Bu – Nedda El-Asmar et Geometry pour le duo Peter Goossens – Ann Van Hoey.

2. SERGIO HERMAN, LE CHEF ARCHI-DESIGN

Sergio Herman, le chef triplement étoilé du restaurant Oud Sluis (à Sluis) l’a toujours clamé : il puise son inspiration hors de la cuisine. Ses passions ? L’art contemporain, le design et l’architecture. Il confie ainsi ses chantiers à une des stars de l’aménagement d’intérieur, le Néerlandais Piet Boon, qui assure entre autres pour lui l’ambitieux projet de transformer en restaurant la chapelle de l’ancien hôpital militaire d’Anvers. L’ouverture est prévue fin 2013. En attendant, on peut découvrir la cuisine que Sergio Herman a imaginée pour la marque Obumex : un bloc en chêne brut, acier poli et laque noire. Côté art et design, le chef néerlandais collabore avec Job (Studio Job) pour définir le concept visuel des plats. Comme ce chapelet comestible dessiné sur l’assiette et évoquant les saveurs de la mer ou cette recette à base de pomme et de foie gras, en forme du logo d’Apple, baptisée iFoie… D’autres mets servis au Oud Sluis sont tout aussi symboliques. Chocolate Emotion, par exemple. Sur une assiette très joliment colorée, une mousse de chocolat présentée sous une forme carrée arbore un motif gravé en relief : un tatoo réalisé par un célèbre tatoueur, considéré par ses pairs comme un artiste (photo). Quant au dialogue poétique que Sergio Herman a mené avec les galeristes belges Sofie Lachaert et Luc d’Hanis autour de l’art culinaire, il fera tout prochainement l’objet d’une exposition. Les photos de Tony Le Duc présentant le fruit de leur collaboration seront accrochées aux cimaises de la galerie Lachaert, à Tielrode, du 27 novembre au 8 janvier prochain.

www.lachaert.com et www.obumex.be

3. LA CORÉE N°1 MONDIAL

La Corée (du Sud) s’imposera-t-elle bientôt à l’échelon international comme le chef de file de la gastronomie, prenant le relais de l’école espagnole de Ferran Adrià ? C’est en tout cas ce que prévoient les experts. Doté d’une identité nationale forte, le pays du Matin calme s’est officiellement fixé comme but la  » mondialisation  » de sa cuisine (lire aussi en pages 44 à 50). Côté fast-food, le bibimbap, un bol de riz agrémenté de légumes divers, pourrait rapidement faire fureur sous nos latitudes aussi. Mais la table coréenne, avec ses fermentations de légumes et de fève de soja qui ont pour propriété de libérer des acides aminés essentiels, est d’abord pensée pour le bien-être et la santé. À découvrir, l’infinie variété de kimchi, des préparations de légumes faisant appel à un mode de conservation naturel cousin de la choucroute, tout comme le Jang, un terme générique désignant les produits issus de la fermentation des fèves de soja : ganjang (sauce), doenjang (pâte), gochujang (pâte pimentée). La Corée propose aussi tous ces ingrédients dont les chefs raffolent aujourd’hui : algues, poissons séchés, citrons yuja… Pour relever son défi, les opportunités sont donc nombreuses. D’autant plus que son voisin japonais doit affronter la méfiance générale sur sa production alimentaire, suscitée par l’accident nucléaire de Fukushima suite au séisme de mars dernier.

4. LES FOUS DU 50 BEST

Saviez-vous que The World’s 50 Best Restaurants, le fameux classement mondial publié chaque printemps par Restaurant Magazine, compte en fait 100 nominés (photo : René Redzepy, chef n°1 à la tête du Noma, à Copenhague) et qu’il existe une liste 51-100 dont on fait peu de cas ? Même si tous s’accordent sur le côté irréel de ce classement, sur l’impossibilité pour les quelques centaines de jurés d’avoir accès à certains restaurants, tous les chefs concernés vous le diront, comme Claude Bossi (Hibiscus, à Londres) :  » Passer de la 51e place à la 48e change votre vie. On devient visible aux yeux de la planète entière.  » Largement relayée par les blogueurs,  » la  » liste est considérée comme la référence suprême par les foodies de toutes origines qui lui font davantage confiance qu’aux étoiles Michelin… et n’hésitent pas à se lancer dans le tour du monde des 50 Best. Dès lors, même des restaurants éloignés des grands centres gastronomiques de la planète, comme le D.O.M. d’Alex Atala (n°7), à São Paulo, voient leur clientèle largement s’internationaliser. À cette échelle, figurer dans le top 10 ou le top 5 est assurément une garantie de réussite, comme en témoigne aussi le succès du Châteaubriand, le néo-bistrot parisien (n°9). Et ce ne sont certainement pas les 3 premiers sur la liste qui le contrediront : Mugaritz, à Saint-Sébatien (n°3), El Celler de Can Roca, à Gérone (n°2) et Noma, à Copenhague (n°1).

www.theworlds50best.com

5. UN RÉCITAL DE MANDOLINE !

Les cuisiniers s’ingénient à décorer leurs assiettes avec des lamelles ou des rubans de légumes, toujours plus fins. L’objectif ? Apporter de la texture au plat, du croquant en utilisant des légumes crus ou passés par un stade de cuisson très courte. Il faut voir dans cette tendance la signature du grand chef français Michel Bras, auteur d’un plat mythique : le gargouillou de légumes composé de plusieurs dizaines (jusque 80) légumes, herbes et parfois fruits différents. Sans oublier l’influence de la cuisine kaiseki japonaise. C’est d’ailleurs du Japon que nous viennent les très bonnes mandolines, de la plus simple à 50 euros aux plus sophistiquées comme la Kai dont le modèle Shun avoisine 450 euros.

6. LA RODENBACH MILLÉSIMÉE

Les sommeliers du monde entier aiment surprendre leurs hôtes avec des accords inédits. Et la Rodenbach Vintage fait désormais partie de ceux-ci. Réalisée depuis trois millésimes par le brasseur visionnaire Jan Toye, cette bière qui titre 7 % de volume d’alcool vieillit durant deux ans dans les grands foudres en bois de la brasserie de Roulers, dont certains ont plus de 150 ans (photo). La Rodenbach est une bière peu houblonnée donc peu amère mais lègèrement acidulée (son pH de 3,5 est similaire à celui du vin blanc), d’où sa légendaire fraîcheur. La Rodenbach Vintage 2009 Limited Edition a été soutirée en septembre dernier du fût 145, et 37 000 bouteilles de 75 cl avec bouchon ont été commercialisées, dont un quart exportées vers les États-Unis. À noter : la Rodenbach Vintage 2007, celle du premier millésime, a été récompensée d’une médaille d’argent au World Beer Cup 2010.

7. LES LÉGUMES EN AIGRE-DOUX

On ne parlait guère des légumes en aigre-doux avant la révolution culinaire nordique initiée par le Noma de René Redzepi, à Copenhague, classé  » meilleur restaurant au monde  » (lire aussi en page 15). Passez en revue les menus des plus grands chefs et vous les trouverez aujourd’hui partout ! Considéré comme un moyen de conservation indispensable par nos voisins du nord qui doivent faire face aux longs hivers, l’aigre-doux est une marinade – une saumure – qui repose traditionnellement sur le ratio un, deux, trois : soit 1 mesure de sucre, 2 de vinaigre et 3 d’eau. Elle est appliquée après que les légumes (crus ou blanchis) émincés aient été salés au gros sel sec, puis rincés. Le temps de mise en saumure peut varier de quelques heures à deux jours. Pratiquement, le sucre joue le même rôle que le sel, en extrayant une partie de l’eau cellulaire. La marinade prend la place de celle-ci. L’acidité du vinaigre renforce le sentiment de fraîcheur qu’offrent ces légumes tout en modifiant à la fois leur couleur, qui devient plus vive, et leur texture, plus croquante.

8. L’HUILE DE COLZA, RICHE EN OMÉGAS

Qui peut résister au charme de ces champs de colza, tapis jaunes ondulant dans nos campagnes ? Et qui peut se passer en cuisine d’une huile végétale reconnue pour ses qualités gustatives et diététiques ? Certainement pas Anne et Emmanuel Lange de l’huilerie Alvena, à Emptinne, dans le Condroz. Leur huile de colza fermière et première pression à froid possède de nombreux atouts, dont son excellent rapport entre les acides gras essentiels Oméga-6 et Oméga-3. La gamme Alvenat compte aussi une série d’huiles spéciales, dont celles aux agrumes d’une finesse en goût remarquable. L’ail de l’huile du même nom est bien dosé et quant à l’aillade rose, c’est une huile aux parfums délicats, combinaison d’épices et d’ail rose.

www.alvenatproduction.com

9. LA MATURATION DE LA VIANDE

Avez-vous déjà goûté une côte à l’os ou une entrecôte de 30, 60, 80, voire 120 jours ? Cette maturation réalisée en chambre froide ventilée et maintenue ente 0 °C et 1 °C – appelée mortification par les experts – a pour but d’attendrir les muscles et de créer une explosion de saveurs. En langage de biochimie, cette évolution est attribuée à l’acide lactique présent dans les muscles, qui agit conjointement avec une série d’enzymes. Ensemble, ils déclenchent la dénaturation des protéines, jusqu’à les briser, pour générer de plus petites molécules aromatiques, tout en attendrissant les fibres. Pour y arriver, il faut au départ des carcasses sélectionnées pour leur potentiel de mûrissement, à savoir un dépôt de graisse tant autour qu’à l’intérieur des muscles. En Belgique, le chef champion toutes catégories de ce genre d’exercice est Luc Broutard (La Table du Boucher, à Mons) qui affine ses viandes jusqu’à 120 jours. David Martin (La Paix, à Anderlecht) propose, lui, des maturations à 1 mois.

10. LE CAVIAR D’ABLETTE

Cette délicatesse figure à la carte de Bjorn Frantzén, le chef  » zéro compromis  » du Frantzén Lindberg, le 2-étoiles de Stockholm (lire aussi en pages 38 à 42). Les £ufs d’ablettes, petits poissons européens d’eau douce, sont un régal à découvrir. Traditionnellement, la récolte de cette laitance orangée a lieu manuellement dans les premières semaines de l’automne. Rincée et légèrement déshydratée durant une nuit, celle-ci est ensuite salée à raison de 4 % de son poids en sel de mer. La production la plus réputée à ce jour vient de la Laponie suédoise, dans la région de Kalix, d’où l’appellation  » caviar de Kalix  » que l’on rencontre parfois. Comme le caviar d’esturgeon, on peut marier le caviar d’ablette avec de nombreux ingrédients : des poissons, du tartare de b£uf, de la crème aigre…

11. LE THÉ CHINOIS, UN ART MILLÉNAIRE

En Chine, Cha Jing(1), la première bible consacrée au thé, paraît en 780 sous la plume de Lu Yu. À cette époque, le théier cultivé depuis 3 000 ans déjà dans l’empire du Milieu ne l’est pas encore au Japon. Quant aux premières plantations en Inde, réalisées au XIXe siècle seulement, elles sont le fait des Anglais. La Chine est aussi le seul pays qui possède les 6 couleurs de thé : 3 thés non fermentés – blanc, jaune, vert (appréciés pour leurs bienfaits sur la santé – effet antioxydant reconnu – déjà énumérés par Lu Yu) et 3 thés fermentés ou oxydés – bleu-vert (wulong), rouge (le thé noir des Occidentaux) ou sombre, comme les fameux Pu Er.

Le secret du thé chinois ? Savoir le préparer et le savourer en répétant les infusions pour extraire toute une gamme de saveurs différentes (2). Pour vous initier à cet art séculaire, plusieurs dimanches par an, le musée royal de Mariemont organise une visite de ses collections thématiques suivie d’un atelier-dégustation (3).

(1) Traduisez : Le Classique du Thé.

(2) Pour toute information : www.lesfeuillesvertes.com, une association qui dispense de remarquables conférences et dégustations.

(3)www.musee-mariemont.be

12. MAGNUS NILSSON, LE CHEF QUI MONTE

Doté d’un physique de Viking poète, le Suédois Magnus Nilsson, 27 ans à peine, séduit tous ceux qui l’approchent. Situé à 3° du cercle polaire, au milieu de milliers d’hectares de lacs et de forêts, son restaurant Faviken est installé au 1er étage d’une ancienne grange en bois datant de 1740. Les 12 convives qui peuvent y déguster un repas du soir découvrent une cuisine de produit. Élève de Pascal Barbot (L’Astrance, à Paris), Magnus travaille sans filet et cuisine dans l’instant des produits locaux exceptionnels. Confronté à six mois de neige par an, il a développé des systèmes de conservation basés sur la tradition ancestrale : cave à légumes, herbes séchées, viandes et poissons séchés ou fumés… Son credo a été inspiré par celui de l’un de ses grands maîtres, Michel Bras :  » La créativité naît de la rareté.  » Lors du Mad FoodCamp, un grand congrès gastronomique tenu fin août dernier à Copenhague, le n°1 mondial René Redzepi (Noma, lire aussi en page 15), son organisateur, a présenté Magnus comme  » la prochaine mégastar de la cuisine mondiale « . En d’autres termes, son successeur désigné.

13. LES CHEFS, RÉDACTEURS… EN CHEF

D’un côté : Yam, conçu pour  » cuisiniers et amateurs éclairés « . De l’autre : Lucky Peach qui se veut plus pédagogique, grand public. Yannick Alléno (Le Meurice ***, à Paris) et David Chang (Momofuku **, à New York) ont tous deux lancé un magazine dont la confrontation révèle un grand choc des cultures. Yam donne clairement la priorité aux recettes de chefs, dont celles d’Alléno lui-même. Lucky Peach, lui, explore plus largement le champ de la cuisine et offre en sus des articles de fond sur un thème. Dans le numéro 1, consacré aux ramen japonaises, il évoque ainsi l’histoire des nouilles au fil du temps ou l’art de la cuisson parfaite de l’£uf. Les concepts rédactionnels se traduisent aussi dans le style graphique : très classe pour Yam, rock’n’roll pour Lucky Peach. Si on aime l’univers multiple et pluriculturel de Dave Chang, on s’enthousiasme pour la parution d’octobre de Yam qui donne une large place à la Belgique avec un spécial chocolat et dix chefs de chez nous invités sur ce thème (lire aussi en pages 30 à 37).

14. INSECTES À LA CARTE

 » Les insectes ont de grandes qualités nutritionnelles. Ils contiennent protéines, lipides, minéraux (zinc et fer) et vitamines, souvent en quantité supérieure à celle trouvée dans la viande ou le poisson.  » Eric Hautbruge, vice-recteur de l’Université de Liège sait de quoi il parle. Professeur à l’unité d’Entomologie fonctionnelle et évolutive à Gembloux, il mène depuis plusieurs années des recherches sur l’élevage d’insectes et de leurs larves comestibles, comme celles du Tenebrio Molito. Gastronome averti, il a même déjà organisé sur son campus un grand repas  » insectes  » auquel se sont pressés quelque 700 personnes. L’intérêt nutritionnel d’un tel aliment ne réside pas uniquement dans la richesse en protéines des larves et insectes, mais aussi dans la qualité des lipides de certains d’entre eux (faible taux de cholestérol), dans l’apport d’acides aminés essentiels (tel le tryptophane), dans la richesse en sels minéraux (Fe, Zn, Ca et P) ainsi que dans les fortes teneurs en vitamines B et D. À cela ajoutez que les insectes font partie de la nourriture traditionnelle de nombreux pays : des sauterelles africaines aux fourmis en Amazonie ou en Thaïlande. De là à les voir à la carte de nos restos traditionnels…

15. SE LÉCHER LES BABINES À BRUXELLES

La gastronomie sera à l’honneur à Bruxelles en 2012. Cette année gourmande fédère sous le nom de Brusselicious des initiatives existantes comme l’exposition À Table, la demi-finale européenne du Bocuse d’Or ou Goûter Bruxelles, à l’initiative de Slow Food. Parmi les nouveaux projets, on relèvera un tram- restaurant (menu à 75 euros), Belgovino, un salon des Belges qui exercent le beau métier de vigneron de par le monde, ou un concours mondial de la bière. À noter aussi : les agapes d’Épicure, une série de repas thématiques mensuels dans des lieux insolites de la capitale, le plus populaire étant le moules-frites programmé à Bruxelles-les-Bains.

www.brusselicious.be

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