A Paris, un appartement privé recèle des trésors inestimables. Le fabuleux patrimoine d’un passionné des arts décoratifs.

 » Cela part dans tous les sens « ? clame avec humour ce collectionneur parisien à propos de son intérieur. Dans tous les sens peut-être, mais pas dans toutes les directions. Le remarquable patrimoine qu’il s’est constitué depuis trente ans, régulièrement présenté dans les monographies des plus grands créateurs de mobilier, est une véritable anthologie du design d’après-guerre. Ce vaste appartement proche des Halles, au coeur de Paris, typiquement parisien avec son couloir latéral qui longe les pièces à vivre, témoigne d’une infinie passion pour les arts décoratifs.  » Selon les époques, j’ai été attiré par tel style puis par un autre, signale l’heureux propriétaire. Il y a différentes strates, mais j’ai toujours tout conservé. J’ai commencé par les tableaux contemporains, puis je suis venu au meuble dans une continuité assez logique. Mais mon habitation n’est pas un musée: j’ai trois enfants, les choses vivent ! »

S’il avoue d’irrépressibles tentations d’acquisition, cet esthète, à la vérité plus hédoniste que conservateur, a trouvé une solution au manque progressif de place en achetant, il y a quelques années, les 100 m2 de l’appartement voisin. Quant à ses bureaux, situés dans le IVe arrondissement de Paris, ils se transforment, confie-t-il, progressivement en dépôt d’antiquaire! Et pourtant, malgré la richesse de sa collection, son goût avéré des juxtapositions stylistiques, ce propriétaire admirateur de Maxime Old, légendaire créateur de meubles du XXe siècle, est parvenu à conserver une sobre unité comme en témoigne l’aménagement de la salle de séjour.

Petites tables basses gigognes de Mathieu Mategot, table de Raymond Subes, vases de Civo Sabbatini en métal argenté pour Christofle: autant de créations des années 50 et 60 dominées par l’épure. Et pourtant, on repère çà et là quelques infidélités, telles ces incursions dans les années 80 : un fauteuil de l’architecte français Christian de Portzamparc, un chandelier du Tchèque Borek Sipek ou une lampe du duo Garouste et Bonetti, dont le style baroco-débridé séduit particulièrement le maître des lieux.

 » Je suis pour les mélanges », lâche pour toute explication cet amateur éclairé tout en vous emmenant vers le hall d’entrée. Face à vous : la cuisine, certes, mais surtout un tableau de Jean-Michel Alberola, l’une des signatures les plus cotées de l’art contemporain de ces vingt dernières années. Direction le bureau, pour admirer le somptueux tapis en laine à motifs triangulaires de Wogensky, un collaborateur de l’architecte mythique Le Corbusier. C’est aussi un autre tapis, orange, daté des années 50 qui s’impose au regard dans la salle à manger voisine. Une merveille parmi d’autres. Chaise au dossier polyédrique de Cailette, table du Belge Jules Wabbes, lampe de Franco Buzzi: le générique donne le vertige.  » Ce meuble coffre de 1939 avec piétement en chêne sablé est attribué à Jacques Adnet « . Avec la précision d’un commissaire priseur, le maître des lieux vous décline l’identité de chaque pièce. De mémoire, parfois seulement secondé par le certificat d’authenticité.

Cet habitué des galeries Neotu ou Gastou, célébrissimes adresses parisiennes, vous suggère aussitôt de poursuivre la visite. Une halte s’impose dans l’alcôve vitrée qui jouxte la salle à manger:  » Et voici l’une de mes pièces préférées, un portemanteau de Jules Wabbes acheté à Bruxelles aux « Années 50″. » Dans le couloir, un meuble cruciforme en bois jaune canari de Siro Kuramata indique la liberté de ton pratiquée ici. A l’extrémité de l’appartement, l’une des chambres privées abrite une ménagerie que beaucoup rêveraient de posséder. Le meuble Rhinocéros de Garouste et Bonetti et le tapis Ours de Pucci. Les grilles se referment.  » Revenez dans quelques semaines, j’aurai de nouvelles pièces à vous montrer. »

Texte et photos: Antoine Moreno

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