Barbara Witkowska Journaliste

Gros plans sur les créateurs belges qui montent en première ligne de l’accessoire. Cannes, bijoux, sacs, chapeaux, bonnets, écharpes… Chacun à sa manière, ils s’expriment avec beaucoup de classe ou d’humour.

Carnet d’adresses en page 160.

La canne deviendrait-elle un accessoire nouveau et tendance ? Telle est en tout cas l’ambition de Maxe, un jeune créateur bruxellois épris du beau et de la tradition. Les cannes qu’il dessine depuis quelques années sont superbes. Au premier coup d’£il, on est séduit par la noblesse et la sensualité des bois exotiques : l’amourette, l’ébène, le jonc de malacca ou encore le palissandre. Puis on admire les détails. Des pierres fines ou précieuses, de la porcelaine, de l’émail, du cristal ou du cuir agrémentent par petites touches le magnifique travail artisanal. Voilà un accessoire banalement utilitaire, transformé en £uvre d’art. Ce qui fascine le jeune homme dans la canne ? Sa richesse symbolique. Elle sert à la fois  » d’appui, de parade et de défense « .  » Animée d’une âme magique et puissante « , la canne reflétait, au début du siècle dernier, le prolongement de soi. Et Maxe de vous citer cette belle phrase de Balzac :  » L’esprit d’un homme se devine à la manière dont il porte sa canne.  » Joaillier de formation, Maxe a flirté pendant quelques années avec le métier d’antiquaire dans le célèbre quartier du Sablon, à Bruxelles. Amateur avisé et passionné des tableaux du xviie siècle et des bois sculptés des xvie et xviie siècles, il a donc décidé, un jour, de rendre ses lettres de noblesse à la canne. L’idée fait mouche d’emblée, car elle exauce les désirs de certains en quête du beau, du rare et de l’unique. Une soixantaine de ses modèles ont déjà trouvé acquéreur, en Belgique, au Japon, en Italie et aux Etats-Unis. Il y a un an, une belle complicité s’est nouée entre Maxe et la Cristallerie du Val Saint-Lambert. Ainsi sont produites des cannes éblouissantes, enrichies par des cabochons éclatants. Le dynamique organisme Bruxelles-Export soutient très activement le jeune créateur à Paris. Les contacts, prometteurs, viennent d’être établis avec les grands couturiers. Le prochain défi de Maxe ? Séduire la femme.  » Je peux, affirme-t-il, personnaliser une canne pour qu’elle devienne un bijou unique pour des personnalités d’exception, élégantes et modernes.  »

Accrochez-moi au cou

Spécialiste de l’accessoire inédit, Christophe Coppens surprend, une fois de plus. Sa grande nouveauté ? Une ligne d’accessoires masculins que vous découvrirez dans notre prochain Spécial Homme (numéro du 1er octobre prochain). Pour les femmes, ses écharpes XXL se lovent autour du cou, serpentent sur les épaules, construisent des volumes spectaculaires. Les couleurs de Budapest où le créateur aime flâner ont inspiré cette très jolie gamme chromatique qui associe l’aubergine, l’ocre, le bleu ciel, le noir, le beige et le rouge. Parmi les matières moelleuses et douillettes, on épingle la laine bouillie, le feutre brodé à longs poils, la fourrure artificielle, le mohair à liséré en daim et des étoffes ouatinées. Des imprimés originaux et singuliers rehaussent encore davantage la richesse des matières. Très remarqués la saison dernière, les motifs en forme d’£il ont été reconduits, mais interprétés dans de nouvelles tonalités. Ils seront concurrencés par de nouvelles idées fortes : un trompe-l’£il à effet de marbre, un mystérieux puzzle ou encore une belle rose à peine éclose. Pour que le bonheur soit complet, Christophe propose aussi des collections de chapeaux et de bonnets assortis, ainsi que des gants en Lycra ou molleton.

Jan Bossuyt et Jacques Ley ont été les premiers, en 1997, à diffuser en Belgique les fameux pashminas. Aujourd’hui, structurés au sein de la société World of Wonder, ils continuent à offrir un vaste choix d’écharpes et d’étoles en cachemire, en cachemire/soie, en mohair, en baby-alpaca ou en vigogne. Rien que des matières tendres et caressantes, très appréciées sous notre ciel frileux. A noter, aussi, une ligne d’écharpes customisées par le peintre bruxellois Jean-Marc De Pelsemaeker. Nombre de figures graphiques, propres à son travail, ont été brodées sur des écharpes réversibles en lambswool et des étoles en cachemire à longues franges tressées.

Bijoux de demain et d’hier

Le Liégeois Thierry Rigatti est né dans… une bijouterie. Chez maman. Le style de bijoux défendu par la maison û classique, bon chic bon genre û n’intéresse pas beaucoup le jeune homme. Il préfère aller voir ailleurs. Dans la cave de son père électromécanicien, par exemple. Des objets étranges, des panneaux lumineux, tout ce bric-à-brac insolite le fascine. Pour approfondir ses passions, il se lance dans un double enseignement et décroche deux diplômes à l’école d’armurerie de Liège Léon Mignon : l’un en section technique gravure et ciselure sur armes et bijoux, l’autre en section bijouterie. Ce bagage éclectique lui permet d’aborder le bijou d’une façon expérimentale. Ses sources d’inspiration ? La nature, la biologie et la mécanique. Ce qui donne, au bout du compte, des parures futuristes et d’une originalité étonnante. Dans les boucles d’oreille  » réactor « , une puce est en vedette. Récupérée sur le chat de la voisine et coulée dans de la résine, elle est incorporée dans une structure en argent où une petite loupe reflète son image en version XXL. Autre exemple ? Des fioles de niveau de maçonnerie (pour contrôler l’horizontalité des murs), remplies de liquide jaune ou vert fluo, s’entourent d’une construction sophistiquée en or ou en argent, pour former des boucles d’oreille ou un bracelet. Plus  » accessibles « , les boucles d’oreille Aqua, très sensuelles, interprètent une cascade d’eau figée en or. Pour Thierry, le bijou sert à parer, certes, mais il est avant tout une sculpture, une façon de matérialiser des idées nouvelles en faisant appel à des objets, parfois incongrus.  » Personne ne travaille comme moi, il faut tâter le terrain « , explique le jeune Liégeois. Son entourage le pousse dans cette voie-là. Surtout sa fiancée, la plus fervente ambassadrice de ses créations.

L’Anversoise Anne Zellien opte pour une démarche inverse et puise son inspiration dans les bijoux historiques, principalement dans la  » Sentimental Jewellery « , très en vogue aux xviie et xviiie siècles, en France et en Grande-Bretagne.  » Ce qui m’intéresse dans le bijou, c’est le lien, souligne Anne. Le lien qui se noue entre deux personnes lorsqu’on offre un bijou, lors des fiançailles, d’un mariage ou d’une naissance. L’orfèvre a alors une tâche merveilleuse de pouvoir contribuer à ce lien. Certes, de plus en plus souvent, la femme moderne s’achète ses bijoux elle-même. Il s’agit aussi d’un lien, d’un geste d’amour vis-à-vis de soi-même. C’est très important.  » Anne Zellien a étudié le bijou pendant huit ans, tout d’abord à l’Académie royale des Beaux-Arts d’Anvers, puis à l’Institut supérieur national. Forte de ce long apprentissage, elle dessine des bagues, des boucles d’oreille et des colliers caractérisés par un bel équilibre entre l’esprit décoratif du passé et une certaine épure, typique de l’époque actuelle. La plupart de ces pièces, réalisées en or, en argent et en pierres semi-précieuses, sont personnalisées avec des mini-gravures ou des messages secrets. Pour mieux s’inscrire dans l’intemporalité.

Pour l’amour du chapeau

C’était il y a dix-sept ans. Fabienne Delvigne termine des études de marketing, lorsque sa vie est bouleversée par un coup de théâtre. En regardant les magazines de mode, elle se sent  » irrésistiblement attirée par l’élégance « . Exit donc le marketing. Elle s’investit corps et âme dans la création des chapeaux. Pourquoi le chapeau ? Parce qu’il  » ajoute un côté mystérieux, unique et sensuel à la femme et permet de se différencier dans cette mode qui devient très conformiste et banalisée « . Autodidacte, elle a certes ses maîtres à penser, Jean Barthet ou Philip Treacy, par exemple, mais tend à apporter un souffle nouveau dans toutes ses créations. Elle travaille peu le tissu. La soie, selon elle, est dépassée, tout comme le velours,  » lourd à porter « . Pour devancer la tendance, Fabienne recherche les matières les plus nouvelles et les plus extraordinaires. Aujourd’hui, la fibre de banane ou le para buntal (un jonc provenant d’Equateur), rehaussés de plumes d’autruche ou de plumes de crin de soie, tiennent la vedette. Fabienne s’intéresse aussi au panama et au sisal, plus classiques, mais incontournables. Ultralégers, ses chapeaux ne sont pas moins architecturés et très volumineux. N’est-ce pas contraignant à une époque où le confort prime avant tout ?  » Ce n’est pas plus contraignant que les hauts talons ou les jupes en mousseline, clame Fabienne. Je veux rendre à la femme toute sa féminité et toute l’élégance qui est en elle. Et croyez-moi, les femmes ont beaucoup de plaisir à se faire belle. Ce plaisir implique d’ailleurs beaucoup d’avantages. Le chapeau attire un sourire positif. Les gens vous abordent, les contacts sont plus faciles et les hommes deviennent galants !  » Avant de se décider pour un spectaculaire chapeau de gala, on peut adopter un couvre-chef plus  » modeste « , à porter au quotidien. Pour l’hiver, Fabienne a dessiné aussi une ligne de toques de fourrure, de petits chapeaux en tweed et de casquettes.

Les couvre-chefs douillets

Pendant longtemps, on sortait  » en cheveux « , même en hiver. Il faudra réviser nos habitudes, car le couvre-chef dans tous ses états opère un come- back fracassant. C’est, sans doute, l’accessoire qui inspire le plus les créateurs belges. Cap sur Liège où Delphine Quirin confectionne des bonnets doux et mignons,  » à tomber « . Passionnée d’art, diplômée de l’Université de Liège en histoire de l’art, la jeune femme préfère exercer ses talents dans un métier manuel, proche de la mode. Au début, elle est titillée par les chapeaux, puis se concentre sur des couvre-chefs plus pratiques, à porter au quotidien. D’où le choix de la maille ou de la laine bouillie. Sa marque de fabrique ? La couleur !  » Nos tenues vestimentaires sont en général assez sombres, j’aime bien les contraster par des accessoires lumineux.  » Delphine travaille avec une palette de 20 couleurs de base. Cet hiver, elle a ajouté quelques tons fluo. Doubles cagoules, bonnets, capuchons ornés de gros n£uds… Le tout est confectionné dans du mohair douillet et a de quoi réchauffer les plus frileuses. En point de mire de la collection 04-05 ? Ces écharpes ludiques et virevoltantes, réalisées avec des rubans de quatre ou de huit couleurs différentes. Des objets qui, au toucher, sont mous comme des doudous de petite fille.

Les bonnets de  » Sur ta tête « , jeune marque d’accessoires née en 2003, eux, sont plus insolites, plus décalés et plus show of. Bref, destinés aux  » têtes insoumises « , selon les dires de Tessa Poldervaert et Joëlle Berteaux, les deux fondatrices de la griffe. Tessa a un diplôme d’études de textiles aux Beaux-Arts de Bruxelles. Joëlle est diplômée de La Cambre en création textile. Les deux jeunes femmes ont réuni leurs idées, leurs savoir-faire et leurs connaissances des techniques artisanales, pour imaginer des pièces dont le seul mot d’ordre est l’originalité. La maille se marie avec des éléments en crochet ou en broderie, flirte avec de la dentelle, des rubans anciens ou des boutons. Et pour les têtes vraiment rebelles qui n’en font qu’à leur tête, Tessa et Joëlle relèvent tout défi de commande spéciale.

Ariane Lespire, pour sa part, aime le mou, le doux et le moelleux. Cet hiver, le feutre se plie à toutes ses volontés. Les couleurs claquent. Le rouge cerise, le fuchsia glamour, le bleu azur et le jaune soleil vont booster le moral sous le ciel gris. Les formes ne se prennent pas au sérieux. Sur les bérets serpentent des rubans de couleurs contrastées, des fleurs stylisées s’accrochent sur les bobs. Détail sympa : une multitude de bijoux en feutre ou en laine bouillie, tels les bagues, les tours de cou ou les broches, apportent une touche ludique supplémentaire.

Wies Dehert et Els Van de Berghen, mère et fille chapelières, quant à elles, réunissent leurs talents sous la griffe  » A Wardt « . Chaque année, la collection s’enrichit d’un concept inédit. Voici donc les couvre-chefs customisés. Réalisés en plastique doux et artistiquement  » chiffonné « , ces petits chapeaux existent en version multicolore (avec écharpe assortie) ou en version personnalisée, décorée de logos ou de slogans de son choix, ou encore de photos de son amoureux, de ses enfants ou de son chat. Les chapeaux en feutre taupé, l’une des valeurs sûres de la mère et de la fille, s’animent de découpes sophistiquées au laser. On laisse les motifs tout en transparence ou on choisit un fond de couleur contrastée, assortie à sa tenue du jour. Simple, mais il fallait y penser.

Le sac, compagnon fidèle

Katia Gendebien s’est installée dans une accueillante maison à Waterloo aux meubles patinés et aux étoffes chatoyantes. Sur plusieurs niveaux et dans une ambiance chaleureuse,  » conçue pour que la clientèle passe un moment de plaisir « , elle propose ses propres créations de sacs, ainsi qu’une foule d’accessoires de créateurs  » amis « . Styliste de formation, diplômée de l’école Bischoffsheim, à Bruxelles, riche de multiples expériences dans des maisons de prêt-à-porter belges, la jeune femme s’est finalement concentrée sur l’accessoire. Ses sacs sont très joliment exposés au rez-de-chaussée de sa boutique baptisée Bags & More. Le concept de ses collections démarre toujours par un coup de foudre pour une matière. Cet hiver, zoom sur un épais drap de laine des célèbres filatures Arpin en France que Katia est la seule à travailler en Belgique. Uni, décoré de grands carreaux ou de rayures bayadère, associé au cuir de belle qualité, il habille des modèles plutôt classiques et très classe qu’on aime porter dans la journée. Pourtant, l’univers de la créa-trice n’a rien d’austère. Pour preuve, ce thème animalier avec des impressions zèbre, léopard, croco, très hype, et aussi le kitsch, qu’on apprécie avec ses sujets romantiques d’anges et de fleurs, interprétés dans des tons tendres et girly. Cela dit, Katia s’inscrit dans la durée et pense en termes de qualité, de confort et de longévité. Anoblis par la matière et par les finitions, construits comme des objets, ces modèles sont taillés pour l’éternité. Ou presque.

Barbara Witkowska

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