Elle a beau être matinale, elle n’a aucun mal à partager son incurable énergie avec les auditeurs de la radio au dauphin. Dans son sang, coulent à la fois le sourire, le théâtre, la folie, l’Espagne et l’instant présent.

Le tableau est assez facile à imaginer : un hameau paisible au coeur de l’Espagne, avec des maisons en pierre, une chaleur qui rend l’été enivrant, et une petite fille nommée Maria qui retrouve la famille de là-bas avec un sourire jusqu’aux oreilles. Le temps des grandes vacances, de ces morceaux d’enfance où les lendemains ne comptent pas, et où tout un village se met à vivre au rythme des mômes en extase, des soirées à parler, à jouer, à manger et à boire jusqu’à ce que la fraîcheur autorise enfin le sommeil.  » J’ai vécu là des moments magnifiques, se souvient Maria Del Rio. Jusqu’à mon adolescence, durant les deux mois d’été, je débarquais dans ce bled perdu, à 150 kilomètres de Madrid, où mes grands-parents accueillaient tout le monde, enfants et petits-enfants, avec cette simplicité et cette frénésie typiquement espagnoles.  »

L’animatrice, qui occupe le micro matinal de Radio Contact, n’a pourtant pas la nostalgie facile :  » Il n’y a rien qui me manque dans tout cela. D’abord parce que j’ai l’impression d’être restée une enfant. Ensuite parce que, jeune, ça m’énervait un peu de ne pas pouvoir m’affirmer ou contrôler les choses, d’être dépendante des conseils ou d’être freinée par le fait de ne pas avoir raison. J’ai toujours eu un problème avec la contrainte, avoue la demoiselle de 43 ans. Cela dit, mon caractère, mon énergie ou ce grain de folie qui m’habite, je les dois en partie à ces instants passés là-bas, avec des Espagnols pure souche. Même si ce côté exubérant est venu plus tard, car j’étais une fillette assez timide et réservée, puis une adolescente qui n’avait pas forcément confiance en elle…  »

Vous êtes née à Saint-Gilles, ici en Belgique, mais vous avez grandi en étant nourrie au biberon espagnol… Jusqu’à quel point ?

Jusqu’au point d’arriver à l’école en ne parlant pas le français, car mes parents, nés en Espagne, ne communiquaient avec moi que dans leur langue natale. Du coup, j’ai appris le français durant les premières années de ma scolarité.

Et aujourd’hui, vous avez toujours la nationalité espagnole…

Oui, je n’ai jamais ressenti le besoin de demander une carte d’identité belge. C’est juste un papier, ça a peu d’importance pour moi. Attention, je n’éprouve pas du tout la fierté patriotique de certains, je dis juste que je me sens  » les deux « . D’ailleurs, c’est marrant : petite, quand j’allais à Madrid, j’étais la Belge qui débarquait ; et ici, on m’appelle l’Espagnole.

En quoi l’âme ibérique vous séduit-elle ?

C’est la ferveur, le sens de la fête, l’amitié, l’humanité… J’aime quand il fait chaud, qu’on se met à parler fort, à se ruer sur les tapas ou sur le cidre asturien. L’âme espagnole, ce ne sont pas forcément les bonnes manières, mais c’est le partage, la transparence, la franchise, l’authenticité. C’est valable de Barcelone à Séville, ou même quand je vais manger chez ma meilleure amie, Sandra Suarez, ici à Bruxelles : on est reçu comme là-bas, on mange des churros au chocolat à minuit, et on festoie jusqu’aux petites heures…

Peu de gens s’en souviennent, mais vous avez sorti deux singles chantés en espagnol.

Oh non… on est obligés de parler de ça ? Je participais à LaRevue des Galeries depuis une petite vingtaine d’années, où j’ai fini meneuse de revue. Un jour, le guitariste Francis Goya cherchait une voix, j’ai accepté pour le fun, et on a sorti le titre Dejaré. Je ne regrette pas, car ça m’a quand même permis d’aller manger dans l’appartement parisien d’Eddie Barclay, un sacré personnage… Ensuite, j’ai encore sorti un truc beaucoup plus formaté, Luz de la Luna, où j’ai pris moins de plaisir. Même si j’ai quand même été classée numéro 1 en Ukraine !

La Revue des Galeries a un peu été votre première famille artistique. Comment vous êtes-vous retrouvée dans cette aventure de deux décennies ?

Grâce à ma bonne étoile ! Après mes études au collège Saint-Pierre, à Uccle, je ne savais pas du tout vers quoi me diriger. Mon père voulait que je sois ingénieur, lui qui est parti de rien, qui s’est cultivé en lisant des bouquins, qui a gardé des moutons et qui, simple soudeur à la base, possède aujourd’hui cinq entreprises. Mais à son grand dam, je suis partie trois mois aux Etats-Unis, en Erasmus, avant de me lancer dans des études en Relations Publiques. Parallèlement, je jouais dans des petites pièces de théâtre amateur, car j’adorais ça. Et puis un jour, le directeur du théâtre des Galeries me repère, il cherche quelqu’un pour la Revue et, très vite, je me retrouve sur les planches…

Votre parcours, jusque-là, ne vous prédestinait pas forcément au monde du spectacle. D’où vient la fibre ?

Vous n’allez pas me croire, mais encore aujourd’hui, je n’en ai aucune idée ! Pour moi, à la base, l’univers du spectacle, c’était un truc inaccessible… C’était Madonna, quoi. Et à l’époque, je n’étais ni fan de théâtre, ni de musique, ni de cinéma. Je pensais que je n’avais pas de passion, alors qu’elle était sous mes yeux. Ça m’amusait de jouer, de rencontrer des gens qui riaient des mêmes choses que moi. Avec le metteur en scène Dominique Haumont et une génération incroyable de comédiens sortis du Conservatoire, on ne se prenait jamais la tête. Il y avait encore cette folie douce, cette envie de créer des trucs barrés, puis de refaire le monde dans un bar à 4 heures du matin.

A quel moment décidez-vous de faire les yeux doux à la télévision ?

A la fin des années 90, je me dis que ce n’est pas forcément une bonne idée de mettre tous mes oeufs dans le même panier. Du coup, je décide d’écrire deux lettres : une à la RTBF et une à RTL. Je n’ai même pas ajouté de nom sur les enveloppes, vu que je ne savais pas à qui je devais les adresser ! Mais j’y expliquais que j’étais motivée, que j’aimais le contact avec les gens, que je voulais faire quelque chose de nouveau… Et là, j’imagine que c’est à nouveau ma bonne étoile qui choisit : la RTBF me répond et me propose de rejoindre Bingovision (NDLR : animé par Thomas van Hamme entre 1997 et 2000). Puis, surtout, je suis embarquée dans l’épopée Pour la gloire, ancêtre à sa manière de Star Academy ou The Voice. Un truc avant-gardiste, quelque part. C’est là que tout démarre vraiment pour moi en télé : Carlos Vaquera présente, moi j’apporte les trophées aux candidats, et on me laisse parler dans le micro. Je deviens la première potiche qui parle !

Et plus tard, vous allez aussi devenir la première – et même la seule – animatrice à avoir travaillé sur les trois grandes chaînes nationales…

Oui, parce qu’avant d’arriver à RTL, c’est AB3 qui me sollicite, en me promettant monts et merveilles, en me disant que je vais devenir l’égérie de la chaîne… J’y suis allé, mais tout ça n’était que du vent, car ils n’avaient ni moyens, ni contenus. C’était un peu pathétique.

Arrive donc RTL, qui vous accueille à bras ouverts… Grâce à votre bonne étoile qui, petit à petit, devient plutôt une constellation !

Oui, en fait, à l’époque, la RTBF et RTL avaient répondu tous les deux à mes lettres, mais la RTBF en premier… Plus tard, j’ai donc retenté ma chance auprès de RTL. Stéphane Rosenblatt, directeur des programmes, m’a contactée dans les 48 heures, et tout a été très vite. Je suis devenue chroniqueuse dans l’émission Il paraît que, présentée par Sandrine Dans. Ce fut une vraie chance de me retrouver là, car encore une fois, je ne tirais aucun plan sur la comète.

Justement : vous dites n’avoir jamais été ambitieuse. N’est-ce pas incompatible avec ce métier ?

Non, et c’est très sincère. J’ai envie de bien gagner ma vie, et d’être heureuse dans ce que je fais. Mais je désire aussi pouvoir aller chercher mon fils à l’école – Diego, 8 ans -, ou aller manger avec une copine le soir, tranquillement. Du coup, je n’ai jamais ressenti la nécessité d’aller frapper à des grandes portes ou de prendre le Thalys pour Paris.

Autre trait de caractère : on a l’impression que vous êtes de bonne humeur nuit et jour !

Disons que je reste une vraie Espagnole, que je ne supporte pas la triche et que je ne peux pas cacher ce que je suis. Et je suis quelqu’un qui essaye de toujours positiver les choses ou, en tous cas, de ne pas forcément montrer quand ça va moins bien. Vivre avec moi, c’est accepter que j’explose de joie, mais aussi que je fonde en larmes, puis que je rebondisse encore plus fort… Mais disons que le théâtre m’a appris à canaliser, voire à camoufler, certaines émotions. Je pense que c’est devenu une force. Et depuis peu, j’accepte aussi ces moments où ça ne va pas, en faisant face à moi-même plutôt qu’en fuyant ou en évitant de penser. Je vais alors discuter avec un cercle très fermé de proches. Sinon, j’avoue que je préfère me nourrir des ondes positives que les autres peuvent m’apporter, plutôt que de les emmerder avec mes problèmes.

Aujourd’hui, votre énergie professionnelle, c’est Radio Contact, où vous animez la tranche convoitée du Good Morning.

Oui. C’est la dernière fois que je le dis, mais je crois que c’est encore ma bonne étoile qui m’a envoyée là. Julie Taton s’en allait, plusieurs  » têtes d’affiche de la maison  » ont participé au casting pour la remplacer, et c’est moi qui ait été choisie. Avec Olivier Arnould, chaque matin, c’est l’éclate. Les gens me disent souvent  » C’est quand même courageux d’être à l’antenne à 6 heures du matin !  » Mais non, ça n’a rien de courageux : ceux qui écoutent, ils sont debouts aussi, et ils vont travailler aussi. Et moi, je ne peux qu’être heureuse en sachant que mes conneries font rire des gens dans leur voiture. C’est un métier où l’on doit à la fois surprendre les autres et se surprendre soi-même. Mais surtout, la radio, c’est la liberté totale. Je suis même sûre que, malgré mon parcours varié, c’est la première fois que je me sens réellement moi-même…

PAR NICOLAS BALMET

 » IL Y AVAIT CETTE ENVIE DE CRÉER DES TRUCS BARRÉS, PUIS DE REFAIRE LE MONDE DANS UN BAR À 4 HEURES DU MATIN.  »

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