« C’est une aventure, celle d’un métier d’exception, qu’il faut défendre jusqu’au bout. Dans mon cas, j’ai choisi de le pratiquer convenablement à Paris.  » Ainsi parle le Belge Gerald Watelet dont la griffe haute couture brûle d’un nouveau feu… dans la Ville lumière. Exubérant mais raisonnable, audacieux et sensible, gourmand de la vie en général et de l’élégance en particulier, Watelet a l’art des formules chocs et du rebondissement chic. En 1989, il ouvre sa maison avenue Louise, à Bruxelles, conquiert Paris cinq ans après en y montrant son savoir-faire made in Belgium û il est d’ailleurs admis au sein de la très tatillonne Chambre syndicale de la Couture française. En 1996, il fait faillite puis redémarre un an après en créant notamment, pour étançonner ce nouvel échafaudage, un prêt-à-porter de luxe nommé  » Almost Couture « . Cette année, Watelet a posé un acte décisif dans sa carrière : celui de (ré)installer fermement son nom et son image au 62 de la rue François Ier, dans le très sélect VIIIe arrondissement de Paris.  » Tout a été terriblement vite. Je savais que je devais prendre cette décision maintenant… ou jamais. J’ai vu que cet hôtel de maître, où officiait dans le temps le grand couturier parisien Philippe Venet û Watelet a travaillé pour lui un moment û, était libre. Au même moment, j’ai pu engager une partie de l’équipe de la maison Yves Saint Laurent ( NDLR : Saint Laurent, le maître à penser de Watelet, a fait ses adieux au monde de la mode fin 2001), histoire de renforcer mon équipe. Via ces collaborateurs, c’est tout un pan de la culture de haute couture propre à la France que j’ai récupéré.  »

En vrai superman du style, Gerald parvient simultanément, en janvier 2003, à présenter un premier show haute couture dans ses salons parisiens remis entièrement à neuf. Le résultat, dont dépend franchement la survie du couturier et de son équipe, s’avère très positif.  » J’ai récupéré des clientes de chez Saint Laurent û beaucoup, même û, Givenchy et même Chanel. Des Européennes et des Américaines qui comprennent ce que la haute couture signifie réellement. Et envers lesquelles je ne puis me permettre de faire les choses à moitié. C’était une première étape, marquante et encourageante à la fois. A présent, j’ai mis les bouchées doubles avec la collection de l’hiver 03-04.  » Luxe et portabilité, volupté mâtinée de virtuosité sobre, perfection et somptuosité des matières, des coupes, des détails, des finitions et des bijoux (ceux-ci sont façonnés par quelqu’un qui a travaillé en direct avec Coco Chanel !)… Les créations hivernales de Gerald Watelet sont autant de pièces d’exception, toutes destinées à embellir la femme sans jamais la déguiser, comme il aime à le répéter.  » J’ai privilégié l’intemporalité conjuguée au luxe absolu, le classicisme et la grande classe.  » Manteaux double face longs et ajustés, robes courtes ou longues, absence de jupe, abondance de fourrure, de cachemire, de flanelle, de daim, d’agneau plongé, de velours dévoré. Des imprimés ici et là, un festival de noir û cette couleur magique est traitée ici  » sous toutes ses coutures  » û pour le soir notamment, et des déclinaisons délicieuses de mauve, de rose, d’orange, de marron, de vert…

 » Dans cette collection, j’ai intégré des éléments très forts qui apparaissaient au fil des dix dernières années de mon travail « , déclare Watelet. En 1997, le flamboyant artiste du vêtement croit encore à l’existence d’une haute couture belge. Aujourd’hui, son discours diffère sensiblement :  » Je revendique ma belgitude et, j’affirme cela sans prétention ou ranc£ur, j’estime que notre territoire belge est décidément trop étroit, géographiquement et spirituellement parlant, pour la haute couture telle que j’entends la pratiquer. Cela faisait près de six saisons que je me traînais à Bruxelles (où la maison Watelet continue son activité mais en réduisant le travail d’atelier afin de mettre le grand braquet sur Paris), et je suis ravi d’avoir pris cette décision. Je suis belge d’accord, mais couturier d’abord. Et je me sens plus à l’aise dans cette branche en France, avec une clientèle internationale û dont les élégantes Belges ne sont évidemment pas exclues û, que dans un pays où règne un conservatisme bourgeois-provincial.  »

Ces propos, clairement énoncés, regardent et engagent leur auteur. N’empêche que, sur le (petit ?) territoire belge, le couturier Natan dont la maison souffle cette année ses vingt bougies, ne manque ni de renommée, ni de reconnaissance(s), ni de clientèle royale ou  » roturière  » issue de nos contrées et d’autres lieux extrêmement smart. Même s’ils demeurent plus confidentiels, signalons le savoir-faire de Pierre Gauthier, jeune couturier haut en couleur et en broderies, celui de Pascale Kervan spécialisée dans les vêtements de cérémonie et d’Yves Dooms dont la maison a, également, célébré ses vingt ans en 2003.

Marianne Hublet

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