A la table des grands restaurants, dans les cocktails et, depuis peu, à la maison, la petite cuillère chinoise sort le grand jeu. Histoire d’un couvert ancestral devenu le totem d’un nouveau snacking gastronomique.

Dans celle-ci, un tartare de tomate à la vanille. Dans cette autre, quelques copeaux de poutargue au citron et, juste à côté, comme endormie dans sa coque blanche, une moule à l’infusion de laurier… A la table marseillaise de Gérald Passédat, la cuillère chinoise est en bonne place dans le vaisselier et se prête à toutes les fantaisies sudistes. Il y a à peine dix ans, le chef du restaurant le Petit Nice fut l’un des premiers adeptes du  » spooning « , terme du jargon branché pour désigner ce snacking gastronomique à la petite cuillère.  » A l’époque, se souvient-il, aucune maison d’arts de la table n’en vendait. J’ai dû importer directement de Chine des modèles, avec leurs fameux motifs bleus…  » Traditionnellement dévolue à la consommation des bouillons asiatiques – après avoir  » slurpé  » les nouilles avec les baguettes, la cuillère servant à boire le bouillon – la cuillère chinoise a trouvé sur nos tables occidentales bien d’autres vocations.

Au restaurant, celle d’accueillir élégamment les mises en bouche. On ne compte plus les chefs, de Pierre Gagnaire à Alain Passard, qui revendiquent ce support de création.  » La cuillère chinoise est un croisement entre une assiette et une cuillère, ou une mini-assiette avec un manche, si vous préférez, explique William Ledeuil, chef de Ze Kitchen Galerie, à Paris. Du coup, il est possible de servir de vrais plats en version miniature.  »

C’est qu’elle a tout pour plaire, cette petite cuillère. Raffinement, assise stable, praticité. Là où le picot imposait des aliments solides sous peine de dégouliner, elle s’ouvre à toutes les déclinaisons fondantes et liquides sans salir les doigts. Là où la verrine multicouche demandait parfois un brevet de spéléo, elle s’avale en une seule bouchée…

Autant de vertus très prisées par les traiteurs, toujours en quête de nouveaux supports gastro-ambulatoires. Chez certains, très créatifs, des petites cuillères conçues sur mesure en porcelaine blanche, noire ou jaune offrent leur mosaïque de couleurs sur un plateau, tandis que, chez d’autres, des modèles en argent avec anse en spirale invitent les convives à déguster, entre deux bavardages et presque sans y penser, un amour de tomate confite au pigeon ou une gamba barbotant dans sa petite nage de crustacés.

Il était temps que les enseignes des arts de la table se penchent enfin sur cette affaire pour nous permettre d’épater nos propres tablées… C’est chose faite. En porcelaine, en Inox, en bois ou en Plexiglas, blanches ou colorées, contemporaines ou traditionnelles, on trouve désormais de nombreux modèles de cuillères chez des fabricants tels que Raynaud, Deshoulières ou Asa. Sans compter celles qu’édite la chaîne française de magasins Picard, déjà garnies et surgelées, mais à collectionner…

Partisans du fait-maison, la maison d’édition Marabout a pensé à vous en éditant le premier livre de recettes consacré aux petites cuillères. Un rien de poisson cru au confit d’agrumes, un micro-quartier de poire Belle-Hélène, une griotte posée sur un nuage de crème fouettée : l’auteur, José Maréchal, chef du Café noir, à Paris, s’est fendu d’une trentaine de recettes sensuelles, sucrées ou salées… à faire en deux coups de cuillère à pot.

Recettes extraites de  » Petites Cuillères, apéritifs et gourmandises « , de José Maréchal, Marabout.

Fanny Triboulet

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