Les hommes savent pour toi

© KAREL DUERINCKX

Un événement récent remis en perspective à l’aide de références historiques ou pop culture, de mauvaise foi occasionnelle et d’une bonne dose de désinvolture.

Ça ne rate jamais. Chaque année, à l’approche du 8 mars, les fausses bonnes idées défilent comme des majorettes. Pourtant, ça fait déjà un moment qu’on se demande ce que bouquets de fleurs, promos maquillage, ladies nights et aspirateurs au rabais ont à voir avec la Journée internationale des droits des femmes – et, pitié, que les petits malins du fond ne la ramènent pas en arguant que selon l’ONU, le nom officiel de l’événement est simplement  » Journée internationale de la Femme « . Pour rappel, les premiers National Woman’s Days revendiquaient le droit de vote, le droit au travail et la fin des discriminations professionnelles, et il n’aura échappé à personne que, plus d’un siècle ( ! ) plus tard, on n’y est toujours pas.

Les premiers National Woman’s Days revendiquaient le droit de vote, le droit au travail et la fin des discriminations professionnelles. Un siècle plus tard, on n’y est toujours pas.

Du côté de Huy, deux joyeux compères ont voulu marquer le coup à leur façon, en produisant une bière  » féministe « , la Fée Minine, blanche cerise-raisin-pomme-hibiscus titrant 2,5%. Et sans surprise, des voix se sont élevées face à cet exemple typique de marketing genré. Réponse des intéressés : il ne fallait pas dire bière  » féministe « , mais  » féminine  » – foutus journaleux qui n’y comprennent rien. Mais, malgré cette précision, un malaise subsiste, celui de voir en une limonade vaguement alcoolisée – l’arôme Paic citron, pour pas oublier de faire la vaisselle ? – l’exemple-type d’une bière pour femme, et d’enfermer au passage la moitié de la population humaine dans un rôle de créature fragile dont il convient de ménager le délicat palais. Et tout juste une semaine après la polémique, le brasseur de la Fée Minine a décidé d’afficher en cover Facebook une bouteille de bière nommée  » Une bonne pipe de Mademoiselle Simone « , une  » jolie blonde gourmande et acidulée « , à ce qu’il paraît. Volonté de faire mousser des détracteurs et détractrices forcément hystériques ? D’attirer l’opprobre sur un concurrent lui aussi versé dans le sexisme crasse ? On l’ignore. Bonne ambiance chez certains brasseurs belges, en tous cas.

Au-delà des jeux de mots lourdauds et des étiquettes sexy(stes), le moment semble tout indiqué pour se souvenir que la mainmise masculine sur la bibine n’est que très récente, à l’échelle de l’humanité. La bière a été l’affaire des femmes depuis l’Antiquité, la plupart des divinités qui lui sont liées sont féminines, et notre boisson nationale fut elle-même longtemps considérée comme un symbole féminin de fécondité – et pas seulement parce que les soirées trop arrosées ont de tout temps favorisé la reproduction de l’espèce. Alors, les gars, merci de faire preuve d’un minimum d’humilité. On veut bien que cela parte d’une bonne intention, mais commencez déjà par intégrer que l’on puisse être à côté de la plaque en toute bonne foi. Et puis, brassez avec savoir, dégustez avec sagesse, mais n’infligez pas aux autres votre ignorance ou votre étroitesse d’esprit, et tendez les pavillons pour comprendre une fois pour toutes ce qu’on essaye de faire rentrer dans vos oreilles poilues. Et si vous êtes trop misogyne pour agir en faveur de ces demoiselles, faites-le pour d’autres mâles, ceux qui en ont marre d’être assimilés à une bande de primates phallocrates, ou qui aimeraient bien s’envoyer une petite kriek après le mini-foot, sans subir railleries et quolibets. Voilà. Rendez-vous l’an prochain – et si on vous rentre dedans pour une énième crétinerie machiste, cette fois, vous saurez pourquoi.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content