Blonde latine dans Le Deuxième Souffle, où Monica Bellucci joue une femme fatale, mais brune au quotidien… La madone du cinéma international attire tous les regards. Et se confie à Weekend.

Dans Le Deuxième Souffle, d’Alain Corneau, actuellement à l’affiche, elle incarne Manouche, l’unique héroïne d’un film noir et viril sur la fin d’un monde, celui des gangsters qui avaient encore un code de l’honneur. Ce qui l’a attirée dans ce rôle ?  » Sa personnalité double, confie Monica Bellucci. Manouche est une femme d’affaires qui vient de la rue. Elle est forte, indépendante et combative, même si elle n’a pas cette agressivité des filles d’aujourd’hui, justement parce qu’elle représente une autre époque. C’est aussi une femme à l’ancienne, qui protège son mec jusqu’au bout. Mais, quand elle sent qu’il va à la mort, son instinct la pousse vers un autre homme. Il sera son deuxième souffle.  »

Comment Monica Bellucci dépeint-elle sa féminité ? Elle qui, à chaque rôle, multiplie les métamorphoses ? La Bellissima, qui sait aussi jouer la femme détruite comme dans le controversé Irréversible de Gaspard Noé (2002), se révèle au fil d’un entretien sans fards.

Weekend Le Vif/L’Express : Pour incarner son héroïne, vous avez proposé à Alain Corneau de vous teindre les cheveux en blond. Pourquoi ? La blondeur traduit-elle le caractère de Manouche ?

Monica Bellucci : Tout à fait. Le Deuxième Souffle est une histoire très très française, qui se déroule à la fin des années 1950, au début des années 1960 et, pour moi, en tant qu’Italienne, les actrices françaises de cette décennie – Bardot, Signoret, Deneuve – étaient tout en courbes et en blondeur. Les Américaines aussi, d’ailleurs : Monroe, Bacall, Mansfield… Alors, j’ai proposé à Alain Corneau de me teindre les cheveux et le personnage a surgi. Car, derrière cette élégance bourgeoise, blonde, lisse se cache une nature sauvage, une Gitane, d’où son nom. Manouche garde le regard d’une vraie brune. Les racines noires de ses cheveux trahissent son passé. Comme sa manière de fumer trahit sa détresse, son agitation, son malaise.

Comment se vit-on en blonde ?

La première fois, ça surprend, bien sûr, et puis, on s’habitue. Le plus étonnant, ce n’est pas seulement le regard des autres dans la rue : la blondeur est une tache de lumière qui attire l’£il, on le sait… Mais, sur le plateau, cette femme au chignon savamment décoiffé et aux tenues rétro inspirait de la tendresse. Elle rappelait à chacun une cousine, une tante, une mère… Il n’empêche, dès la fin du tournage, j’ai repris ma couleur d’origine. Et bien volontiers !

Qu’avez-vous appris sur la féminité des années 1960 ?

Déjà, que les femmes avaient du temps pour elles, pour mettre un serre-taille, un soutien-gorge qui fait pointer les seins, etc. Aujourd’hui, un jean, un manteau et hop ! Je ne sais pas si c’est mieux. Mais j’ai regardé cette époque avec un peu de nostalgie. Bien sûr, depuis, on a gagné des batailles sociales essentielles.

Dès le clap de fin, vous avez entrepris un autre voyage dans le temps…

J’ai tourné en Italie Sang fou, de Marco Tullio Giordana, dans lequel je joue une comédienne prise dans le tourbillon du fascisme… Ce film inspiré d’une histoire vraie dérangera, je pense.

Encore un… Après Irréversible et La Passion du Christ !

C’est ainsi : j’aime les metteurs en scène qui ont un point de vue et, comme leur univers est personnel, ils ne plaisent pas à tout le monde.

Vous avez interprété tous les archétypes de la femme : Cléopâtre et Marie Madeleine, une vampire, la méchante reine des contes de fées, une putain, la femme fatale…

Je n’y avais pas pensé, mais, oui, vous avez raison, c’est troublant… Le cinéma me permet d’opérer une recherche personnelle sur moi-même et sur les autres. D’évoluer d’un point de vue strictement humain. De combattre les démons… Comme dit Pirandello, une personne en contient 100 000.

De film en film, vous ne cessez de casser les a priori sur vous ?

Quand on a un physique considéré comme joli, la beauté est un masque qu’il faut faire bouger, sinon l’image figée vous emprisonne. A la fois, je ne fais pas un parcours pragmatique de mon visage. Mais ça m’amuse d’avoir une plastique parfaite dans Le Deuxième Souffle, défaite dans Le Concile de pierre, où j’avais les cheveux courts, peu de maquillage, des vêtements basiques. Ou bien d’être mise en valeur puis détruite dans Irréversible. Cartoonesque dans Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre et Matrix.

Vous qui êtes mitraillée à longueur de journée, quel rapport entretenez-vous avec l’image ?

J’ai une passion pour la photographie depuis l’adolescence. Bien avant de poser pour eux, je collectionnais déjà les livres de Helmut Newton et de Bruce Weber. Je suis fascinée par la construction, le cadre, la lumière, l’image. Quand je suis devenue mannequin, cette image s’est révélée trop restreinte. Au cinéma, elle prend vie.

En France, on ignore vos engagements. Il y a trois ans, vous avez posé nue, enceinte, à la Une du magazine Vanity Fair version italienne, pour contrer les mouvements d’opposition à l’insémination artificielle…

C’était une loi du Moyen Age. Des politiciennes, des scientifiques, des artistes se sont mobilisées, mais, hélas ! rien n’a changé. J’attendais mon bébé au moment où cette loi faisait débat et, encore une fois, j’ai voulu exprimer quelque chose par la force de l’image. Et puis, je vivais ma grossesse avec une telle joie et une telle curiosité : j’ai voulu témoigner pour les femmes qui regardent leur corps se transformer avec terreur.

Est-ce qu’il arrive que l’on ne vous parle pas de votre mari, Vincent Cassel, dans les interviews ? Cette fois-ci, on n’est pas obligé !

Mais non, non, pas de problème.

Vous formez le couple moderne par définition ?

Sûrement, oui. On vit d’une manière tellement bizarre. Nous nous sommes rencontrés sur un tournage, nous étions deux acteurs qui travaillaient dans des pays différents et notre vie n’a pas changé depuis… C’est atypique pour un couple et, en même temps, quelle est la règle ? De loin ou de près, l’important est d’être ensemble dans la tête.

On vous voit peu dans les premières, dans les fêtes…

Je fais mon show devant la caméra. Après, plus privée que moi, tu meurs. J’ai ma famille, j’ai beaucoup d’amis en qui j’ai confiance et qui ont confiance en moi, c’est une valeur à laquelle je crois. Je suis sociable mais j’ai aussi besoin d’indépendance, de solitude, de me retrouver avec ma fille Deva. En dehors des tournages, j’aimerais disparaître. C’est pour ça que l’on ne me voit nulle part. Ou alors dans les avions…

Propos recueillis par Gilles Médioni

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