L’une des plus grandes actrices françaises et pourtant antistar : Isabelle Huppert, mère de famille de trois enfants, reste dans la vie une femme de silence et de non-dits. Pas ici…

Pensez-vous que le grand public vous connaît bien ?

Oui et non. Déjà, on ne cerne jamais vraiment les personnes qui vous sont proches, alors celles qui sont loin !

Cela vous arrange-t-il ?

Ça ne me dérange pas. C’est un fait objectif.

Vous êtes une actrice de  » proximité « . Vous croise-t-on dans le supermarché de votre quartier ?

Euh… je sors de chez moi, oui ! C’est amusant les gens connus qui posent la célébrité, cette notion très floue, comme un problème d’emblée. La médiatisation n’a rien à voir avec la célébrité palpable ou dérangeante dans la rue. Certains l’entretiennent. Moi, je suis transparente : on ne me reconnaît pas. C’est une réalité. Mais si, d’aventure, ça ne l’était plus, je ne m’en plaindrais pas.

A quels moments avez-vous le sentiment de toucher au plus près votre quête d’actrice ?

Avec Bob Wilson, avec tous les grands metteurs en scène… Quand je m’abandonne dans une sorte de soumission à ce que l’on me demande sans me poser de questions. Pour l’acteur, la magie consiste à chercher ce territoire où il va partager un secret avec lui-même. Sans le livrer. Sans donner les clefs pour le déchiffrer. Mais en le rendant visible puisqu’on laisse jaillir quelque chose. Cette recherche, cette sorte d’aveuglement, cet état béni, est ce qu’il y a de plus fascinant, de plus bouleversant, de plus épuisant. C’est un puits sans fond. Quand je dis  » bouleversant « , je pense à la dépendance de cette recherche et à la souffrance lorsqu’elle s’arrête.

Votre devise ?

Celle de la tragédienne Rachel :

 » Tout ou rien « .

Un livre ?

Celui que je n’ai pas (encore) lu :

 » Herzog « , de Saul Bellow.

Un artiste, un ?

Je ne suis pas du tout pour les palmarès. Un nom qui me traverse l’esprit à cet instant précis, c’est Robert Frank.

Votre musique préférée ?

Je ne me lasse pas d’opéra, des grandes voix, notamment Cristina Deutekom. J’aime aussi écouter le même morceau joué par des pianistes, des violonistes différents. C’est ainsi que l’on devrait apprendre l’interprétation aux acteurs.

Votre styliste préféré(é) ?

Agnès b., Nicolas Ghesquière et Stefano Pilati.

Dans le livre de photographies qui vous a été consacré,  » La Femme aux portraits « , Elfriede Jelinek remarque combien  » [votre] visage est désarmé « .

C’est une très belle phrase – elle m’évoque plein de sensations. Quelque chose entre la peur et l’abandon. Sans protection. Il y a cette tentation de la part de l’autre – le photographe, le portraitiste – d’aller vers la vérité. Mais on peut être aussi  » vrai  » dans l’artifice que dans le naturel puisque le naturel pour une actrice est une autre forme de masque.

Qu’est-ce qui vous fait rire dans la vie ?

Les gens, les gens qui se prennent pour ce qu’ils sont… Le recul sur les situations. Et les bons mots, même lorsqu’ils s’exercent à mes dépens. Mais je ne vous dirai pas lesquels. ( Rires.)

Propos recueillis par Gilles Médioni

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