Agnès Emery a ouvert à Weekend les portes de sa belle demeure de Marrakech… et vous invite à passer à table. Sa cuisine est un climat aussi gourmand que mental, alternant l’abondance des plats marocains authentiques et la frugalité de nourritures premières. Deux registres de saveurs que la créatrice belge vous fait partager dans un superbe décor vert et bleu.

 » Certes, je suis une grosse gourmande, mais il en va de la cuisine comme des autres choses de la vie, je ne peux m’empêcher de tout transformer à ma manière « , raconte Agnès Emery, architecte de formation et styliste par choix.  » Depuis déjà longtemps, dans ma cuisine de Bruxelles, j’ai élaboré au fil des jours une cuisine  » fusion  » très personnelle où se croisent un fond belge et une forte influence macrobiotique donc japonaise, auxquels s’ajoutent même quelques influences italiennes.  » Dans cette frugale attitude, la nourriture marocaine ne trouverait pas place. Pourtant, lorsqu’elle séjourne à Marrakech, Agnès ne s’interdit pas d’y goûter. Et de préciser :  » Il faut laisser aux véritables maîtres en la matière la confection des plats traditionnels. Personne à ma connaissance ne réussit le couscous et le poulet aux citrons comme Mina.  » Elle s’en régale, mais se garde bien d’imiter.

Revenant à son équilibre quotidien, ses recettes utilisent les produits locaux, les légumes et fruits paysans achetés dans la médina, le pain complet fabriqué à la maison par les femmes, le couscous bio choisi dans une échoppe au label vert, les herbes du marché : la menthe qui fournit l’essentiel des étals, la coriandre camarade de la plus simple préparation, la marjolaine, l’absinthe, le géranium, dont les vertus infusent toutes sortes de bienfaits pour le corps. Surtout la  » Louisa « , merveilleuse verveine vendue un peu partout en botte fraîche par les marchands ambulants. Sa présence embaume la maison.  » Son seul parfum m’enivre ; pure et nature, elle convient à mon mode alimentaire et à mes stations vespérales sur le toit « , confie Agnès, qui a appris des vénérables sages les qualités digestives du leben, sorte de lait battu. Un verre, le soir –  » quand tout est silence sur la terrasse  » et que les chats entament leur promenade -, avec un bol de couscous nature, nourrit la méditation.

Face aux cuissons mitonnées, aux viandes très cuites, aux épices généreuses, l’alternative pourrait faire choc. En revendiquant une dimension minimaliste, elle s’impose comme mode alimentaire simple, telle une sauvegarde des valeurs agricoles. Ses soupes, ses salades de fruits explorent les chemins naturels d’une rencontre entre les saveurs originelles intactes. Quant aux mezze de légumes –  » les divines petites courgettes, l’aubergine, la betterave rouge, les fèves du marais… méritent bien mieux que d’être surcuits dans un tajine  » -, Agnès les aime  » à peine assaisonnés de citron frais et confit, quelques herbes « . Elle ajoute au menu les succulentes sardines grillées.  » Tout cela forme un repas léger et en même temps somptueux, qui évoque les fastes de l’Orient.  »

Dans le décor  » mi-Cocteau mi-Jules Verne  » mêlé aux arts décoratifs orientalistes revisités, l’instant se calfeutre dans la rêverie. Mais ajoute Agnès :  » Si je veux faire le grand jeu pour un ami de passage, je fais une tanjia, parce que c’est le seul plat local dont je respecte à la lettre la recette et le cérémonial, exotique pour nous « . Paraphrasant Baudelaire on pourrait suggérer que les parfums, les goûts, les couleurs se répondent… entre agapes marocaines et simplicité monacale.

Geneviève Dortignac – Photos : Eric Morin

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