Pour réussir votre look sous le soleil, reste à trouver les lunettes adaptées. Produit d’entrée dans le monde du luxe, c’est l’accessoire incontournable. Pour les fashion addicts comme pour les griffes, qui y voient un juteux marché.

Une jeune fille s’avance sur le boulevard de Waterloo, à Bruxelles, puis recule de trois pas. Elle hésite et finit par pousser la porte de la boutique de luxe. Elle n’a que 15 ans… et toutes ses économies en poche. Aujourd’hui, c’est décidé, elle s’offre cette paire de lunettes de soleil griffée. Et, à l’instant où elle les posera sur son nez, elle signera à son insu un pacte avec le label dont les initiales figurent sur les branches du précieux objet. Parce que, bien plus qu’un simple accessoire, les lunettes sont aujourd’hui un sésame vers les marques haut de gamme. Du coup, plus une année ne passe, depuis 2007, sans qu’une maison de couture tente l’aventure. L’été passé, c’est la griffe belge Natan qui s’est lancée. Résultat : une ligne sobre, élégante et pure, en parfaite adéquation avec la collection de vêtements. Normal. C’est le créateur Édouard Vermeulen en personne qui dessine ses lunettes.  » J’ai horreur des dorures, des montures de couleur et des verres dégradés, explique-t-il. Je veux surtout que mes lunettes soient mettables. Je laisse donc les professionnels juger de la faisabilité de mes projets. « 

Les professionnels, ce sont les fabricants, comme Luxottica, leader mondial des lunettes de haute qualité et de soleil, qui détient les marques Oakley et Ray-Ban et les licences notamment pour Chanel et Prada.  » Nous travaillons en étroite collaboration avec les maisons de couture. Pour ne pas être seulement un logo sur une branche mais donner à nos lunettes la vision complète de son couturier « , souligne Fabien Gribaudo, directeur de Luxottica Belgique, qui rappelle que, pour le grand public,  » le parfum reste le ticket d’entrée le plus abordable vers les grandes marques. Mais les lunettes ont un atout de taille : elles sont plus visibles et constituent donc un produit phare pour le product placement « . En d’autres mots : posez des Persol sur le nez de George Clooney dans Ocean’s 11 et 12. N’oubliez surtout pas le 13. Car le modèle s’arrachera dès le lendemain dans les magasins. C’est vérifié, ça fonctionne. Ainsi, en plaçant intelligemment ses produits sur les podiums et dans les défilés, le groupe a enregistré un bénéfice net en hausse de 34,5 %, en 2010 et un chiffre d’affaires de 5,8 milliards d’euros.

On comprend mieux, dès lors, la bataille féroce que se livrent les fabricants pour obtenir les licences des grandes marques. Car sur ce marché déjà rentable, les prix ne cessent d’augmenter. Aujourd’hui, une paire d’optiques varie entre 120 et 500 euros. Un lunetier bruxellois réputé, qui préfère garder l’anonymat, fait le calcul :  » Si vous achetez une monture à 300 euros chez un opticien, celle-ci lui a coûté entre 150 et 180 euros chez le fournisseur, qui a dû la payer lui-même 75 euros, sans compter les intermédiaires.  » Conclusion : le coefficient peut être de 10 entre prix de fabrication et de vente, parfois tout simplement pour rester en adéquation avec le positionnement de la ligne de vêtements sur le marché.  » Tout le monde comprend aisément que Prada ne puisse pas vendre ses lunettes à 150 euros, quand Sonia Rykiel les affiche à 300 sur le présentoir d’à côté « , explique l’opticien. Logique.

 » Avant, le consommateur voulait des montures de première qualité et de bons verres pour protéger ses yeux. Porter une marque n’était pas une obligation. Mais depuis environ cinq ans, un revirement s’est opéré. Les gens veulent du griffé. Tant mieux si la qualité suit, mais ce n’est plus la priorité « , remarque Isabelle Moës, directrice de Marcolin Benelux, qui réalise les lunettes sous licence entre autres pour Tom Ford, Cavalli et John Galliano. Et pour satisfaire la demande, les marques renouvellent de plus en plus régulièrement leur collection.  » Les tendances des solaires changent chaque année. Elles font partie intégrante du look d’une personne et s’insèrent dans une collection : cela signifie qu’elles doivent évoluer au même rythme que la mode « , confirme Guido Janssens, directeur de Safilo Benelux, qui fabrique des lunettes sous licence notamment pour Armani, Yves Saint Laurent, Gucci et Dior.

Avant Marc (Jacobs), avant même Karl (Lagerfeld), Joe (Dassin) l’avait bien compris :  » Et quand on y pense, la vie est très bien faite, il suffit de si peu. D’une simple paire de lunettes pour rapprocher une marque et un être. Et pour qu’ils soient heureux. « 

PAR CORALIE RAMON

Plus une année ne passe sans qu’une maison de couture ne tente l’aventure.

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