Cette fleur de province s’est épanouie sous le ciel de Paris. Pour le plus grand bonheur des amateurs de comédies. Elle vous fera rire aux éclats dans Rien à déclarer, le nouveau Dany Boon, avec, dit-elle,  » tous ces acteurs belges si amusants… « . En attendant, elle se raconte… Sans blague.

Vous l’avez adorée en secrétaire aguicheuse dans Potiche, de François Ozon. Elle est irrésistible dans Rien à déclarer (1), de Dany Boon, et sur la scène du théâtre Marigny, à Paris, dans L’Amour, la mort, les fringues (2), une pièce mise en scène par Danièle Thompson, qui l’a déjà dirigée au cinéma… Et elle tient le premier rôle de Ma part du gâteau (3), le prochain Cédric Klapisch. Bien plus qu’une actrice comique, celle qu’on a découverte il y a vingt ans dans Tatie Danielle est devenue indispensable au cinéma français. Et dire qu’à ses débuts Karin Viard était la seule à y croire…

Il y a des années fastes…

Les années fastes, on les apprécie surtout par contraste avec les années plus difficiles. Ces périodes frustrantes où, sans que l’on sache trop pourquoi, les réalisateurs avec lesquels on aimerait travailler ne vous appellent pas… Je ne me suis jamais victimisée. Je pars du principe que l’instrument de travail d’un acteur, c’est lui-même. C’est donc un peu ma faute s’il y a eu des moments creux, peut-être que j’envoyais de mauvais signaux… Dans ces moments-là, il faut continuer d’avancer. Et le vent finit par tourner… Ce qui est sûr, c’est que je profite énormément de ce qui se passe aujourd’hui.

Ce qui se passe, c’est que vous êtes l’une des actrices les plus populaires du cinéma français.

Vraiment ? Je vous assure qu’il n’y a aucune posture de ma part : je ne me rends absolument pas compte de la manière dont le public me perçoit. Un jour, dans un souk de Marrakech, un homme m’a reconnue et m’a demandé un autographe. J’ai cru à un canular. J’y crois toujours d’ailleurs… Dans ce métier, certains vous adorent, d’autres vous détestent. Moi, je me situe un peu au milieu. J’ai été élevée en grande partie par ma grand-mère, qui, à 101 ans, reste ma plus sévère critique. Le jour où je suis partie à Paris pour devenir actrice, elle m’a dit : tu es mal fagotée, tu te ronges les ongles. Tu n’as aucune chance… Moi, j’y croyais. Mais j’étais vraiment la seule.

Elle était si caricaturale que cela, la jeune femme débarquée à 17 ans de Rouen pour devenir comédienne ?

Oui, la parfaite gourde provinciale ! Longtemps, elle m’a fait un peu honte, d’ailleurs, cette jeune femme un peu gauche, bourrée de complexes, mais finalement assez touchante dans sa naïveté à vouloir devenir actrice. Aujourd’hui, j’ai une certaine tendresse pour elle. Je ne connaissais rien à la grande ville. J’ai eu un mal fou à m’adapter. Heureusement, j’aimais rire et j’avais une certaine audace. Je m’étais donné dix ans pour percer. Je voulais bien ramer, mais seulement si le soleil se trouvait au bout. Tourner des pubs pendant vingt ans en me racontant que j’étais comédienne, ce n’était pas mon truc.

Le soleil est venu assez vite, avec Tatie Danielle, Delicatessen, et surtout Les Randonneurs, de Philippe Harel, en 1997.

Il a fallu un peu de temps, quand même. Quand je passais des castings, je ne correspondais presque jamais au rôle. J’étais très pulpeuse, j’avais une sensibilité particulière mais une gouaille populaire, que j’ai un peu perdue, du reste. On ne savait pas trop où me situer. Je sentais bien que je n’étais pas la princesse… J’espérais qu’entre la princesse et la servante, il y aurait une petite place pour moi, mais on ne me disait rien, et je m’inquiétais énormément. Il m’a fallu sept ans pour que je trouve mes repères.

Dans Paris ou dans le métier ?

Les deux. J’ai acheté une Mobylette, symbole de ma nouvelle liberté, et j’ai commencé à travailler. J’avais l’impression de prendre ma vie en main !

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur votre ville d’adoption ?

Celui d’une éternelle provinciale. Je vis ici depuis vingt-sept ans. J’ai habité plusieurs quartiers, je crois bien connaître Paris. Paris est ma ville, mais quand je me promène en scooter le long des quais de la Seine ou sur le pont d’Austerlitz, quand je marche près du quai aux Fleurs, je suis aussi enchantée que lorsque, gamine, j’ai vu pour la première fois le Centre Pompidou. Des escalators dans des tuyaux, ça me semblait complètement dingue ! Pour moi, Paris est la ville de tous les possibles, à la fois très vaste, et de dimension humaine.

Revenons au cinéma. Le métier vous a consacrée par le césar de la meilleure actrice en 2000 pour Haut les c£urs !, où vous incarnez une jeune femme enceinte atteinte d’un cancer. Le public, lui, vous plébiscite dans des comédies. En ressentez-vous une certaine frustration ?

Ah non, aucune ! Actrice comique, ça me plaît bien. Si je n’étais qu’une actrice dramatique, j’aurais du souci à me faire. La plupart des projets produits aujourd’hui dans le cinéma français sont des comédies. Il m’arrive de ne pas me sentir à la hauteur, mais je me fous complètement de prouver aux autres que je peux jouer dans des drames. Une très bonne comédie, c’est la forme parfaite du divertissement. Elles sont incroyablement difficiles à faire, et pas toujours très drôles à tourner. Certaines ont même été des cauchemars, alors que je garde un excellent souvenir du tournage de Haut les coeurs !, par exemple, malgré la gravité de son sujet.

Quand vous dites cauchemar, vous pensez à la suite des Randonneurs, de Philippe Harel ? Regrettez-vous de l’avoir tournée ?

Par égard pour la productrice du film, qui s’est battue jusqu’au bout pour qu’il existe, je ne parlerais pas de regret. Mais de cauchemar, oui. L’ambiance sur le plateau était horrible. Philippe Harel n’était plus motivé, il avait changé. Tout le monde était malheureux dans son coin. Et le film a été nul… Donc oui, mauvais moment de cinéma, mais pas mon pire.

Potiche, Rien à déclarer et Ma part du gâteau figurent, en revanche, parmi vos meilleurs souvenirs de tournage.

Absolument. Les deux premiers nécessitaient, dans des genres différents, des reconstitutions historiques, ce qui est toujours jubilatoire à vivre pour un acteur. Quand j’ai accepté le Ozon, je savais que je ne prenais aucun risque. Je garde aussi des images merveilleuses de Rien à déclarer, avec cette fausse neige, tous ces acteurs belges si amusants… Le Klapisch, c’est encore une autre émotion. Il s’agissait d’une aventure très exaltante, et d’un premier rôle. Même si certains seconds rôles sont formidables, je préfère infiniment les premiers rôles aux seconds : ils permettent d’imprimer plus d’ambivalence.

On a l’impression, depuis quelque temps, que vous jouez volontiers la carte de la séduction, à l’écran. Dans Potiche, par exemple, c’est frappant.

C’est gentil ! Avec la quarantaine, on se débarrasse de certains complexes et on a plus d’audace. Je joue sans doute davantage avec mon corps. Dans la vie, je suis comme tout le monde : ça ne me fait pas tellement marrer de prendre des rides. Le temps passe tellement vite ! Mais, finalement, je trouve que l’on encaisse assez bien les années qui passent et que la maturité a du bon : mes filles, âgées de 11 et 13 ans, grandissent et commencent à s’ébrouer au bord du nid. Je profite différemment de la vie. Je récupère.

Avant de vous laisser récupérer, un v£u et une bonne résolution pour l’année qui commence ?

J’adorerais que la France connaisse enfin une reprise de l’emploi, que notre société se recentre sur des valeurs plus civiques et plus républicaines, et, plus égoïstement, que le film de Klapisch connaisse un grand succès. Ma bonne résolution, c’est de continuer, sans souci de tactique, à suivre mon chemin, sincère.

(1) Sortie en Belgique ce 26 janvier.

(2) Jusqu’au 5 février. www.theatremarigny.fr

(3) Sortie en Belgique le 23 mars prochain.

PAR GÉRALDINE CATALANO

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