C’est à Bijsterveld, dans une somptueuse demeure entourée de douves, que le peintre Nina Balthau a décidé de poser son chevalet. Elle y a dessiné un cadre de vie haut en couleur.

Lorsqu’elle dresse le couvert pour un tête-à-tête vespéral dans la grande salle à manger, Nina Balthau choisit toujours la petite table ronde située dans l’axe de la porte-fenêtre aménagée dans la façade ouest du corps principal de sa demeure. Par beau temps, l’heure du repas correspond souvent au moment précis où  » le soleil s’enfonce dans la mer, légèrement voilé par la ramure des peupliers « . Face à ce spectacle féerique, on comprend aisément pourquoi la haie feuillue qui longe le petit canal ceignant la maison s’interrompt durant quelques mètres, juste dans l’axe de cette petite table tant prisée par la maîtresse des lieux.

C’est aussi cette lumière finissante d’ouest qui a déterminé la couleur proche de la terracotta des murs extérieurs de cette partie de la maison.  » Il me semblait impensable de peindre l’extérieur en blanc, une teinte trop agressive. Alors, j’ai hésité entre un rose « bébé » et un brun. En définitive, j’ai mélangé les deux !  » déclare en plaisantant Nina Balthau. Réalisée en deux étapes successives, la rénovation de l’ancienne ferme respecte avant tout l’esprit du bâtiment et ses volumes. Tous les éléments de valeur, tels que la cheminée qui se dresse dans la salle à manger, ont soigneusement été préservés. Cet âtre superbe est habillé de quatre cents petits carreaux de Delft datant du tout début du XVIIIe siècle. Seuls les deux supports en bois, rongés par l’usure du temps, ont été remplacés.

L’aspect extérieur du domaine de Bijsterveld n’a pas changé depuis cinq siècles. Sur des cartes datant de 1500, on voit que la demeure d’alors, propriété d’un monastère cistercien, était comme aujourd’hui une île entourée de douves. L’eau constituait une protection contre d’éventuels voleurs. En traversant les pièces du rez-de-chaussée, on remarque que chaque porte et chaque fenêtre ont été aménagées pour ouvrir l’espace sur de véritables tableaux naturels. Artiste peintre, Nina Balthau puise l’essentiel de son inspiration dans les fleurs. En toute logique, c’est dans son atelier – la seule pièce dont les murs ne sont ni peints ni tapissés – que l’on retrouve les plus grandes surfaces vitrées.

 » Avant de déterminer les couleurs dans lesquelles je peindrais les autres pièces, j’ai pris au moins une année de réflexion. Le soleil et les couleurs du jardin restent mes points de repère essentiels. Chacun sait que la lumière du matin est plus froide, plus bleue et que celle de la fin d’après-midi est plus jaune. J’ai bien évidemment tenu compte de ces évidences dans mes choix. » L’orangerie constitue l’exemple le plus frappant des réflexions de Nina Balthau sur le thème de la couleur. Par la multitude des portes-fenêtres qui la mettent en contact avec l’extérieur, elle est baignée par une véritable mer de lumière, exacerbée par les floraisons toutes blanches du jardin en cet endroit. Cette pièce, dont l’intérieur est en permanence décoré de plantes et de bouquets, appelait une couleur calme, presque neutre. Et c’est le jaune pâle qui s’est imposé aux yeux de l’artiste. En revanche, les klinkers (d’anciennes briques hollandaises recuites à la fabrication) qui recouvrent le sol s’assortissent aux tons de la terrasse dont les murs extérieurs sont en briques.

Pour éviter toute rupture lorsque les portes sont ouvertes – ce qui est presque la règle générale – le sol du hall d’entrée est recouvert de petits carreaux en terre cuite.  » Pour la couleur des murs, j’ai beaucoup hésité car la pièce est assez sombre, précise Nina Balthau. J’ai opté pour une solution « contre nature », c’est-à-dire un coloris très chaud, un rouge presque sang qui n’est pas sans rappeler la teinte de la façade ouest. Le fait que ce soit sombre, voire agressif, ne me semble pas important puisque c’est un lieu de passage où l’on ne s’asseoit pas. En outre, cette ambiance constitue une belle transition entre l’orangerie et la partie cuisine et salle à manger. « 

Le bureau de Peter, le mari de Nina Balthau, communique avec le hall principal et son atelier. C’est le seul endroit de la maison dont les murs sont tapissés de motifs cachemire. Pour cette pièce, la seule à l’ambiance véritablement masculine, une large place a été accordée au bois naturel : les grande portes, les lambris au bas des murs, le plancher et l’une ou l’autre poutre discrète au plafond. Le canapé est recouvert d’un plaid qui le rend très accueillant. C’est aussi le cas de deux fauteuils, l’un habillé de vieux rose et l’autre de bleu nuit.

A l’extrémité du rez-de-chaussée, on pénètre dans la salle de bains. Les murs de celle-ci, aménagée à proximité de la piscine, ont tous été peints en trompe-l’oeil.  » Nous l’avons imaginée comme un lieu ouvert vers l’extérieur puisqu’on y entre et on en sort pour se doucher. J’ai donc privilégié les motifs qui font référence aux terrasses fleuries à l’italienne.  » A l’étage, le même esprit de murs peints anime la chambre sous les toits.  » J’ai mis à profit l’espace situé entre les deux conduits de cheminée qui montent du rez-de-chaussée. Ils forment une sorte de niche qui m’a permis de placer l’axe du sommier. Puis, comme j’aime les fleurs, j’ai dessiné un vase bien rempli, en ton sur ton, en guise de tête de lit. Pour accroître le caractère cosy, et donner l’impression d’un baldaquin, il m’a suffi de tendre deux tissus en suivant l’angle des cheminées. Quant à la couleur, elle fait penser à celle de la chair….  » Reste le choix de la décoration où Nina Balthau accorde une large place à l’improvisation.  » J’ai toujours eu l’oeil pour dénicher des objets qui me plaisent. Mais j’essaie toujours qu’ils se fondent dans l’environnement.  » C’est, par exemple, le cas des vases qui s’intègrent de superbe façon à l’ambiance de la pièce tout simplement parce qu’ils remplissent leur fonction essentielle : accueillir des fleurs.

Texte et photos : Jean-Pierre Gabriel

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