Quand un photographe de mode, fervent admirateur des lampes et meubles contemporains du designer allemand Ingo Maurer, investit un loft offert à la lumière du jour, le résultat est éblouissant. Visite guidée.

Que faire d’une vieille usine de yaourts abandonnée à l’est de Paris avec vue imprenable sur les usines d’Ivry et les chemins de fer? Tout simplement des logements ultra-hype, à un jet de parpaing des bureaux en verre de l’architecte français Dominique Perrault, qui a, entre autres, dessiné la Bibliothèque nationale de France à Paris. C’est donc dans cette ex-fabrique Yoplait que, depuis 1998, Pierre Roc, un jeune architecte trentenaire – ancien chef de projet chez l’architecte, designer et urbaniste français Jean-Michel Wilmotte qui, en 1993, signa la décoration de la chambre de François Mitterrand à l’Elysée – a aménagé sept lofts pour des artistes (dont un musicien français internationalement reconnu) ou des plasticiens.

Le loft de quelque 120 m² que nous vous présentons est réparti sur trois niveaux et sert de pied-à-terre à un photographe de mode qui partage son temps entre les Etats-Unis, les pays de l’Est et l’Europe.  » Les desiderata du client me laissaient une grande liberté, explique Pierre Roc. Il souhaitait un espace ouvert avec un minimum de portes, une cuisine américaine et une ambiance loft mais pas trop brute « . Restait à imaginer un programme déterminé par la structure même de l’édifice pourvu d’une seule façade vitrée orientée sud-est.  » L’objectif premier était de laisser pénétrer un maximum de lumière, le plus profondément possible dans l’appartement « , poursuit l’architecte. C’est à contre-jour que l’on pénètre dans le loft du photographe, le long d’un meuble de rangement qui, dressé du sol au plafond, crée une paroi de séparation avec la cuisine américaine taillée, comme tout le mobilier dessiné par Pierre Roc, dans le sen, un bois japonais.  » Le client voulait un maximum de chaleur, c’est la raison pour laquelle nous avons systématiquement écarté les matériaux réputés trop froids comme le métal.  » La pâleur du sen a été sciemment choisie pour contraster avec le mobilier en bois aux teintes denses qu’affectionne tout particulièrement le photographe.

Outre une gamme chromatique commune, les deux tables basses en acajou du salon, le buffet des années 1950 de la salle à manger ou les chaises LCM de Charles Eames en placage de bouleau, affichent une pureté de lignes typique du modernisme d’après-guerre. Fan d’Ingo Maurer, le propriétaire détient quelques modèles de lampes remarquables de ce designer allemand, disciple de Noguchi. Ces  » mobiles  » de papier, assemblés sur de fragiles structures de fil de fer, s’apparentent autant à des luminaires qu’à des sculptures, tel ce coeur en papier rouge surmonté d’un miroir disposé sur le garde-fou du premier étage. Une invitation à gagner la mezzanine que l’on rejoint par un escalier aux marches ajourées, pour faciliter le trajet de la lumière naturelle jusqu’à la table de bureau.

Chambre et salle de bains attenante se partagent l’espace, largement ouvert. Afin de ne pas encombrer la pièce de repos avec un meuble de rangement qui aurait forcément gêné la propagation de la lumière, c’est l’envers du garde-corps de la mezzanine qui a été ingénieusement reconverti en bibliothèque. C’est également pour accorder la priorité à l’éclairage naturel que Pierre Roc a placé le dressing, dissimulé derrière une armature en bois, le long du mur du fond.  » Ainsi disposé dans l’axe de la salle de bains, le rythme des armatures se reflète dans les miroirs pour créer une continuité spatiale « , souligne Pierre Roc.

L’activité de photographe de mode du propriétaire des lieux a indéniablement placé la lumière au centre de toutes les préoccupations. Le traitement réservé à la salle de bains, en bois et grès cérame, en témoigne largement.  » La baignoire est disposée le long du garde-corps mais préservée des regards par une large paroi en verre mat « , précise Pierre Roc. Une manière de créer visuellement un parfait carré de blancheur, semblable aux  » light boxes « , les fameuses boîtes à lumière utilisées par les professionnels de l’image.

Texte et photos: Antoine Moreno

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