Dans son appartement non loin de Copenhague, Camilla Ebdrup, créatrice de la marque de design textile Lucky Boy Sunday, multiplie les astuces pour agrandir cet espace à vivre, à créer et, surtout, à s’amuser.

Tranquille, vert et longé par une voie d’eau, le quartier de Sluseholmen, où habite la créatrice textile Camilla Ebdrup, son mari Andreas et leur fils Sigurd, 5 ans, séduit immédiatement. Cet ancien site industriel, à dix minutes à vélo de la capitale danoise, a été réhabilité en 2004 et est aujourd’hui pris d’assaut par de jeunes ménages à la recherche d’un environnement aéré. Il y a trois ans, une annonce repérée dans un journal pour un petit bien à vendre dans l’un des nouveaux immeubles de verre et d’acier surplombant les quais décide le couple à quitter le centre-ville.  » Nous sommes désormais proches d’une grande forêt où nous aimons aller pique-niquer « , pointe la propriétaire, très heureuse de ce choix. Sigurd, lui, saute de joie lorsque qu’il peut descendre pêcher à l’épuisette sur le ponton voisin.

Ce matin-là, il dessine des superhéros avec sa maman dans l’espace ouvert qui regroupe cuisine, salle à manger et salon. Grâce à une baie vitrée qui file du sol au plafond, avec vue plongeante sur le canal où naviguent kayaks et petites embarcations de plaisance, et à une organisation rationnelle de l’espace, l’endroit semble bien plus grand qu’il ne l’est en réalité.  » L’appartement ne fait que 80 m2, rappelle la maîtresse des lieux. Nous ne disposions au départ que d’une seule chambre, insuffisante pour nous trois, ce qui nous a obligés à faire preuve d’imagination.  » D’où l’idée d’exploiter la hauteur sous plafond du séjour pour aménager une mezzanine, juste de quoi poser un matelas, ce qui est amplement suffisant.

LUDIQUE ET ESSENTIEL

Afin d’isoler cette alcôve du reste de l’habitation, Camilla a conçu une cloison-étagère, faisant également office de tête de lit, à l’aide de cubes en bois achetés chez Ikea, simplement agrafés ensemble et dont elle a peint l’intérieur en gris ardoise. Un meuble pratique et amusant pour entreposer lampes de chevet et livres, ainsi que la collection de hiboux en porcelaine amassés par Camilla au gré de ses voyages. A la structure métallique qui a permis d’aménager cette chambre suspendue, les parents de Sigurd ont attaché une grosse corde de marin pour qu’il puisse se balancer comme un singe. Il suffit d’ajouter quelques tapis de gymnastique et la zone de vie devient une plaine de jeux intérieure, appréciable au cours des longs hivers scandinaves.

Pour meubler ce loft version compacte, plutôt que de jouer la carte du minimalisme, la famille a préféré une décoration  » consciente « .  » Nous n’aimons pas l’accumulation, nous n’accordons une place qu’aux coups de coeur « , explique Camilla. Le plus bel exemple de cette logique efficace est la longue table en bois de 200 kg achetée lors de vacances à Bali et acheminée à Copenhague par bateau cargo trois mois plus tard. Cette pièce unique, combinée à des chaises Eames vintage et à une lampe monumentale signée Achille Castiglioni, donne au logement toute sa personnalité. Neufs ou anciens, bon marché ou exclusifs, les éléments se mélangent sans craindre le faux pas. Ainsi, côté salon, de vieux cageots font office de niches de rangement à côté d’un canapé de design danois aux lignes pures, garni d’un méli-mélo de coussins de teintes pastel oscillant entre gris bleu et menthe, et griffés Lucky Boy Sunday, le label lancé par l’habitante (lire par ailleurs). La table basse est quant à elle un assemblage maison réalisé à l’aide d’un plateau et d’un pied de récupération. Juste parce que la nuance miel du bois complétait chaleureusement la composition.

L’INVENTIVITÉ AU POUVOIR

C’est une autre démarche de recyclage très réussie qui a permis de transformer quelques mètres carrés sans fenêtre un peu tristes, en sous-sol mais accessible depuis le salon, en atelier photo pour Andreas, amené à travailler parfois à domicile. Des planches en bois flotté, ramassées près du canal et naturellement noircies, ont été clouées grossièrement sur un mur face au bureau du photographe, ce qui donne un cachet très particulier à l’ensemble. De-ci de-là, un peu partout, et spécialement aux emplacements les plus inattendus comme les arêtes de châssis, Camilla a, elle, éparpillé les fantômes en céramique de son ami, l’artiste danois Anders Arhoj. Une nouvelle preuve de l’absence de prise de tête pour la décoration du nouveau nid familial.

Finalement, le foyer compte trois niveaux. Près de l’entrée, la grande chambre de Sigurd, au même étage que celle de ses parents, a été pensée par sa maman comme un lieu apaisant, propice à l’imagination. Un point auquel elle est sensible de par son activité professionnelle. En plus d’un coin bureau en bois clair, elle a privilégié des teintes blanche et bleu pâle très douces.  » Je voulais obtenir une ambiance calme en contraste avec le plastique et les couleurs vives inévitables des jeux pour enfants « , justifie-t-elle. Les personnages énigmatiques en laine d’alpaga, chers à sa griffe, peuplent bien sûr l’antre du gamin. Leur font écho des masques étranges ramenés de voyage et posés à côté d’un fanion pirate fabriqué à partir d’une branche de bois flotté.

Les 80 m2 de départ n’ont donc pas empêché les occupants de disposer chacun de leur propre périmètre, tout en conservant un grand espace central lumineux encourageant les moments en famille, y compris à l’heure de la préparation des repas grâce à une cuisine ouverte. Comme ce lundi matin ensoleillé où Sigurd, installé sur la grande table de la salle à manger, s’empare avec malice des beaux crayons de sa maman occupée à peaufiner un nouveau dessin pour la collection de Lucky Boy Sunday.

PAR MURIEL FRANÇOISE / PHOTOS : STELLAN HERNER

 » Nous n’aimons pas l’accumulation, nous ne faisons une place qu’aux coups de coeur.  »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content