Catherine Pleeck

Autrefois simples objets de protection, les lunettes solaires sont devenues un accessoire de mode incontournable. Un ticket d’entrée pour le haut de gamme. Que n’hésitent plus à agiter pratiquement toutes les maisons de luxe.

Il y a eu les foulards. Puis les chaussures et les sacs à main. C’est maintenant au tour des lunettes solaires de constituer l’accessoire de mode par excellence, sur lequel misent les marques de luxe. Elément marquant : si cela fait quelques saisons que les premières solaires de maisons de prêt-à-porter ont débarqué en devanture des opticiens, pratiquement toutes les griffes ont depuis pris le train en marche. Dernières en date à s’être engagées dans cette tendance ? Jil Sander, Proenza Schouler, Marc by Marc Jacobs ou Paul & Joe. Même le chausseur Jimmy Choo s’est lancé dans l’aventure. Et seront aussi de la partie, dès la prochaine saison, John Galliano, Tod’s, Hoganà

 » Aujourd’hui, les lunettes font partie intégrante d’une collection, souvent dans un esprit de total look, considère Dario Bassetti, directeur international du marketing et des licences pour Sàfilo, qui fabrique notamment les solaires d’Armani, Yves Saint Laurent, Balenciaga, Gucci et Dior. On les voit également plus souvent sur les catwalks des marques les plus célèbres. C’est un must-have indispensable pour toute fashionista qui souhaite soigner son style.  »  » Le it product du moment « , confirme-t-on chez Chanel, l’une des toutes premières maisons à avoir compris l’intérêt de ce nouvel eldorado.

 » Il s’agit d’un accessoire très reconnaissable. La première chose que l’on voit, quand on rencontre quelqu’un, clame Isabelle Moes directrice de Marcolin Benelux (Dsquared2, Cavalli, Montblancà). Il suffit que la princesse Maxima des Pays-Bas porte les dernières lunettes Tom Ford pour que nos ventes s’envolent.  » Idem quand Daniel Craig chausse les montures du même créateur, dans le dernier James Bond. Portées tout à la fois par people et quidam, les solaires constituent un vecteur de publicité efficace. En outre, leur prix – de 150 à 500 euros – permet l’accès à l’univers du luxe, pour une somme (relativement) abordable. Les lunettes noires représentent même la deuxième entrée vers les marques haut de gamme, après le parfum. Si ce n’est que le degré de visibilité et de reconnaissance d’un effluve est nettement plus limitéà

Âmes s£urs

Dans ce marché hautement concurrentiel et soumis à la récession, toutes les maisons de prêt-à-porter ne réussiront sans doute pas à s’installer durablement. Il n’empêche, les chiffres de vente sont en hausse, et la marge de progression reste importante.  » Les solaires de luxe représentaient, en 2007, 14 % de la valeur des ventes dans le secteur de l’optique, calcule Estelle Madet, analyste marketing chez GFK Conseil France. En 2008, elles atteignaient 18 %.  » Quant aux fabricants de lunettes – Luxottica, Safilo et Marcolin -, ils se frottent les mains : leur chiffre d’affaires a également progressé de plusieurs pour cent, entre 2007 et 2008.

Cet engouement pour les solaires de luxe s’explique en grande partie par un changement des mentalités :  » Le consommateur n’achète plus seulement des lunettes pour se protéger du soleil, constate Florent Carrière, directeur général du groupe Alain Afflelou. A côté de la qualité, il recherche aussi le design, un objet esthétique du dernier cri. Et de ce point de vue, ce sont les marques de luxe qui dictent la tendance.  » Si ces dernières ont conclu un contrat de licence avec un fabricant de lunettes, elles continuent néanmoins à avoir le dernier mot dans toutes les décisions.  » Certaines marques ont un bureau de style en permanence chez nous, précise Fabien Gribaudo, directeur commercial de Luxottica en Belgique (Chanel, Dolce & Gabbana, Versace, Pradaà). Car il importe de bien réfléchir à la confection d’une solaire, pour que son style soit en adéquation avec l’âme de la marque. Comme tout autre accessoire de mode, le respect des tendances est primordial.  » La création d’une ligne de solaires peut ainsi être un travail de longue haleine. Celle de Tod’s, par exemple, a mis deux ans pour recueillir l’agrément de la marque.

Subtile référence

Pour coller au plus près à la mode, les marques de luxe multiplient de plus en plus le nombre de modèles conçus chaque année. Il est bien loin le temps où l’opticien n’avait que quelques montures solaires, cachées dans un tiroirà  » Auparavant, la sélection des produits vendus chez nous avait lieu deux à trois fois par an, confie Cyril Perchey, responsable achats pour GrandVision. Le renouvellement des achats est depuis beaucoup plus fréquent, pour avoir des stocks qui suivent la tendance au plus près. Par ailleurs, nous avons un service marketing qui veille à donner aux marques de luxe assez d’espace et de visibilité. Leurs lunettes sont dès lors mises en valeur dans des corners spéciaux. « 

Le look des montures a aussi évolué, avec le temps. La tendance est actuellement aux formes oversize et looks rétro (lire l’encadré ci-contre). Mais aussi aux accessoires plus discrets. Terminés, l’abondance de strass, l’effet bling-bling et les gigantesques logos, placardés sur les branches.  » L’extravagance des débuts, nécessaires pour faire connaître une marque, laisse place à davantage de subtilité, informe Ignace Fransman, président de l’association professionnelle des opticiens et optométristes de Belgique. Burberry, par exemple, a placé le motif de son célèbre tartan à l’intérieur des montures.  » Chez Tom Ford, seuls les aficionados pourront repérer que la lettre T, couchée sur la monture, renvoie au créateur américain. Quant à Chanel, la référence à la marque se fait maintenant tout en finesse :  » Tous les éléments d’identification – la petite pastille avec le double c, le camélia, la chaîne, le matelassé en cuirà – sont réinterprétés de façon discrète, explique Bruno Pavlovsky, président des activités mode de Chanel. La collection Perle, lancée en 2008 avec des perles véritables, est ainsi un vrai succès dans le segment luxe haut de gamme. Quant à la dernière collection Denim, en cours de lancement, elle est aussi très bien accueillie. Nos clientes aujourd’hui recherchent avant tout les valeurs sûres. Elles veulent de la création. Sans luxe ostentatoire.  »

Catherine Pleeck

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