Son folk fruité Paradise a rythmé l’été, son minois nature et sa voix assurée diffusent des parfums de fraîcheur non feinte. Avant la sortie de son album inaugural en 2013, gros plans sur la Bruxelloise Noa Moon, 21 ans et tous ses talents.

Elle a fini sa deuxième année en Cinéma, option Caméra, à l’Inraci, à Bruxelles, en présentant les examens de juin entre deux concerts. Elle vient néanmoins d’abandonner ses études pour se consacrer intégralement à la musique.  » On en parlait depuis un bout de temps avec mes parents, ils ont soutenu ma décision.  » La veille de notre rencontre, Manon De Carvalho Coomans – Noa Moon donc – a signé un contrat pour plusieurs disques chez Atmosphériques (1), label français dirigé par le Belge Marc Thonon, derrière les succès de Louise Attaque, Charlie Winston et Abd Al Malik. Elle n’est pas encore dans l’£il du cyclone, mais appréhende déjà les brusques changements de température provoqués par le succès. Nature Noa !

Lorsque vous aviez 10 ans, votre voix était alors plutôt garçonne !

Oui, récemment, je me suis vue sur des vidéos de vacances et toutes les filles de mon âge avaient une voix plus aiguë, sachant monter plus haut que moi, ce qui ne me donnait pas envie de chanter. Petite, j’aimais les Indiens, les trucs nature, j’avais des poupées mais aussi quelque chose du garçon manqué !

Vous n’étiez pas une fille manquée…

Je sentais juste que je n’étais pas intégrée – c’est peut-être un grand mot parce que jamais je n’ai été malheureuse – mais je ne ressentais pas le besoin d’être comme toutes les filles de mon âge, la mèche, le pull, le look. Je prenais le bus qui desservait le Collège Cardinal Mercier ( NDLR : une école du Brabant wallon) et on me faisait des remarques… Mais je n’étais jamais la copine déprimée, j’étais là pour remonter le moral, cela fait partie de moi, comme de ne pas avoir su dire non pendant longtemps. J’étais la gentille Manon, j’étais marrante aussi (sourire). Jamais, je n’ai eu ce besoin de ressembler aux autres – les moutons – à la limite c’était l’inverse : vers 16-17 ans, je portais des sarouels (sourire) et j’écoutais pas mal de reggae. Genre qui est toujours dans ma musique actuelle…

Noa Moon, c’est de la feel good music ?

Je ne la considère pas comme telle. Comme tout le monde, j’ai eu des chagrins d’amour mais il fallait se remettre debout, j’avais 16 ans et cela a donné River (2). Un autre titre de mon EP, One More Night, parle justement du fait qu’il faut arriver à avoir à nouveau confiance en soi. Sur Paradise, plus reggae, les paroles s’inspirent de la musique. Ce premier CD a encore des teintes très jeunes, l’album sera plus mûr. Sans être moralisatrice – ce serait hautain -, je ne me prends pas la tête pour n’importe quoi, il faut arrêter de s’accrocher à des trucs futiles.

Racontez-nous vos débuts musicaux…

Entre la 3e et la 6e primaire, j’ai suivi des cours privés de guitare, j’apprenais les notes sans le solfège. À la maison, mon père écoutait de la pop, j’ai usé le Live In Central Park de Simon & Garfunkel, comme les albums des Beatles, après avoir récupéré son tourne-disque à la cave. Ma mère était davantage chanson française, très Cabrel. Quand j’ai fait la première partie de Laurent Voulzy il y a quelques semaines à Namur, cela m’a fait quelque chose même si je ne suis pas fan dans l’âme de sa musique. Mon premier vrai déclic a été chez les guides, en voyant mes chefs jouer, je me suis remise à la guitare et à partir de là, j’ai tout appris via Internet. L’anglais est venu par les Beatles et l’option Langues à l’école, à la Vallée Bailly à Braine-l’Alleud.

Sur la pochette de River, EP de six titres sorti en avril dernier, vous ne vous ressemblez pas : on dirait la petite nièce chiffonnée de Björk, pâle et décoiffée sous le flash blanc !

On voulait avoir une double facette : livrer une fragilité mais aussi quelque chose de moins lisse, de plus rugueux, de plus mûr. Ma grand-mère n’aime pas l’image (sourire). Noa Moon est un anagramme partiel de Manon Coomans, je l’ai trouvé en créant mon MySpace en janvier 2011, c’est resté. C’est mon personnage de scène.

Êtes-vous la Selah Sue wallonne ?

Ah non ! Je suis la première fan de Selah Sue mais n’ai rien à voir avec elle, sauf le fait d’être belge, d’être une fille plus ou moins du même âge ( NDLR : Selah Sue a deux ans de plus que Noa Moon) et de jouer de la guitare. Je suis dans un registre beaucoup plus folk, il y a davantage d’électronique chez elle. Et là, je vais m’acheter une guitare électrique, une magnifique Fender Stratocaster blanche ! Quant à l’identité wallonne, j’ai grandi dans la périphérie flamande de Bruxelles, dans une famille francophone, et même si je n’habite pas vraiment à Bruxelles (3), je me considère comme bruxelloise…

Belge aussi ?

J’ai joué à Londres, en août dernier, pour les JO, lors d’un concert organisé par la Sabam à la Belgium House. On m’a demandé trois ou quatre de mes morceaux auxquels j’ai ajouté la reprise de Little Numbers de Boy – l’un de mes groupes préférés – avec les musiciens du Laatste Show, une émission de la VRT. Là, j’ai senti que j’appartenais à un pays, presque émue avec cette médaille de bronze de la judokate Charline Van Snick décrochée le jour même. Me retrouver là, rien qu’avec des Belges, était assez intense, je n’avais jamais eu ce genre de sensations par rapport au pays.

Quel genre de sensations physiques engendre chez vous la scène ?

Avant le concert, je gère mais c’est l’horreur : les trois dernières minutes sont insupportables, je dois absolument me concentrer. Ce n’est pas aussi facile que cela de monter sur scène et d’offrir une bonne prestation, de ne pas chanter automatiquement les paroles : c’est mon projet, je guide le groupe et ai donc une responsabilité envers Fabio Zamagni, le batteur, et Sébastien Colette, le bassiste, deux super musiciens. Je me souviens que juste avant le concert de LaSemo en juillet 2011, je ne voulais pas m’enfuir mais y aller tout de suite.

Le stress, est-il un composant naturel de la musique ?

Avant, j’étais tout le temps stressée. Je suis quelqu’un qui réfléchit trop, du genre à remuer trente fois les questions : depuis que je fais de la musique, cela disparaît, j’ai l’impression d’être totalement sereine. La musique a augmenté mon niveau de confiance, elle m’a débloquée…

Comment imaginez-vous les mois qui viennent : la sortie de l’album, les enjeux ?

Je vois très clairement la pression qui se met en place autour de moi et de mes musiciens via mon management, mes labels belge et français : il y a de plus en plus de monde derrière moi par rapport au moment où je composais seule dans ma chambre. J’ai arrêté les études parce qu’en 3e, à l’Inraci, je devais faire trois mois de stage et je ne me voyais pas interrompre la musique pendant tout ce temps-là… Déjà les examens de juin, c’était la panique : il y avait le blocus mais je devais faire des interviews, je ne savais plus définir mes priorités. Mes parents me soutiennent à fond et m’ont dit de foncer dans la musique : ils se rendent compte que je ne joue pas seule dans des bars le soir, que je suis bien entourée et que je suis signée. Là, j’ai mes cachets de concerts mais il faut au moins un an avant de gagner correctement ma vie et que l’engrenage fonctionne.

La musique est aussi une forme de compétition : beaucoup d’appelés, peu d’élus. Il faut inévitablement séduire, au-delà des chansons…

Je ne veux pas être la plus belle, mais moi-même : j’essaie d’être naturelle mais en concert, je dois me maquiller, me faire jolie, ce n’est pas une contrainte. Sur scène, on est passé au scanner, et dans un festival, il y a toujours un type bourré pour crier  » À poil  » (sourire) : je joue de la guitare pour ne pas l’entendre. Certains garçons sont sous le charme et viennent me le dire.

Et si on vous proposait de faire un duo ?

À part avec Feist que j’adore, je choisirais Paolo Nutini : j’aime tous ses morceaux.

Qu’est-ce qui vous fait craquer chez un homme ?

Rien de vraiment spécial, c’est plus au niveau de l’attitude. Le premier contact est essentiel : je ne supporte pas les ongles dégueulasses ou mal coupés (…), le look compte aussi, je n’aime pas trop les types qui ne prennent pas une douche par semaine (rires). J’aime bien ceux qui repassent leurs vêtements…

Comme votre père ?

On a tous un truc d’îdipe (sourire). J’ai besoin de quelqu’un d’honnête, de gentil. Je pense que je tombe plutôt amoureuse d’une personnalité que d’un physique.

Comment vous voyez-vous à 30 ans, c’est-à-dire dans moins de neuf ans ?

J’espère être épanouie, je le suis déjà, ne pas avoir la grosse tête ni me prendre la tête. Les gens fonctionnent beaucoup avec les chansons du moment, de l’été… Des enfants ? Je ne me pose pas trop la question, tout arrivera au moment où il faut, les deadlines ne servent à rien. J’espère être toujours dans la musique, c’est difficile d’arriver à durer, cela fonctionne aussi en étant modeste. Je crois avoir fait les bons choix : les décisions sont toujours un coup de poker. On dépend des gens et des médias, rien n’est jamais acquis. Cet été, je suis arrivée à écrire pas mal de nouvelles chansons pour le futur album, ce qui montre que je peux fonctionner sous la pression, tout en me disant  » Éclate-toi ! « .

(1) En Belgique, Noa Moon reste signée chez les indépendants de Team 4 Action, distribution Pias. (2) L’EP River est distribué par Pias, www.myspace.com/noamoonmusic . (3) Noa Moon partage une maison près de Bruxelles avec son boyfriend et son manager.

PAR PHILIPPE CORNET

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