Aspirés par le tourbillon du nomadisme ambiant, certaines boutiques jouent désormais la carte des apparitions furtives pour mieux séduire les foules.

Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, vers 9 h 45,

dans l’émission  » Bonjour quand même « , de Jean-Pierre Hautier, sur La Première (RTBF radio).

Il y a vingt-cinq ans à peine, il fallait une chambre entière pour stocker ses dix mille chansons préférées. L’écoute des vinyles relevait alors de la cérémonie religieuse dans un temple inamovible dédié au seul plaisir musical. Depuis, l’iPod a vu le jour : un objet pas plus gros qu’un paquet de cigarettes et qui offre l’extraordinaire opportunité de transporter avec soi toute sa discothèque digitalisée. Quelques pressions du doigt et hop, le morceau désiré apparaît instantanément parmi des milliers de choix disponibles en poche. S’il est un gadget qui résume à lui seul la tendance nomade définitivement ancrée dans nos comportements citadins, c’est bel et bien celui-là. Certes, le téléphone portable  » tout en un  » (qui combine les fonctions d’agenda, d’appareil photo et de console de jeux) s’impose lui aussi comme l’objet mobile par excellence, mais l’iPod présente, quant à lui, l’énorme avantage de visualisation immédiate : une pièce remplie de disques posée dans le creux de la main. Bref, ce n’est plus un secret pour personne : l’exploit perpétuel de miniaturisation informatique permet aujourd’hui une vie de plus en plus allégée (mais finalement immatérielle puisque tout peut s’effacer en un seul bug) et dans ce constat de mobilité grandissante, les produits de consommation courante suivent facilement le mouvement. Qu’il s’agisse des repas adaptés aux différents moments de la journée (vive les kits petits déjeuners prêts à l’emploi), de vêtements transformables selon les circonstances (vive les  » sacs-robes du soir  » d’Aleksandra Paszkowska), voire même du domptage de la saleté diversifiée (vive le syndrome de la lingette volante), tout semble désormais voué à l’hégémonie du transport facilité. Légitime, ce désir de nomadisme exacerbé suscite cependant de nouvelles initiatives surprenantes dans le domaine commercial. Ainsi, pour séduire un client constamment mobile, les magasins se veulent, eux aussi, de plus en plus nomades. En clair : ces endroits habituellement sédentaires s’entêtent désormais à surprendre le passant en apparaissant et disparaissant comme par magie l’espace de quelques jours seulement. Titillés dans leur curiosité, les consommateurs répondent volontiers à cet appel furtif qui joue avant tout la carte de la nouveauté et de l’exclusivité passagère. Depuis peu, aux Etats-Unis comme au Japon, quelques labels pointus ont donc adopté ce concept d’occupation éphémère d’un lieu pour mieux surfer sur la vague du marketing de l’instant. Suivant l’exemple de la formule américaine Vacant û une boutique fantôme de produits exclusifs qui surgit de temps à autre aux quatre coins du monde ( www.govacant.com) û, les supporters du commerce de luxe itinérant squattent momentanément un entrepôt désaffecté, une galerie d’art réputée, voire un bureau en chantier. Objectif avoué : créer l’événement commercial dans un environnement traditionnellement figé. Emportés dans leur mouvement perpétuel, les nomades mordent rapidement à l’hameçon et finissent même par rechercher en priorité ces boutiques résolument sautillantes. Avec, évidemment, leur téléphone autour du cou et l’iPod enfoui dans la poche…

Frédéric Brébant

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content