Ainsi, l’homme ne serait plus que l’ombre féminine de lui-même. Manucuré, épilé, quand ce n’est pas carrément maquillé comme une voiture volée, il aurait capitulé devant l’ennemie. La vaisselle ne lui arracherait plus des cascades de soupirs et les enfants ne seraient plus perçus comme le prix à payer pour la paix conjugale.

Tolérant, sensible, ouvert au dialogue et impliqué dans l’éducation de sa progéniture, l’homme nouveau ressemblerait étrangement à une… femme. Un peu trop au goût des néomachos, ulcérés par ce crime de lèse-virilité.  » Tous des hommelettes « , fulminait il y a quelques mois Eric Zemmour dans un pamphlet,  » Le Premier sexe  » (Denoël), écrit à la première personne du masculin. Dans cette réponse musclée du berger à la bergère de Beauvoir, le journaliste exhortait les béliers égarés à relever la tête, sous peine de finir dans une vitrine du musée de… l’Homme.

Ultime convulsion d’une minorité réac ou émotion légitime d’une espèce en voie d’extinction ? Porté par son élan, le féminisme aurait-il mis l’homme au pas ? Difficile de nier une féminisation des m£urs. Esthétique, comme en témoignent ces boutiques dédiées à la beauté masculine ou cette ligne de slips rembourrés aux fesses lancée par Dim. Mais aussi psychologique si l’on en juge par l’inclination des jeunes générations à partager naturellement le fardeau des tâches ménagères.

Même quand il se pique de renouer avec les  » stéréo-types  » d’antan, comme c’est le cas dans la mode cet hiver, l’androgynie n’est jamais loin. Les collections unisexes fleurissent en même temps que les identités se brouillent. Bref, les cow-boys n’ont plus la cote, sauf s’ils dissimulent des montagnes de tendresse dans leurs santiags, comme les personnages de  » Brokeback Mountain  » (2006), le chef-d’£uvre d’Ang Lee.

S’il y a clairement convergence des valeurs, y a-t-il pour autant domination ? Oui, répond la juriste Marcela Iacub. Parce que la femme, sous couvert de réparer tout le  » mâle  » qu’on lui a fait, oublie de préciser qu’elle détient dans son jeu une carte maîtresse : le pouvoir d’enfanter. L’empire du ventre se serait ainsi substitué à la tyrannie du phallus.

A moins qu’on assiste tout simplement à un rééquilibrage, avec ses frictions et ses dérapages inévitables. C’est la thèse du sociologue Alain Touraine, développée dans  » Le Monde des femmes  » (Fayard). Preuve que la suprématie féminine est toute relative, certaines forteresses du machisme restent imprenables. On peut même postuler, à la suite d’Elisabeth Badinter, que la colère, l’amour, la compassion et même la maternité n’ont pas de sexe prédéfini. De sorte que désexualisation ne rime pas nécessairement avec abdication. La femme peut très bien incarner l’autorité comme l’homme, la douceur.

Avec le temps, chacun trouvera sans doute sa place sur la carte des genres, sans renier ses racines.  » Jeune demoiselle recherche un mec mortel « , chante Diam’s. Ni trop macho ni trop chiffe molle de préférence…

Laurent Raphaël

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