Vous n’avez plus fait parler de vous depuis quatre ans. Que s’est-il passé durant cette période?

Je suppose que mon succès m’a nui. Devenir une sorte d’image d’Epinal du rap n’a pas plu à tout le monde. Pour certains, c’était comme une trahison. Comme si tout ce que je dénonçais dans mes textes ne pouvait plus avoir de crédibilité. J’étais le vendu, celui qui était passé dans l’autre camp. On me voyait comme un opportuniste qui s’était servi de la banlieue pour se faire une place dans la jet-set. En plus, la presse  » people  » s’est penchée sur mon cas. Cela n’a pas arrangé les choses. J’ai vraiment passé quatre années difficiles. Tout était contre moi, sans que je sache vraiment ce que j’avais fait. Heureusement, je n’ai rien tenté. Je suis resté tranquille et j’ai vaqué à mes occupations sans vouloir changer le monde.

Cette période en demi-teinte vous a-t-elle incité à envisager votre propre mort sur le titre  » Solaar pleure « ?

Partiellement, oui. Jusqu’à présent, j’avais une image de frère  » rappe-doux  » de la musique. Mes textes n’étaient jamais agressifs. Ils dénonçaient sans rentrer dans le chou de tout le monde. Cette violence, qui est en chacun de nous, est chez moi enfouie très très loin. J’ai voulu l’exprimer, faire quelque chose de plus tragique. Mais comme on ne peut pas

complètement trahir sa nature, je l’ai retournée contre moi en imaginant ma mort. C’est un travail que tout le monde devrait faire. Se demander qui viendra, qui pleurera, est pénible, mais fait naître beaucoup de pensées. Et aussi des certitudes.

On dit que vous passez vos journées devant la télé ?

Avant, c’était vrai. Mais, maintenant, je n’ai plus le temps. Cela m’inquiète parce que mes textes sont nourris de références antérieures. Quand je devrai écrire sur les années dans lesquelles j’évolue maintenant, je me demande où j’irai puiser mon inspiration. Mais bon, je ne m’inquiète pas trop parce que mon mode de vie a changé et ma méthode de travail n’est plus la même. Je sors beaucoup et le matin, je me trouve toujours un petit bar dans lequel je lis l’actualité, les faits divers. Ça m’inspire. J’ai l’impression de faire mon minimum syndical.

Sur la pochette de votre album et tout au long du livret qui l’accompagne, on vous voit dans des décors africains. Quel lien vous lie-t-il à ce continent, vous qui êtes fils d’exilés ?

Mon but était de renouer avec mes racines africaines. J’ai grandi en France, ce qui m’en a éloigné. Mes seuls liens étaient la musique que ma mère me faisait écouter et les tournées que j’y ai faites. Ce sont d’ailleurs ces tournées que j’ai entreprises avec le chanteur Ménélik et d’autres rappeurs qui m’ont donné envie d’approfondir cet aspect de mon histoire. On a fait douze pays d’Afrique et ça a été un véritable déclic. J’en étais arrivé à un point où cette appartenance manquait à mon existence. J’en avais assez que l’on m’identifie à la pierre, à la banlieue, j’appartiens au sable du Sahel. Je suis un fils de l’Afrique.

Alors que les textes de beaucoup de rappeurs sont souvent machistes, les vôtres prennent ouvertement la défense des femmes.

Le fait d’avoir été élevé par ma mère n’y est sûrement pas étranger. En plus, j’ai une soeur dont je me sens proche. Les femmes sont donc très présentes dans ma vie. A l’école, je ne draguais pas les filles, j’étais toujours le bon copain. Celui à qui on dit tout.

Propos recueillis par Michel Verlinden.

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