Les oufs de poisson font éclore de nouveaux goûts. Et des façons colorées de les déguster. Les recettes de Weekend pour des Pâques savoureusement japonaises.

Une assiette de spaghettis al dente parsemés de pousses de shiso hachées. Sous les filaments verts, les pâtes sont habillées de petites billes orange pâle.  » Mentaiko « , nous dit-on. Des £ufs de cabillaud, salés et pimentés, délicatement iodés et diablement savoureux. Une spécialité devenue japonaise après avoir été  » empruntée  » au répertoire coréen. Nous sommes à table chez Mitsuko Zahar, Japonaise de naissance, Parisienne d’adoption, journaliste et auteur culinaire, adepte d’une cuisine de l’archipel sous influence. Ravie de pouvoir se fournir en mentaiko et tarako – la version nature, qui accommode des petits légumes mijotés dans les épiceries nipponnes de Paris, elle est intarissable sur le sujet.  » Les £ufs de cabillaud, d’éperlan ou de saumon ont toujours eu une place de choix dans notre cuisine, très portée vers la mer. Et puis leur côté miniature et précieux colle bien au raffinement esthétique de nos petites bouchées. « 

Les voici qui s’invitent à nos tables occidentales. Cela d’autant plus que le caviar est en mauvaise posture. L’esturgeon dont il est issu est en voie de disparition, la mer Caspienne est dépouillée, la production restante est infime, en bref, c’est un mythe dont seul demeure le prix : entre 5 000 et 6 000 euros le kilo l’automne dernier, soit une augmentation de 40 % en un an pour le vrai caviar sauvage iranien. Dès les années 1970, il avait eu droit à son succédané : à l’instar du foie gras et sa mousse de canard, le caviar a eu ses £ufs de lompe, ou lump, pour faire plus russe. Un poisson sans grand intérêt de l’Atlantique Nord, dont les £ufs, saumurés, colorés en rouge amarante ou en noir brillant, étaient noyés sous les exhausteurs de goût et autres conservateurs. Heureusement, depuis quelques années, apparaissent de nouveaux candidats qui veulent être de la fête, sans se prendre pour du caviar pour autant. Pas d’imposture possible :  » Le prix sait rester accessible et il n’est pas question de chercher à rivaliser avec le goût, la magie et la longueur en bouche du caviar « , confirme Serge Beaumont, directeur commercial de Dom Petroff, la filiale de Petrossian chargée de la commercialisation de ces  » autres £ufs de poisson « .

Parmi les produits qui ont connu un franc succès ces cinq dernières années, il en est un séculaire, la poutargue, parfois surnommée  » caviar de la Méditerranée « . Ces £ufs de mulet séchés, conservés sous une couche de cire, dont on détaille des tranches fines ou que l’on râpe sur des pâtes ou des £ufs brouillés, n’est qu’une cousine éloignée de la famille  » caviar and co « , du fait qu’elle ne se présente pas fraîche en saumure. Le neuf vient surtout des £ufs  » frais « .

Chef star de Sydney, le Japonais Tetsuya Wakuda brandit en guise de signature dish un tartare de truite de mer aux £ufs de truite. Ces derniers n’ont pourtant qu’un succès confidentiel en Occident, alors que leur saveur est particulièrement subtile. Champions toutes catégories de l’épate culinaire, les £ufs de poisson volant. Un nom planant, des couleurs étonnantes (vert pomme au wasabi, orange au gingembre ou noirs à l’encre de seiche), une texture croquante et des origines exotiques (ce sont les £ufs de l’exocet, un poisson connu pour sa capacité à bondir au-dessus des flots), ils ont tout pour exciter les palais curieux.

Courants au Japon, leur pays d’origine, sous le nom de tobiko, les flying fish roes déferlent sur toutes les tables fusionnantes de Californie et de New York. René Fieger, du restaurant Umami, à Strasbourg, s’en sert comme contrepoint d’un tartare de langoustines à la crème de sésame et gelée de mangue, et Christophe Dufau, chef des Bacchanales, à Vence, les associe à du lait d’amande dans un amuse-bouche très réussi. Chez Roka, excellente table nippomoderne de Londres, ils entrent dans la composition d’un plat culte, un rice hot pot à la chair de crabe. Bien entendu, ces £ufs peuvent également être servis sur canapés ou blinis. Il en va de même pour les £ufs de hareng. Qui, eux, sont encore assez rares.

Elvira Masson

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