Elle est mi-danoise, mi-péruvienne, ex-top model, photographe, ambassadrice pour Oxfam et aujourd’hui créatrice pour Kipling. Un C.V. sans clichés.

On ne saura jamais si elle avait rêvé d’être Miss Danemark (1986). Un battement de cils qui trouble un instant ses yeux vert viridien, un ange qui passe et Helena Christensen qui dit :  » Je ne crois pas que l’on devrait parler de cela.  » Parce que répéter  » les mêmes trucs ennuyants que l’on peut lire sur Internet ou dans les journaux « ,  » oh my god « , ce serait mieux pas. Elle a raison, laissons tomber ce que l’on sait déjà – sa carrière de super top model dans les nineties, ses couvertures pour Vogue et les autres, ses compagnons célèbres, notamment Michael Hutchence, chanteur de INXS, et tout ce qui va avec. Si elle est là, aujourd’hui, dans cette maison de poupée du vieux quartier juif de l’East Village londonien, à se faire coiffer, sèche-cheveux pleine puissance, avant make-up et habillage, c’est pour parler de sacs.

Elle qui est sur la route depuis vingt-sept ans et qui a, au moins, deux maisons, aux Etats-Unis et au Danemark, sait de quoi elle parle quand il s’agit de lever le camp.  » Ce serait cool si je pouvais y apporter ma patte « , a-t-elle pensé quand Kipling lui a proposé de créer une petite collection de futurs it bags. Voilà qui est fait, avec imprimé rose ou dentelle, cuir noir ou naturel, jour ou grand soir,  » quelque chose qui a à voir avec moi « . Donc avec la photographie, puisque Helena Christensen, entre autres choses, fait usage du Polaroid, de l’argentique et,  » à 50 % « , du numérique, pour shooter la nature, des gens, des vêtements, pour le plaisir ou pour le boulot. Rien de dilettante. Si elle a commencé par figer des instants, c’est parce que sa vie d’alors était si  » intense « , si  » chaotique  » – être mannequin, c’est beaucoup d’heures d’attente, de vols intercontinentaux et de kilomètres de catwalk -, à multiplier par dix quand on est dans le top ten et que les années 90 battent leur plein. Simplement, elle en voulait une trace, un album-souvenir comme preuve de l’existence de ces instants-là.

Plus tard, il y aura une première photo révélatrice, celle qui lui fera prendre conscience que oui, peut-être, elle est aussi photographe. C’était à Cuba, il y a quinze ans, elle venait de terminer un shooting pour un magazine de mode, elle a changé de registre et plongé dans la mer avec le mannequin et son Polaroid – toujours quand il s’agit de l’intime.  » La jeune fille semblait un peu effrayée, comme si elle était au milieu de l’océan, sans personne, et sur son visage, la peur de ce qui l’entourait, au-dessus et en-dessous d’elle…  » Helena Christensen n’a appuyé qu’une seule fois sur le déclencheur, nagé jusqu’à la plage, attendu avec  » excitation  » que l’image sorte du néant sur ce bout de papier carré, ce fut comme si elle avait  » gagné au Lotto « . La part de mystère d’un être que vous avez perçue le temps d’un instant, c’est cela que, depuis, elle recherche. Et quand elle ne scrute pas les âmes, elle cadre la nature, parce qu’elle aime  » les photos abstraites, les lignes et les cercles, tout ce qui ressemble à de l’organique et qui me surprend « . Le mieux étant encore de  » mixer les deux « , des portraits en extérieur et la voilà aux anges. Mais pas vierge : elle a étudié in vivo, avec Herb Ritts ou Peter Lindbergh, qui surent si bien la photographier, elle et sa  » force « , elle et sa  » vulnérabilité « , dans l’ordre. Elle a aussi appris des anciens, ceux qu’elle admire,  » des photographes old school « , Irving Penn, Robert Frank, Edward Weston, Diane Arbus, Mary Ellen Mark…

Dans ses clichés, il y a, elle le reconnaît et c’est sans forfanterie,  » une atmosphère « ,  » de la mélancolie « . Est-ce parce qu’elle travaille quasi  » en silence  » que, lorsqu’elle portraiture, elle sent  » ce que l’autre ressent « , qu’il y a quelque chose de l’ordre de la  » télépathie « , que chacun épouse alors  » les émotions, les petits mouvements  » de l’autre, comme  » une danse très belle  » ? Ou alors parce que, c’est Montherlant qui le disait,  » il n’y a pas de grande destinée sans un peu de mélancolie  » ?

PAR ANNE-FRANÇOISE MOYSON

Plus tard, il y aura une première photo révélatrice.

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