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Une paire de fesses, nues. Un pantalon baissé. Une femme tigresse qui griffe et mord, avec gourmandise, ce petit cul viril et bien musclé. Sulfureuse, l’image vante les créations du chausseur britannique Patrick Cox. Chaud show. Même magazine de mode, quelques pages plus loin : une amazone du xxie siècle chevauche un mec à plat ventre, hilare. Elle le tient par la queue (de cheval) et s’apprête à le scalper sans le moindre état d’âme. Pub signée Diesel, la célèbre marque de fringues italienne. Dans les deux cas de figure, le mâle semble subir, avec plaisir. Scandaleux, révoltant, politiquement incorrect ? Pas du tout. Là où les bien-pensants verront l’apologie de l’homme-objet et les féministes un juste retour de flammes, les modérés opteront, quant à eux, pour une vision moins radicale de la situation, tempérée sans être pour autant consensuelle. Une espèce d’équilibre où les deux sexes sont enfin égaux devant le désir et le plaisir. Une relation mûre et raisonnée où le suffixe  » -objet  » n’a plus rien de tabou. Car, après tout, pourquoi ce parallélisme avec une chose inanimée est-il nécessairement péjoratif dans un corps-à-corps qui se veut autant réfléchi que romantique ? J’en connais, moi, des mecs qui ne demandent pas mieux que d’être des  » objets « , ne fût-ce qu’une seule fois par semaine ! Soit. Au-delà de la pudibonderie, il faut plutôt voir derrière ces images, somme toute commerciales, une nouvelle vision de l’homme en devenir. Un homme qui absorbe certains codes dits féminins sans être pour autant soumis et/ou homo. Bref, un homme féminisé et pourtant hétéro. Dans le secteur de la mode et de la beauté, le constat est d’ailleurs flagrant. Les réflexes de soins masculins muent et les m£urs vestimentaires évoluent. Jadis l’apanage des gays, les cosmétiques pour mâles grignotent en effet des parts de marché ( lire pages 90 à 98) et les bijoux ostentatoires gagnent sans cesse des points au c£ur des défilés Homme. C’est même l’une des tendances phares de cet automne-hiver 2005-2006 ( lire pages 13 à 24) : les bagues, les bracelets, les colliers et surtout les broches se déploient désormais, avec une coquetterie non feinte, sur les mains, les bras, les torses et les vestes des mâles. Moins spectaculaire qu’il n’en a l’air, ce télescopage du masculin et du féminin n’est, après tout, que le reflet d’une lame de fond comportementale qui submerge la société actuelle : le mélange des genres ou, plutôt, la fusion des contraires. Autrefois cloisonnées, les garde-robes des hommes et des femmes n’échappent pas au mouvement et gagnent désormais en audace et en métissage : on mixe les styles et on s’approprie l’autre sexe. Pareil pour la pub. Les clichés volent en éclats et placent les êtres sur un pied d’égalité pimenté. Mêmes fesses, même combat.

Frédéric Brébant

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