ANNE-FRANÇOISE MOYSON

Le ridicule ne tue pas. Même en mode où chacun sait qu’un fashion faux pas peut briser une réputation, ce qui, vous en conviendrez, est plus douloureux qu’une fracture de la malléole droite. Mais comme le Belge est connu pour son sens inné du surréalisme, on pensera que tout ce qu’il fait est de l’ordre du concept et que son français un peu exotique est charmant. Dès lors, quand Flamands et Bruxellois s’acoquinent pour organiser dans la résidence de l’ambassadeur une petite sauterie parisienne qui mettrait la mode indigène à l’honneur, le Français/ Japonais/États-Unien moyen ne capte pas un instant que ce qu’il entend par  » La mode belge a 25 ans  » se traduit en noir-jaune-rouge diplomatique par  » 25 ans de création en Flandre et à Bruxelles « . Pourtant, depuis un quart de siècle, le seul label qui vaille, c’est bien celui-là, parfois en anglais dans le texte – Belgian Fashion, au même titre que Belgian Chocolate.

Et c’est à une bande de jeunes gens hors normes qu’on le doit. Ils avaient eu l’audace en 1986 de traverser la Manche pour aller montrer leur collection de fin d’études à la Fashion Week de Londres. Très vite surnommés les six d’Anvers, ils s’appelaient en réalité Dirk (bis), Ann, Walter, Dries et Marina, ils avaient été formés à l’Académie royale des beaux-arts, à Anvers, ils ne savaient pas encore qu’ils ouvraient la voie à des générations de jeunes créateurs souvent têtus, toujours talentueux et vraiment inspirés. Lesquels l’ont encore prouvé  » une fois  » durant cette Fashion Week dans une Ville lumière qui n’a jamais aussi bien porté son nom et qui s’offrait le luxe de penser sans vergogne et six mois à l’avance au printemps-été 2012.

De Anthony (Vaccarello) à Van Steenbergen (Tim), on a vu, touché et même retourné des vestes et des robes qui abolissent les frontières entre couture et prêt-à-porter. De A.F. (Vandevorst) à J.-P (Knott et Lespagnard), on a voyagé aux sources de la création avec des coups de génie, des digestions, des mutations, des réappropriations – coiffes kenyanes ramenées de là-bas, poésie persane baroudeuse du XXIe siècle et silhouettes de basketteuses pour invités d’un châtelain californien. De Ann (Demeulemeester) à Véronique (Leroy), on a vibré pour ces femmes parées de pied en cap par des créatrices qui connaissent leur sujet et n’ont de cesse de travailler, et encore travailler, à construire un univers, le leur, qui entrerait en symbiose avec le nôtre. Sans concession, en toute indépendance et en se réinventant tous les six mois – c’est ça, le miracle de la mode (belge).

ANNE-FRANÇOISE MOYSON

 » LA MODE BELGE, LE SEUL LABEL QUI VAILLE. « 

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