Quoi de plus agréable, en cette froide saison, que de profiter de l’extérieur tout en restant bien au chaud ? Les architectes et décorateurs sont aujourd’hui nombreux à explorer les frontières de cet espace à mi-chemin entre maison et jardin.

S’il fait bon se mettre à l’abri dans un foyer douillet, au coeur de l’hiver, ces mois les plus sombres de l’année nous laissent aussi souvent comme un goût de trop peu côté lumière. Froid et humide, le jardin aux branches nues est hélas peu attrayant… juste au moment où nous en aurions tant besoin. C’est cette raison qui a poussé nos ancêtres à doter leurs demeures d’annexes verdoyantes. Il va toutefois sans dire que ces coûteuses chambres de verre furent longtemps un signe extérieur de richesse, réservé à quelques rares privilégiés. Le concept est apparu à l’époque victorienne, lorsque de fortunés citoyens français ou britanniques, familiers de l’Inde ou de l’Afrique, ont eu l’idée de flanquer leurs maisons d’un nouveau volume, entre serre et maison de thé. Baptisés  » conservatories « , ces véritables jardins d’hiver étaient l’endroit idéal pour bavarder autour d’une tasse de café ou d’un apéritif. La mode s’est rapidement propagée à l’Europe entière et, vers 1830, toute grande propriété se devait de disposer d’un tel salon vert pour recevoir les invités de marque. Ce succès fulgurant n’aurait toutefois jamais été possible sans un certain nombre d’innovations technologiques intervenues dans la première moitié du XIXe siècle – en particulier l’utilisation croissante du métal dans la construction, et la capacité, pour l’industrie, à fabriquer des panneaux de verre de plus en plus grands. Ces évolutions techniques ont permis la vraie percée de cette typologie de bâtiment, y compris chez nous, comme en témoignent les serres de Laeken, conçues en 1873 par l’architecte Alphonse Balat pour le roi Léopold II, ou le féérique conservatoire de l’institut des Ursulines à Onze-Lieve-Vrouw-Waver, près de Malines, érigé en 1900.

SOURCES D’INSPIRATIONS

Jusqu’il y a quelques années, il était de bon ton de séparer clairement maison et jardin. A l’heure actuelle, on remarque toutefois une tendance à l’estompement de cette limite entre  » dedans  » et  » dehors « . Dans un premier temps, ce sont les terrasses entourant l’habitation qui ont gagné en importance. Suite au regain d’intérêt pour le jardinage – et en particulier pour la culture des légumes et herbes condimentaires, stimulée par les tendances écologiques actuelles -, notre lien avec l’espace extérieur devient de plus en plus étroit. Petit à petit, la nature s’invite dans les habitations et un nombre croissant d’entre elles disposent d’une serre  » à vivre  » ou d’une véranda, qui n’est finalement rien d’autre qu’un avatar des jardins d’hiver d’autrefois et qui peut adopter une multitude de formes.

Parmi les exemples réussis, on pointera la splendide orangerie imaginée par le décorateur et antiquaire Axel Vervoordt dans son château de ‘s Gravenwezel, en province d’Anvers, qui abrite non seulement des plantes mais aussi de très beaux meubles.  » Il y a toujours un grand sofa où s’installer pour se reposer ou écouter de la musique « , explique le maître des lieux. En réalité, l’habitation dispose aujourd’hui de deux orangeries : l’ancienne, qui fait actuellement office de jardin d’hiver, et la nouvelle, salon de thé en été et espace de stockage pour les plantations fragiles, pour la mauvaise saison.

L’architecte Alex Van de Walle a imaginé une variation très personnelle sur le même thème : il a tout bonnement abattu le mur extérieur d’une pièce, à l’arrière, afin de créer un salon ouvert où recevoir ses amis même lorsqu’il fait frais ou pluvieux. A Bruges, on pointera encore l’ouvrage de style victorien de Jaak Vanderhoydonks – créateur de la boutique d’antiquités Anresto, à Lommel -, qui fait également office de salle à manger dans l’entre-saison. Ou encore les travaux de Luc D’Hulst, spécialiste anversois de la construction de  » serres à vivre  » se mariant parfaitement avec les constructions en style Belle Epoque…

A noter, enfin, que le concept inspire aussi beaucoup d’architectes contemporains, qui apprécient pleinement les qualités écologiques et esthétiques de ces lieux jouant les traits d’union gracieux entre le dedans et le dehors, la maison et la nature.

PAR PIET SWIMBERGHE

Ces coûteuses chambres de verre furent longtemps un signe extérieur de richesse, réservé à quelques rares privilégiés.

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