Pour mettre en lumière le pouvoir de transformation du maquillage, le photographe Greg Kessler a créé Model-Morphosis sur le site Internet de T Magazine.

« On voit la mode bouger sur les podiums, mais on l’observe naître en coulisse « , explique le photographe américain Greg Kessler, mardi 28 février dernier, avant de s’engouffrer dans les backstages du défilé Anthony Vaccarello, au premier jour de la Fashion Week parisienne. Ce New-Yorkais de 35 ans, barbe et chemise à carreaux, est photographe en coulisse depuis dix ans. Il y a trois ans, il crée les Model-Morphosis, friandises virtuelles attendues fébrilement chaque saison par les internautes. Pour le site de T Magazine (le supplément tendances du New York Times), il réalise ces  » métamorphoses de mannequins « , soit une superposition de deux de ses photos prises en backstage, avant et après maquillage. Greg, révélateur de beauté, est fasciné par  » les détails du processus de la mise en beauté. Avec presque rien – un sourcil brossé, un enlumineur autour de la bouche – une fille devient sublime « .

À l’aide d’un curseur, l’internaute passe sur le cliché et observe la transformation.

L’attrait de la rubrique, unique en son genre, réside dans le fait que le mannequin pose de la même manière sur les deux photos. Autant dire une prouesse, dans des coulisses survoltées.  » Il n’y a qu’une recette pour réussir le bon cliché : être sans cesse à l’affût, connaître le nom des mannequins pour qu’elles te regardent et croiser les doigts… L’ambiance est tellement électrique que tu as trois secondes au maximum pour réussir ton coup. Dès que la fille s’assied à la table de maquillage, c’est raté. Trop tard. Et mieux vaut ne pas trop insister.  » La tâche est d’autant plus ardue que, connectivité oblige, tout le monde – de l’habilleuse au mannequin – a désormais un appareil greffé au bout des doigts. Ce qui donne lieu à des scènes parfois tendues :  » Lors du défilé Alexander McQueen au Cirque d’hiver ( NDLR : en 2006), tout se déroulait dans les écuries. Les robes en fleurs fraîches trônaient dans les box des chevaux. Alexander était nerveux. On avait ordre de ne surtout pas l’approcher. J’ai eu l’impression de vivre dans un film d’espionnage. Caché dans les stalles, je jetais des coups d’£il en espérant ne pas être vu…  » Pourquoi cette passion pour les coulisses, qu’il n’a pas quittées depuis son premier show – Donna Karan -, à 15 ans ?  » Tout photographe veut raconter une histoire. On peut regarder la vie défiler devant soi de sa fenêtre ou faire partie de ce qui est en mouvement.  »

Pour obtenir ces deux portraits, Greg Kessler photographie 18 fois en moyenne.

Bien sûr, il faut être là à l’avance, demander aux coiffeurs et aux maquilleurs qui pourrait être la  » bonne  » fille. Et entretenir avec elle une relation de confiance.  » C’est plus simple lorsqu’elles me connaissent, comme Arizona Muse, que j’avais photographiée à ses débuts et puis à nouveau cette saison. Il faut les rassurer, les laisser vérifier que la photo est belle et les convaincre, puisque certaines ne veulent pas apparaître sans maquillage. D’autant plus que je photographie au plus près de la peau, sans retouches.  » Cette confiance explique une certaine discrétion –  » Je photographie des personnes, pas des machines  » – dont Greg ne se départ pas, même lorsque la pression monte ; en témoignent le petit check viril à Kanye West avant de le shooter, une bise ou un hug aux mannequins qu’il croise. Les Model-Morphosis sont nés de cet amoncellement de clichés pris en coulisses. En 2009, Greg suivait, pour le New York Times, le mannequin Chanel Iman, façon carnet de bord. Déjà, il était question de  » transformation « . Parfois, le résultat est plus surprenant que beau.  » Bien sûr, certains looks sont étranges. Mais ces maquilleurs sont des artistes, comme Pat McGrath, et ses looks extrêmes, pour Roberto Cavalli ou Dior : c’est du théâtre ! On oublie la dimension spectaculaire des défilés, car on s’arrête aux vêtements. Mais ce qui est créé, c’est bien plus important que ça. C’est de l’émotion.  »

PAR VALENTINE PÉTRY

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