Sur les podiums de Paris, comme sur les scènes des festivals d’Hyères et de Trieste, la Belgique a résolument de l’avenir. Zoom sur les jeunes talents émergents de notre plat – mais créatif – pays.

Si le Festival international des arts de la mode d’Hyères ( lire aussi pages 72 à 82) attire toujours la même foule de professionnels curieux, il existe désormais un nouveau rendez-vous de la jeune création textile qui suscite un buzz grandissant. Depuis l’an 2002, la ville italienne de Trieste organise, en effet, l’International Talent Support, un événement mieux connu sous l’appellation  » ITS# « . Comme à Hyères, le jury est composé de créateurs confirmés, de journalistes spécialisés, d’acheteurs renommés et d’autres personnalités influentes de la planète mode. Inutile de dire que la compétition est, par conséquent, fortement prisée par les stylistes en herbe du monde entier…

Ainsi, pour la première édition de l’International Talent Support logiquement baptisée  » ITS#ONE « , les organisateurs ont reçu les dossiers de plus de 450 candidats venus d’une quarantaine de pays. Parmi eux, 33 finalistes ont été retenus et le Premier Prix du Festival, baptisé  » Collection de l’année « , a été attribuée au Belge û cocorico ! û Daniele Controversio, fraîchement diplômé, en 2002, de La Cambre-mode[s]. Un an plus tard, le même scénario de rêve se répète pour l’édition  » ITS#TWO  » : parmi les 680 candidatures envoyées à Trieste, 26 heureux élus sont retenus et une Belge émerge à nouveau en tant que grande lauréate de la compétition. Cathy Pill, actuellement en cinquième et dernière année à La Cambre, a en effet séduit le jury parmi d’autres finalistes venus d’Italie, de France, de Grande-Bretagne, du Japon ou encore des Etats-Unis. Intitulée  » Inter-cuts « , sa collection architecturale aux aspects faussement historiques a été étiquetée  » avant-garde  » par les organisateurs. A 22 ans, la grande gagnante de Trieste effectue, pour le moment, un stage chez la très excentrique Vivienne Westwood et rêve déjà de fonder, le plus rapidement possible, sa propre marque de vêtements. Talent à suivre, donc.

Déjà bien récompensés aux deux premières éditions de l’International Talent Support de Trieste, les jeunes créateurs belges ne restent pas pour autant absents de la compétition hyéroise. Bien au contraire ! Ainsi, lors du dernier Festival d’Hyères qui s’est déroulé du 25 au 28 avril dernier, les  » Cambriens  » ont une fois de plus brillé par leur inventivité et leurs trophées. Quatre d’entre eux étaient présents parmi les dix finalistes retenus pour le concours (Sandrina Fasoli, Chrystl Fischer, Jeremy Dhennin et Laurent Edmond), et deux de ces heureux candidats ont été, en effet, joliment honorés. Génitrice d’une collection surprenante baptisée  » Les Tricheuses « , Sandrina Fasoli a décroché le Grand Prix de la compétition pour son approche apparemment légère mais terriblement moderne de la femme, à coups de bodys-manteaux, de vestes-jarretières et de culottes-jupes. Mieux, la jeune Cambrienne, d’origine italienne, a également partagé une deuxième récompense de prestige ex aequo avec Laurent Edmond, actuellement étudiant en dernière année à La Cambre : le Prix  » 1,2,3 « , une bourse de 15 000 euros remise par la marque du même nom et qui garantit aux lauréats la production et la distribution d’une mini-collection pour l’été 2004. Intitulée  » Loving me, houssing you « , la collection primée de ce Français de Belgique jouait subtilement avec la frontière qui existe entre la deuxième et la troisième dimension au c£ur de silhouettes éminemment rafraîchissantes.

Rendant plus que jamais hommage à l’axe Bruxelles-Hyères, établi il y a une dizaine d’années déjà, Sandrina Fasoli et Laurent Edmond perpétuent ainsi la tradition des victoires belges remportées triomphalement dans le sud de la France. Juste avant eux, Valéria Siniouchkina, diplômée de La Cambre en 2002, avait d’ailleurs raflé le très convoité Prix Henri Bendel pour sa collection audacieuse baptisée  » Omsk « . Grâce à cette récompense commerciale, l’intrigante Valéria a eu l’opportunité de vendre cette même collection dans la prestigieuse boutique Henri Bendel à New York et s’apprête désormais à présenter sa collection  » Omsk II  » à Paris, en octobre prochain, lors des défilés de l’été 2004.

Si d’autres  » Cambriens  » ont également honoré l’histoire récente du Festival d’Hyères (à l’instar de Crstof Beaufays, lauréat du Prix Mixte de l’édition 1999 et actuellement styliste pour la maison parisienne Auguste, spécialisée dans le cuir de luxe), les Anversois ne sont pas en reste dans cette compétition de prestige. Ainsi, Christian Wynants, un des rares Bruxellois diplômés de l’Académie d’Anvers en 2000, s’est également illustré à Hyères en remportant non seulement le fameux Prix Henri Bendel, mais surtout le Grand Prix du festival en 2001, récompense ultime de la compétition. Aujourd’hui, cet ancien assistant de Dries Van Noten est l’un des talents les plus prometteurs de sa génération et s’illustre désormais dans une collection éponyme qu’il présente à Paris, depuis deux saisons déjà, dans le cadre de la Semaine du Prêt-à-Porter.

Entre les éditions 1999 et 2001 respectivement auréolées des succès de Crstof Beaufays et de Chrisitian Wijnants, le Festival d’Hyères a également accordé les honneurs suprêmes, en l’an 2000, à une diplômée de l’Académie d’Anvers. Bien qu’elle soit de nationalité allemande, Anke Loh se sent quelque peu anversoise dans l’âme par sa formation, d’une part, et son séjour prolongé dans la cité flamande, d’autre part. Lauréate du Grand Prix hyérois il y a trois ans déjà, la discrète rousse germano-belge présente désormais ses collections à Paris et tente de se frayer un chemin respectable dans le calendrier surchargé des défilés. Sa vision de la femme, élégante et moderne, n’a pas encore touché de plein fouet les acheteurs et les rédactrices de mode, mais l’impact espéré ne saurait tarder.

Laboratoire vivant de la jeune création vestimentaire, l’Académie d’Anvers livre chaque année son lot de designers prometteurs qui n’hésitent plus à partir à l’assaut des festivals de mode. Diplômé en juin 2003 de la prestigieuse école flamande, Slobodan Mihajlovic était, lui aussi, présent au concours  » ITS#TWO  » de Trieste organisé cet été. S’il n’a pas décroché la récompense suprême (attribuée à la Cambrienne Cathy Pill), il a toutefois remporté l’un des prix de  » consolation  » de la compétition, en l’occurrence le trophée Maria Luisa, du nom de la célèbre boutique branchée parisienne qui lui offre, pour l’occasion, un espace dans sa vitrine d’avant-garde. A côté de Slobodan Mihajlovic, d’autres étudiants fraîchement diplômés de l’Académie d’Anvers méritent également une attention toute particulière pour l’avenir : Marijke De Cock, Eva Grommeren, Anne Pastré ou encore Marco Galovich, tous auteurs d’une mode fluide jouant intelligemment sur les couleurs vives. Espérons que leurs pas créatifs suivent le chemin emprunté par la nouvelle génération anversoise actuellement défendue par des noms tels que Haider Ackermann ou encore Tom Notte et Bart Vandebosch réunis au sein de la griffe prometteuse Les Hommes.

Si l’Académie d’Anvers et La Cambre-mode[s] focalisent généralement tous les regards lors des défilés de fin d’année, il existe toutefois d’autres écoles de mode bruxelloises qui livrent, elles aussi, sporadiquement, leur dose de talents. Ainsi, on notera particulièrement cette année Natacha Cadovici et Irma Tassi à l’Institut Saint-Luc de Saint-Gilles, Céline Collard récemment diplômée de la Haute Ecole Francisco Ferrer (Bischoffsheim) à Bruxelles, et Virginie Callebaut primée avec les honneurs du jury de l’Atelier Lannaux à Forest. Bref, cinq noms à surveiller de près pour les années futures.

Enfin, il convient de garder également à l’£il les créations audacieuses de Nathalie Demedts, diplômée elle aussi de l’Atelier Lannaux (promotion 2000) et surtout lauréate du dernier Coral Fashion Awards, ainsi que l’£uvre bon enfant du timide Willy, ex-étudiant de La Cambre et véritable ovni dans le jeune paysage de la mode belge. Tous deux développent des projets personnels assez touchants et illustrent à merveille la formule selon laquelle, plus que jamais, la Belgique a de l’avenir sur le terrain de la mode.

Frédéric Brébant

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