Sans aucun complexe, Juan Pablo Montoya se positionne déjà comme le digne successeur de Michael Schumacher. Entretien exclusif avec un pilote doué, peu loquace, mais surtout impatient de triompher.

Juan Pablo Montoya a déjà l’étoffe des héros. Beau garçon, charmeur et un zeste arrogant, il cultive avec intelligence cette petite aura d’inaccessibilité qui impressionne tant le commun des mortels. A 26 ans, le pilote colombien a déjà derrière lui une première saison de formule 1 franchement prometteuse et d’aucuns lui prédisent d’ailleurs le meilleur avenir. Tous les spécialistes automobiles s’accordent en effet à le dire : s’il y en a un seul qui peut inquiéter sérieusement l’indétrônable Michael Schumacher dans la course au titre de Champion du monde 2002, c’est bel et bien Juan Pablo Montoya. A l’aube d’une nouvelle saison qui s’annonce déjà palpitante, le fougueux pilote de l’écurie BMW-Williams a accepté de laisser quelques minutes sa combinaison au vestiaire pour répondre, avec certaines réserves, aux questions  » indiscrètes  » de Weekend Le Vif/L’Express. Interview sur les chapeaux de roue.

Weekend Le Vif/L’Express : Enfant, quelles ont été les toutes premières émotions que vous avez ressenties au volant d’une voiture?

Juan Pablo Montoya : Je ne m’en souviens pas! C’est une question très difficile. ( Il hésite) Franchement, je ne sais pas. Aussi loin que je puisse remonter dans ma mémoire, j’ai toujours aimé les voitures. J’ai fait du karting dès l’âge de 5 ans, mais franchement, j’ai beaucoup de mal à me souvenir de mes toutes premières émotions au volant d’un kart. Non, c’est très difficile à expliquer…

Pouvez-vous expliquer, en revanche, d’où vient votre passion pour la course automobile?

Cela vient de ma famille, mais personne ne m’a forcé à faire de la compétition! J’aime ça, c’est tout! C’est comme si vous me demandiez pourquoi j’aime les femmes. Personne ne m’a forcé non plus à les aimer. Je les aime! Un point, c’est tout! Cela ne s’explique pas.

Le plaisir de conduire est-il toujours intact aujourd’hui?

Oui, bien sûr! J’adore conduire les voitures. Sinon, je ferais autre chose.

Etes-vous fier de votre première saison en formule 1? Avez-vous toujours le sentiment d’attendre votre heure?

Ce n’est pas une attente! Je sais que je peux gagner si tout va bien. Le fait est que j’ai été très malchanceux en 2001. Vous savez, c’est très décevant d’être subitement lâché par sa voiture alors que tout va bien. C’est vraiment très frustrant mais je l’accepte parce que ça fait partie du jeu. On ne peut rien y faire. Mais les choses vont changer. Espérons-le!

Vous semblez en tout cas très sûr de vous pour la saison 2002…

On va voir ce qu’il va se passer cette saison. C’est très difficile à dire.

Quelles sont vos priorités lorsque vous êtes en piste? Accordez-vous plus d’importance au mental ou au physique?

Les deux sont très importants. Ils sont complémentaires et je ne me risquerais pas à privilégier l’un par rapport à l’autre. Je dirais même qu’il faut s’investir à 100% en mental et à 100% en physique pour affronter une course.

Comment résistez-vous, si jeune, à la pression de la formule 1? Quel est votre secret pour rester serein par rapport aux médias, à l’agent, à la célébrité?

A vrai dire, je n’y pense jamais. J’arrive au circuit, je conduis la voiture, je fais la course et puis, c’est fini! Je ne pense jamais à cette pression dont vous parlez.

Cela semble difficile à croire! En peu de temps, il y a quand même eu de grands changements dans votre vie. L’argent que vous gagnez désormais ne vous monte-t-il pas la tête?

( Légèrement énervé) Non, pas vraiment.

Mais que répondez-vous aux gens qui estiment que les pilotes de Formule 1 gagnent trop d’argent?

Je pense qu’ils sont jaloux. ( Silence) C’est tout ce qu’ils m’inspirent. Je ne pense pas que beaucoup de personnes puissent faire ce que nous, pilotes, sommes capables de faire. Nous poussons les voitures jusqu’à l’extrême limite, nous risquons notre vie à chaque tour de piste, et c’est pour ces raisons que nous gagnons très bien notre vie. C’est pareil pour un champion de football. Bon, il ne risque peut-être pas sa vie à chaque match, mais ce qu’il fait avec un ballon, la grande majorité des gens ne peuvent pas le faire. Moi non plus d’ailleurs! Il est donc normal que ce footballeur soit aussi très bien payé. C’est pareil pour vous, les journalistes. Certains animateurs-vedettes gagnent aussi des sommes folles. C’est normal. Ils font bien leur job. Toute personne qui a du talent et qui l’exerce avec brio se doit d’être payé en conséquence. Les gens qui ne comprennent pas cela sont tout simplement jaloux du talent des autres.

En course, vous arrive-t-il de penser à la mort lors d’une manoeuvre audacieuse?

Je ne pense jamais à ça. Si, en pleine course, vous commencez à penser à la mort, alors vous mourrez! C’est tout.

Mais n’éprouvez-vous jamais la moindre peur?

Non! Vous savez, on ne peut pas changer le cours de choses. Moi, je pense au contraire qu’il faut profiter pleinement de chaque instant de la course autant que l’on peut, parce qu’on ne sait jamais ce qu’il peut arriver.

Certains pilotes avouent volontiers respecter certains petits rituels avant la course pour se sentir à l’aise. Et vous, êtes-vous superstitieux?

Non, pas vraiment. La seul rituel que j’ai, c’est que j’entre dans ma voiture toujours de la même façon. Et puis, on m’a aussi appris à boucler ma ceinture d’une certaine manière. Mais à part ça…

Faites-vous plutôt partie alors de ces pilotes croyants qui s’en remettent à Dieu?

C’est vrai que je crois en Dieu. Il m’arrive d’ailleurs de prier parfois avant la course, mais je reste persuadé que chacun est maître de son destin. Je veux dire par là qu’il ne faut pas s’attendre à ce que tout vous tombe entre les mains, que vous soyez croyant ou pas. Il faut travailler dur pour obtenir ce que l’on veut. C’est aussi simple que ça. Moi, j’ai beaucoup travaillé.

Etes-vous fier de votre ascension?

Fier? Je ne sais pas. Pour moi, ce qui arrive est tout simplement normal. J’ai travaillé beaucoup pour avoir ce que j’ai voulu. C’est comme cela que ça marche. Ce n’est pas une question de fierté.

On dit de vous que vous êtes sympa, beau garçon, riche et célèbre. Cela doit être facile pour vous de séduire les filles…

( Indifférent) Je ne sais pas. J’ai une petite amie et je suis plutôt heureux. Alors…

L’idée de fonder une famille est-elle compatible avec la carrière de pilote de formule 1?

Il m’arrive en effet de penser à fonder une famille. Mais je ne raisonne pas en termes de plan de carrière ou de vie de famille. C’est un tout. Le jour où j’aurai envie de me marier, je me marierai. Je ne vais pas commencer à me dire :  » Oui, mais par rapport à mon métier, ce serait bien que…  » Non! Et puis de toute façon, c’est une question très personnelle.

Comment expliquez-vous qu’il n’y ait aucune femme pilote en formule 1?

Je ne sais pas. Il y en a eu quelques-unes dans le passé, mais il est vrai que la formule 1 est surtout un monde d’hommes. Je suis sûr que les femmes pourraient nous égaler en ce domaine, mais physiquement, cela reste un sport très très dur, très exigeant.

Que détestez-vous dans la formule 1?

Tout ce qui est politique. Vous savez, il y a pas mal de politique en jeu et on ne s’en rend pas toujours compte. Mais on ne peut rien y faire!

Et les rumeurs sur les pilotes? La presse à scandale?

Beurk! Je m’en fous!

Vous êtes originaire de Colombie mais vous vivez aujourd’hui à Monaco. Vous sentez-vous toujours Colombien à 100%?

Oui, bien sûr! Vous savez, j’ai vécu là-bas jusqu’à l’âge de 18 ans. Ma famille vit aujourd’hui à Miami, mais je retourne deux à trois fois par an en Colombie. Et ce n’est pas parce que j’ai choisi de vivre à Monaco que mon pays ne me manque pas. En vérité, il me manque beaucoup. Je pense franchement que je représente quelque chose de bien pour la Colombie, d’autant plus que mon pays n’a pas toujours une bonne image aux yeux du monde. D’ailleurs, là-bas, certaines personnes me considèrent comme une espèce de héros national. Je ne peux pas rester indifférent à cela.

Propos recueillis par Frédéric Brébant

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