Les restaurants new-yorkais haut de gamme se disputent aujourd’hui la palme du Hamburger superstar. Le plus copieux, le plus goûteux et le plus coûteux… Qui de tous emportera ce nouveau challenge ?

Carnet d’adresses en page 114.

T hat’s New York ! Que l’on ait affaire à un restaurant italien, français, belge, mexicain ou à un véritable  » Diner  » américain, le hamburger est bel et bien le plat le plus  » fancy  » du moment. Toute la presse locale, du tabloïd  » New York Post  » au prestigieux  » New York Times  » , est absorbée par le phénomène. La ville la plus chère et la plus innovante du monde est, en effet, envahie par une nouvelle vague de  » Burgers de luxe  » depuis que les plus hautes toques de Park Avenue et de l’East Side ont ravivé la flamme pour le sandwich symbole de l’American Way of Life.

Un Hamburger  » périgourdin  »

La petite histoire veut que ce soit le grand chef français Daniel Boulud qui ait lancé la fièvre du hamburger le plus onéreux de New York. L’homme était aux fourneaux quand un journaliste du  » New York Times  » est venu l’interroger sur ce qu’il pensait de José Bové, de McDonald’s et de l’incompréhension culinaire transatlantique.  » Je lui ai dit que je rêvais d’un hamburger franco-américain « , raconte-t-il. Le journaliste l’a pris au mot :  » Et que mettriez-vous dedans ? » Le défi était lancé. Le premier prototype imaginé par Daniel Boulud contenait 23 ingrédients.  » Nous avons confectionné nous-mêmes les buns, les petits pains. On a mis un peu de parmesan dessus et de petites graines d’oignon. J’avais un plat de côtes braisées au vin rouge (douze heures de marinade). J’ai effiloché la viande et je l’ai liée dans une petite brunoise de légumes.  » Pour parfaire le tout, Daniel Boulud a ajouté du foie gras,  » rôti avant et pris au milieu de la viande « , puis une tomate  » confite au four avec de l’ail et du thym  » et de la mayonnaise au raifort… Les premiers convives ont raffolé.

Actuellement, DB Burger représente 40 % des ventes du DB Bistro Moderne, le troisième établissement du chef français chéri des Américains. Cette brasserie contemporaine, située à l’intersection des quartiers de la mode et des théâtres, au c£ur de New York, ne désemplit pas. Les employés des maisons d’édition toutes proches, de Condé Nast à Hachette Filipacchi, apprécient le décor moderne en bois Wengé sur fond couleur cerise, rafraîchis par des larges photos de dahlias blancs.

La recette franco-américaine a immédiatement défié la chronique pour son prix, qui surpasse tout ce qui avait été osé précédemment en matière de hamburger haut de gamme. Le DB Burger au foie gras est tarifé 50 dollars (38,50 euros) pièce, soit 60 dollars (46 euros) avec le service. A la saison des truffes fraîches, le prix du plat peut caracoler jusqu’à 100 dollars (77 euros). Mais, attention, les gros appétits seront déçus : les proportions se rapprochent plus de la nouvelle cuisine que des standards américains.

Le critique gastronomique du  » New York Times « , William Grimes, a pris le dossier très au sérieux. Selon lui, le hamburger de Daniel Boulud est  » impressionnant  » et même  » absolument délicieux « . Mais, en même temps, il est  » sans grand intérêt « .  » M. Boulud a montré qu’un hamburger américain peut être amené à parler français. Bravo ! Et après ? » a-t-il lancé.  » Un bon hamburger n’a pas besoin d’artifices « , renchérit Diane Biederman, chargée des relations publiques au 21 Club, une institution dans le monde des affaires new-yorkais depuis trois quarts de siècle. Le titre de  » hamburger le plus cher  » de la ville a longtemps été détenu, il est vrai, par celui du chef Eric Blauberg… du 21 Club (voir recette ci-dessus ). Agrémenté de graisse de canard, de thym et de marjolaine, ce burger  » classique  » est aujourd’hui modestement facturé 26 dollars (20 euros) aux hommes d’affaires qui viennent le déguster dans cet endroit cosy et confidentiel. Il reçoit même les faveurs du célébrissime et richissime Donald Trump, plus gros propriétaire immobilier de New York, qui le déguste une fois par semaine.

Les commérages à New York vont bon train et certains prétendent que la recette inventée par Daniel Boulud ne serait qu’une farce pour damer le pion à un autre chef en vue. Peu de temps avant la  » création  » du DB Burger, Marc Sherry, le propriétaire du plus vieux  » steakhouse  » de New York, le Old Homestead, avait dévoilé un hamburger à 41 dollars (31,60 euros). Le sandwich û deux fois la taille d’un hamburger normal û est cuisiné à base de b£uf de Kobé. Pour obtenir une viande d’une tendresse inégalée, les bovidés, élevés dans la ville japonaise, reçoivent une nourriture sélectionnée. Ils sont abreuvés de bière. Et, dans des étables où l’on diffuse de la musique pour leur éviter tout stress, ils sont massés afin d’attendrir leurs chairs,  » Nous utilisons des ingrédients tout ce qu’il y a de plus cher. Nous voulons satisfaire entièrement notre clientèle exclusive « , déclare Luis Acost, responsable du Old Homestead, assis confortablement dans un large fauteuil de cuir dans le sombre lobby de ce restaurant historique.

Une recette vieille comme le monde

Quel que soit son prix, le hamburger fait l’unanimité parmi les Américains depuis son apparition au début du xxe siècle. Qu’il s’agisse de manger à l’extérieur, ou d’inviter des amis à un barbecue, il est considéré outre-Atlantique comme un plat sain et complet, qui satisfait tous les palais. Le mot hamburger est utilisé pour la première fois dans un journal de Washington au tournant de l’année 1900. Il désigne un bifteck consommé en grande majorité par les immigrés allemands originaires de la région de Hambourg, d’où le nom  » hamburger « . De ce port d’Allemagne part, dans le dernier tiers du xixe siècle, le plus grand nombre d’émigrants pour l’Amérique. Le steak de b£uf haché est le principal plat servi à bord des bateaux de la Hapag, la ligne maritime qui relie Hambourg aux Etats-Unis. Le hamburger y est, sinon le steak du pauvre, du moins l’expression de la vie simple que l’on mène à bord.

Le voyage du hamburger ne s’arrête pas aux ports du Nouveau Monde. Il se poursuit sur la terre ferme et se fraie un chemin vers l’Ouest en passant par New York, la région des Grands Lacs, Chicago, les Etats du Dakota, de l’Iowa, du Colorado jusqu’en Californie. D’abord, il rappelle aux nouveaux immigrants le pays et les souvenirs ; puis, très vite, il devient, au contraire, le signe de l’adaptation à la nouvelle patrie. Au cours du siècle, son mode de consommation changera : il sera préparé haché et agrémenté d’oignon et de poivre.

La popularité du hamburger décolle vraiment après la Seconde Guerre mondiale, avec la naissance des chaînes et des  » drive-in « . Dans son ouvrage  » Le Paradis du hamburger : l’histoire illustrée du hamburger « , l’auteur Jeffrey Tennyson suggère que l’attraction fatale pour le hamburger remonte bien auparavant… A un âge reculé de l’humanité, quand l’australo- pithèque a découvert, presque par accident, la saveur de la viande de bison braisée sur un lit d’herbe sèche.

La plus vieille recette du monde joue désormais aussi la carte du hype. Chez Pop Burger, ouvert il y a à peine un an, tout est conceptuel : les Baby Burgers tiennent facilement dans la main et sont adaptés aux bouches les plus délicates. Le logo et le design, réalisés par le jeune architecte Ali Tayar, sont apparus dans les magazines de décoration les plus en vogue. La revue  » Wall Paper  » l’a désigné comme un  » manifeste en matière de design « . Le fast-food s’ouvre le soir sur un espace lounge pour continuer la nuit en musique autour d’une impressionnante liste de cocktails. That’s New York !

Elodie Perrodil

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