En trente-cinq ans, la figurine Playmobil® n’a pas pris une ride. ni un millimètre ! Son look a évolué mais son sourire est resté le même. Reflet d’un bonheur 100 % plastique.

Parfois la récession a du bon. C’est en tout cas ce que doivent se dire aujourd’hui les patrons de la société allemande Geobra Brandstätter. Si personne ne connaît le nom de cette entreprise familiale longtemps spécialisée dans la fabrication de tirelires, de caisses enregistreuses et de balances miniatures pour enfants, c’est à d’autres jouets de son catalogue qu’elle doit sa réputation désormais planétaire. En trente-cinq ans, pas moins de 2,2 milliards de figurines Playmobil® sont sorties de ses usines. Une success story – racontée jusqu’au 3 janvier prochain, au Musée du Jouet de Malines (1) -, qui avait pourtant mal commencé.

Nos drôles de petits bonhommes de 7,5 cm de haut sont nés de l’imagination d’un ingénieur chargé, non pas d’inventer le jouet du siècle, mais de réaliser des économies drastiques. La crise pétrolière des années 70 entraîne une flambée des prix des matières synthétiques. Une tuile quand on est dans le plastique ! Entre 1971 et 1973, Hans Beck planche alors à ses heures perdues – son boss ne croyait pas trop à l’idéeà – sur des petites poupées pour garçons. Des ouvriers de la construction, des chauffeurs de camion, des maçons, mais aussi des chevaliers. Les premiers univers présentés à la Foire internationale du jouet de Nuremberg en 1974 connaissent un succès immense depuis lors jamais démenti. L’armure a beau changer d’allure, le plaisir de jouer, lui, reste éternel. Quant au design du personnage – un modèle du genre si l’on en croit Les classiques Phaidon du design, la  » bible  » du secteur, qui a sélectionné le petit bonhomme parmi ses 999 icônes – il n’a fait l’objet, en trente-cinq ans, que de quelques modifications mineures.

 » A partir de 1981, les mains ont été articulées et ont pris la couleur de la peau, rappelle Alain Hellebaut, directeur commercial de Playmobil® pour le Benelux. La taille de base est toujours restée la même, mais on a ajouté des enfants de 5,5 cm puis des bébés de 3,5 cm.  » Et peu à peu des animaux, des véhicules, des bâtiments sont venus compléter le monde selon Playmobil® qui compte désormais plus de 650 figurants.  » Tous souriants. Même les méchants « , poursuit Alain Hellebaut. Encore faut-il s’entendre sur le terme, car la marque a toujours refusé de développer des univers violents, préférant mettre en avant des valeurs positives et universelles que des modes souvent éphémères. Ici, si l’on trouve des pirates, ils ne sont pas  » brandés  » Disney. Mais directement inspirés par le courrier et les dessins d’enfants envoyés aux studios de création.  » Hans Beck – hélas décédé en janvier dernier – ne travaillait pas autrement, précise Alain Hellebaut. Demandez à un gamin de dessiner un visage : il vous griffonnera une tête toute ronde, deux yeux et une bouche. C’est ce qu’il a reproduit sur toutes nos figurines. « 

Pour tester le marché, Playmobil® propose aussi depuis 1995 des  » séries spéciales  » : soit des petites boîtes, douze par an, contenant un personnage et quelques accessoires. Ce cadeau idéal – pas trop cher – pour une fête d’anniversaire est aussi le moyen rêvé de mesurer l’intérêt pour un nouveau thème, comme les sirènes, les fantômes, les Egyptiens ou les Romains, avant de travailler à plus grande échelle. Des pièces collectors que s’arrachent aussi de plus en plus d’adultes. Si certains recherchent avant tout les boîtes vintage des premières années, non ouvertes de préférence – elles se négocient sur eBay à plus de dix fois leur prix d’origine età le prix d’un jouet neuf d’aujourd’hui – d’autres achètent tout ce qui leur passe sous la main pour créer, à partir de ces pièces, leur propre décor fabuleux.  » Dans notre cave, nous avons mis en scène sur 10 m2 un immense parc aquatique que nous avons accepté de prêter au Musée du Jouet durant toute la durée de l’exposition, explique Claude Hegel, donc la collection personnelle compte plus de 10 000 pièces. Comme beaucoup, nous avons commencé à acheter des Playmobil® pour nos trois enfants. Et nous n’avons pas cessé depuis. « 

D’autres passionnés, comme le designer brésilien Rafael Morgan, ont choisi de s’inspirer des pièces qui composent les personnages pour imaginer d’autres objets : il détourne ainsi la forme aisément reconnaissable du  » casque  » de cheveux des hommes en une coque de fauteuil de bureau ultracontemporain, montée sur un pied à roulettes qui rappelle les couronnes des princesses Playmobil. Sur le site dirtycream.com, on trouve aussi des colliers signés Le monde de Julie faits à la main à partir de personnages customisés. Plus décalées encore, on peut voir sur la Toile des reconstitutions de tableaux célèbres – comme La Ronde de Nuit de Rembrandt -, version Lilliputiens de plastique ! Preuve qu’il n’y a pas d’âge pour se raconter des histories. Stars des salles de jeux, icônes de style et de demain, vedettes people ? Un dessin animé, murmure-t-on, serait en préparation.Il ne manquerait plus dans ce cas qu’un module  » Playmobil® fait son cinéma « , doté d’un coffret  » Cérémonie des Oscars  » en primeà.

(1) www.speelgoedmuseum.be

Isabelle Willot

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