De Fortaleza dans le Nordeste aux méandres du Rio Camara dans le Nord du Brésil, découverte d’un littoral où belle nature et endroits branchés se suivent sans jamais se ressembler. Rendez-vous brésilien et inédit dans un éden aux senteurs de caipirinha…

Situé, comme son nom l’indique au nord-est du Brésil, cette immense région (grande comme une fois et demie la France) déploie, entre Fortaleza et São Luís, des paysages de toute beauté. Une terre vierge, sauvage et préservée, où les routes ne sont encore que des pistes ensablées, où l’on vit de la pêche et du petit artisanat, où l’on se nourrit de  » feijão  » (haricot noir) et de  » farofa  » (farine de manioc), où les hamacs font office de lits et où l’on chausse, à l’année, une simple paire de tongs. Comme si les affres de l’urbanisation s’étaient arrêtés net à l’orée de cette vaste contrée, à l’authenticité inégalée mais dont la faible industrialisation en fait l’un des Etats les plus pauvres de la République fédérale du Brésil (le salaire moyen atteint difficilement les 350 reals par mois, soit environ 127 euros). Néanmoins, l’essor récent du tourisme, notamment sous l’impulsion du gouvernement Lula, tend à modifier la donne, insufflant au Nordeste une énergie nouvelle et faisant surgir, çà et là, restaurants typiques, hôtels de charme et stations branchées…

A 300 kilomètres au nord de Fortaleza, dans l’Etat de Ceará, Jericoacoara est un coin de paradis posé au bord de l’océan, dans un parc national de 8 416 hectares. Pour y parvenir il aura fallu plusieurs heures de bus, de 4×4 ou de buggy parmi de vastes plaines lunaires et désertiques. Ici, pas de routes ni de grandes bâtisses. Mais des ruelles ensablées, des paillotes élégantes, des palmiers en abondance, des bars agrémentés de transats et des  » pousadas  » ouvertes, pour les plus sélectes, sur la grève de sable fin. Un bijou d’exotisme dont la jeunesse dorée s’est emparé depuis qu’un article du  » Washington Post  » l’a classé parmi les dix plus belles plages au monde.

Dès la haute saison, l’ancien village de pêcheurs voit désormais affluer les adeptes de glisse, de farniente et de soirées endiablées, qui s’emploient à perpétuer les traditions locales, quitte à les revisiter un peu… Comme grimper, chaque jour, au sommet de la dune pour y admirer le coucher de soleil et s’offrir des sensations vertigineuses, juché sur un surf des sables. Ou, encore, s’y retrouver le soir du réveillon pour sabrer le champagne et rendre hommage à Iemanja, la déesse de la mer, en sautant dans les vagues tout en prononçant ses v£ux.  » Pour le premier de l’an, tout est réservé six à douze mois à l’avance, souligne Pat Gateau, dont le délicieux fondant au cacao a fait la réputation de son restaurant Chocolate. Dire qu’il y a encore quelques années, les habitants n’avaient pas l’électricité…  » Voilà, sans doute, pourquoi il subsiste à  » Jeri  » cette simplicité, ce charme intemporel, qui nous accompagne, encore, longtemps après.

Toujours en direction du nord, on parvient, entre les Etats de Piauí et de Maranhão, au delta de Parnaíba. Changement de décors. La nature se fait alors exubérante et marécageuse. Unique embouchure en mer ouverte sur les continents des Amériques, l’endroit abrite près d’une centaine d’îles, dont celle de Caju que l’on rejoint à bord d’un canot à moteur. Avec ses 100 km2 plantés de mangroves, de forêts, de champs, de dunes et de marais, l’endroit, classé réserve écologique depuis 1997, pourrait bien être le refuge d’un Robinson. Un véritable sanctuaire où l’on admire cerfs, renards, macaques, tatous, tamanoirs, tortues marines ainsi que plusieurs centaines d’espèces d’oiseaux, tels les tisserands et les ibis rouges. Mais, attention, âmes sensibles s’abstenir ! Les villas de l’unique  » pousada  » offrent refuge, le soir venu, aux grenouilles, araignées, cafards, lézards, chauves-souris et autres spécimens inquiétants. Mais contre toute attente, l’expérience se révèle salutaire et… exaltante.

De retour sur la terre ferme, le 4×4 rejoint, sur les pistes cabossées du Maranhão, Ponta do Caburé, une bande de sable située entre l’Atlantique et le fleuve Preguiças. Deux univers en un ! D’un côté, les vents violents et les rouleaux impétueux de l’océan. De l’autre, le clapotis des bateaux et la rivière en guise de lac. Ils sont une cinquantaine installés, ici, à l’année, vivotant de l’artisanat et de la pêche, surtout en hiver, lorsque les rives sont les plus poissonneuses. Certains débarquent alors pour la saison, jetant leurs éperviers et séchant les prises de la journée sur les toits des bicoques, construites pour l’occasion, en bois et en feuilles de palmier. Commence alors une lutte acharnée contre les assauts du sable et de l’océan. Caburé n’est, hélas, qu’un paradis éphémère. D’ici à vingt ans, cet atoll, large de 200 mètres seulement, disparaîtra, submergé par les flots. Les habitants le savent bien. Mais qu’importe !  » Il arrive qu’en sautant de mon hamac, le matin, je me retrouve les pieds dans l’eau, raconte, amusée, la jeune Carmen. Ici, tout est simple et authentique. Une fois qu’on y a goûté, on ne veut plus en repartir.  »

Un univers entre terre et mer

Il ne faut qu’une heure en bateau pour rejoindre Barreirinhas, une petite bourgade de 30 000 âmes qui affiche, avec le développement du tourisme, des airs de stations balnéaires. En témoigne sa nouvelle jetée bordée de restaurants et de canots de plaisance… Loin des ruelles poussiéreuses du centre-ville où se côtoient, dans un désordre coloré, passants, charrettes, mototaxis, étals de fruits et stands de poissons séchés. Une escale typique et rafraîchissante avant d’atteindre, en 4×4 ou en avionnette, le Parc des Lençois, une gigantesque mer de sable s’étirant sur 150 000 hectares et dont le mouvement délicat donne l’illusion d’un drap blanc immaculé posé sur la forêt. Superbe jeu de formes, d’ombres et de lumières, le spectacle, presque chimérique, laisse pantois. Mais c’est à la saison de pluies (entre janvier et juin) que le site offre son visage le plus fascinant. Lorsque les sillons et les vallées creusés parmi les dunes se transforment en une multitude de lacs aux reflets verts et bleus, où l’on se baigne dès les premiers jours de l’été. Seul au monde.

Ultime étape du périple, à l’embouchure du delta de l’Amazone : l’île de Marajó. Une destination qui se mérite : compter, au départ de Belém, plus de quatre heures de trajet à bord d’un ferry, d’un 4×4 puis d’un canot à moteur. Mais quelle merveille ! C’est en son c£ur, parmi savanes, mangroves et forêts luxuriantes, que Marajó dévoile sa richesse. Plantée au milieu des palmiers, la  » fazenda do Carmo  » est un nid douillet dans la pampa. Avec ses murs de bois blanc, ses fenêtres à persiennes, ses vieux bibelots, ses rocking-chairs et ses portes ouvertes aux courants d’air, la ferme de Claudio semble sortie d’un autre temps. Voilà douze ans qu’il accueille, avec sa femme Circe, des hôtes venus, pour la plupart, observer les buffles. Ils sont des milliers à prospérer dans les exploitations, dépassant même le nombre des insulaires, estimé à 450 000. L’approche de l’animal n’en est que plus privilégiée. Surtout quand vient le moment délicat de se hisser sur son dos, pour une balade avec les vachers. A l’instar de la police montée qui lutte, depuis vingt ans, contre le vol du bétail.  » Le buffle, c’est le 4×4 de l’île, s’enorgueillit Antonio Dourado, responsable de cette étonnante maréchaussée. Il est robuste, résiste aux fortes chaleurs et parvient à s’immiscer dans les milieux les plus marécageux.  »

La nuit tombée, il faut s’élancer en pirogue sur les méandres du Rio Camara et découvrir la faune, imperceptible et silencieuse, qui s’ébat sur les berges. A profusion. Ici, caïmans et piranhas. Là, paresseux et serpents venimeux. Partout : hérons, toucans, cormorans, iguanes, ragondins et singes hurleurs. L’Amazonie n’est décidément plus très loin. Les jaguars et les anacondas non plus. Mais cette aventure au c£ur de la jungle mythique vaut, à elle seule, un autre voyage.

Marion Tours

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