Le secret le mieux gardé de Suisse ? Ses nombreux musées d’horlogerie ! Un patrimoine culturel unique à découvrir au fil d’un voyage de 5 jours qui séduira aussi les amoureux de nature et d’architecture.

1. Schaffhouse

Notre périple commence à la frontière allemande, au nord-est du pays, dans une petite ville animée sur les bords du Rhin. Le centre-ville médiéval, aujourd’hui interdit à la circulation, figure parmi les mieux conservés de Suisse ; il est rehaussé d’une forteresse du xvie siècle ainsi que de maisons de corporations et d’habitations bourgeoises à pignons et fresques extérieures. Centre industriel, Schaffhouse compte des entreprises dans des secteurs aussi variés que la construction mécanique et la biotechnologie. C’est aussi la seule ville de cette partie du pays à accueillir une société de l’envergure d’ IWC. L’ International Watch Company, fondée en 1868, qui emploie plus de 600 travailleurs, a ouvert un musée dès le début des années 90. L’espace d’exposition actuel date de 2007 : plus de 200 montres de gousset et bracelets-montres mécaniques, des écrans interactifs plurilingues et des extraits sonores racontent l’histoire de l’horlogerie locale dans deux salles élégantes et bien éclairées. On y découvre notamment des montres de poche novatrices du xixe siècle qui indiquent l’heure sous forme numérique dans des fenêtres, ainsi qu’Il Destriero Scafusia de 1993, un chef-d’£uvre de mécanique avec ses 700 composants intérieurs et ses 21 fonctions.

IWC Museum, 15, Baumgartenstrasse. Entrée 6 CHF, fermé le dimanche et le lundi. Seule la visite à la manufacture doit être réservée (20 CHF). Tél. : + 41 52 635 65 65. www.iwc.com

Le plus : la plus grande chute d’eau d’Europe se trouve à un jet de pierre de Schaffhouse. Vous pouvez vous y rendre en empruntant le bac ou le bateau-mouche, ou contempler le Rheinfall de la rive, assis sur un banc. www.rheinfall.ch

2. Winterthour

Contrairement à Schaffhouse,  » Winti  » attire peu de touristes. Pourtant, son musée de la photographie et son musée de l’art sont d’envergure internationale, et on y trouve partout des terrasses par temps ensoleillé. L’ancien centre de l’industrie ferroviaire suisse et des secteurs lourds ne laisse pas son patrimoine industriel à l’abandon. C’est ainsi que les usines à proximité de la gare ont été reconverties pour former l’aire Sulzer, un quartier moderne de magasins et de lieux de sortie. Dans le centre, le musée des arts appliqués et du design abrite la collection d’horlogerie Kellenberger qui réunit toutes les horloges murales, de plancher et de table possibles et imaginables du xvie au xviiie siècle, aux côtés de cadrans solaires et d’autres instruments pré-mécaniques de mesure du temps. Le guide audio plurilingue ne met en lumière que les éléments majeurs de la collection, mais les pièces étant disposées librement, les superbes boîtiers des horloges font à eux seuls grande impression.

Gewerbemuseum, 14, Kirchplatz. Entrée 5 CHF, fermé le lundi. Tél. : + 44 52 267 51 36. www.uhrensammlung.ch et www.gewerbemuseum.ch

Le plus : déguster un bon verre de vin ou un déjeuner à l’italienne dans le jardin du restaurant Bloom, à l’ombre de l’hôtel de ville. Tél. : + 41 52 265 03 65. www.bloom.ch

3. Zurich

Après avoir passé une journée dans les montagnes suisses, le contraste est saisissant quand on foule l’élégante Bahnhofstrasse de Zurich – une des rues commerçantes les plus chères au monde (lire aussi notre city-trip à Zurich en pages 6 à 11). Une trentaine de boutiques, notamment le flagship store d’Omega, y attendent les mordus d’horlogerie. Mais c’est le sous-sol de Beyer qui retient notre attention. Ouverte par la famille éponyme d’horlogers, cette enseigne spécialisée en montres et joaillerie est la plus ancienne de Suisse. La collection privée qui y est présentée regorge d’horloges Renaissance richement décorées et d’autres curiosités. Les tintements incessants qui s’échappent des merveilles exposées font oublier le manque de cachet des vitrines.  » Ce n’est pas un musée technique à finalité didactique, explique Monika Leonhardt, commissaire de l’expo, historienne de l’art et maîtresse des lieux, tout en montrant un rouge à lèvres avec horloge incorporée datant des années 40. Les pièces sont avant tout choisies pour leur beauté et leur singularité.  » On citera comme exemple le Pendule Sympathique d’Abraham-Louis Breguet de 1808 (un pendule sur lequel se place une montre de poche, qui est automatiquement remontée et synchronisée) et la Rolex Oyster Perpetual de sir Edmund Hillary, pionnier du mont Everest.

Uhrenmuseum Beyer, 31, Bahnhofstrasse. Entrée 8 CHF, ouvert en semaine, l’après-midi. Tél. : + 41 43 344 63 63. www.beyer-ch.com

4. Bienne

Après un trajet de près de 120 kilomètres, nous entamons notre deuxième journée au pied du massif du Jura, dans la ville bilingue de Bienne (en allemand, Biel). Le siège de la Fédération de l’industrie horlogère est devenu, pendant la seconde moitié du xixe siècle, un centre florissant d’instruments de précision et de micromécanique, et aujourd’hui encore, le secteur horloger reste un grand pourvoyeur d’emplois. Rolex y fabrique ses montres, et c’est aussi la base arrière du groupe Swatch qui, avec près de vingt marques de montre et autant de fournisseurs de pièces détachées, est le plus grand groupe horloger au monde. Omega, qui appartient également au groupe, y a rouvert son musée en mai dernier, après l’avoir rénové. Comme l’histoire de l’entreprise est émaillée de moments symboliques et de figures emblématiques, la collection du musée invite au rêve. Les visiteurs peuvent y admirer les montres d’Albert Einstein et de Thomas Edward Lawrence (Lawrence d’Arabie), des bijoux créés pour les cours royales, des horloges de la saga James Bond ainsi que des prototypes uniques. Les montres Speedmaster, qui ont participé aux expéditions lunaires de la NASA, sont accompagnées de tenues d’astronaute et d’une station de commandement, tandis que les premières caméras d’arrivée et les panneaux de contact illustrent l’histoire olympique de la marque.

Musée Omega, 96, rue Stämpfli. Entrée gratuite, ouvert en semaine sur rendez-vous. Tél. : + 41 32 343 92 11. www.omegawatches.com/spirit/history/museum

Le plus : le centre-ville historique date du début du xiiie siècle. Un endroit agréable pour prendre un verre ou déjeuner.

5. Saint-Imier

Sur la route vers notre première halte dans le Jura, le massif montagneux qui forme la frontière entre la Suisse et la France, le paysage est tantôt sauvage, tantôt idyllique. Une pittoresque ascension mène à Saint-Imier, un ancien village agricole dont l’horlogerie a, dans une large mesure, façonné le destin. Dès 1720, des ouvriers à domicile y confectionnaient des pièces détachées pour les horlogers de la région, mais la véritable mutation du village s’est produite un siècle plus tard. Grâce aux ateliers d’inventeurs tels que Léon Breitling et Edouard Heuer, le nombre d’habitants a grimpé de 800 à 8 000. À la fin du xixe siècle, la moitié de la population travaillait dans l’horlogerie. Depuis les années 70, le nombre d’habitants a quelque peu diminué, mais le secteur n’a pas disparu, comme en témoigne Longines, qui, depuis ses débuts en 1832, a produit plus de 34 millions de montres. Le musée à l’intérieur de l’entreprise présente notamment des montres de gousset et des bracelets-montres qui ont fait sensation lors d’expositions universelles, plaçant ainsi le village rural de Saint-Imier sur la carte du monde. Dans d’autres salles, on peut admirer d’anciennes affiches publicitaires et des instruments de chronométrage d’épreuves sportives.

Musée Longines, rue des Noyettes. Entrée gratuite, ouvert en semaine, uniquement sur rendez-vous. Tél. : + 41 32 942 54 25. www.longines.com

6. La Chaux-de-Fonds

Seize kilomètres plus loin dans la  » Watch Valley « , l’urbanisme et l’horlogerie sont intimement imbriqués. La Chaux-de-Fonds a en effet été dévastée par un incendie en 1794, puis reconstruite à partir de 1835 selon un plan en damier, à la mesure du secteur horloger. Les habitations et les ateliers se succèdent, la disposition des rues et les nombreuses fenêtres de façade garantissent du soleil à tous et la neige peut être facilement évacuée. Les horlogers sont aussi à l’origine du patrimoine Art nouveau de La Chaux-de-Fonds. Malgré la présence de manufactures, telles celles de Cartier et de Patek Philippe, le déclin guette la ville, mais une journée ne suffit pas pour en faire le tour. Le Musée international d’horlogerie présente à lui seul des centaines d’horloges et de montres, tandis que le bureau touristique a ouvert un lieu d’accueil et d’information sur l' » urbanisme horloger « . Sans oublier les musées des grandes griffes horlogères : un espace consacré au design, avec écran vidéo panoramique, chez TAG Heuer, et d’élégantes villas chez Girard-Perregaux et JeanRichard. Les outils anciens qui figurent dans le musée JeanRichard et les explications de son curateur, Willy Schweizer, donnent une idée des prouesses accomplies à l’époque des débuts. Sur simple demande, on peut visiter les ateliers et observer le travail des horlogers. Nous y avons rencontré trois Belges, qui ont tous appris leur métier à Namur.

– Musée international d’horlogerie, 29, rue des Musées. Entrée 15 CHF, fermé le lundi. Tél. : +41 32 967 68 61. www.mih.ch

– Espace de l’urbanisme horloger, 23, rue Jaquet-Droz. Entrée gratuite. Tél. : + 41 32 889 68 95. www.neuchateltourisme.ch, www.urbanisme-horloger.ch

– TAG Heuer 360, rue Louis-Joseph Chevrolet. Entrée gratuite, sur rendez-vous. Tél. : + 41 32 919 80 00. www.tagheuer.com

– Villa Marguerite, place Girardet 1 (réouverture début 2011). Entrée gratuite, sur rendez-vous. Tél. : + 41 32 911 33 33. www.girard-perregaux.com

– Villa JeanRichard, 129, rue du Progrès. Entrée gratuite, sur rendez-vous. Tél. : + 41 32 911 36 36. www.jeanrichard.com

Le plus : le grand architecte suisse Le Corbusier (1887 – 1965) a construit, dans la ville qui l’a vu naître, une dizaine d’habitations et de bâtiments publics. On peut ainsi visiter sa Maison blanche (1912) du vendredi au dimanche. Construite pour un horloger, la Villa turque (1917), aujourd’hui propriété de la marque de montre Ebel, est ouverte tous les premiers et troisièmes samedis du mois. www.maisonblanche.ch et www.ebel.ch

7. Le Locle

À quelques kilomètres de La Chaux-de-Fonds se situe Le Locle, première zone de peuplement dans la région et  » mère commune des montagnes neuchâteloises « . C’est aussi ici que Daniel JeanRichard a ouvert, en 1705, le premier atelier d’horlogerie des environs. Plus tard, Abraham Louis Perrelet, Charles-Félicien et Charles-Émile Tissot, et Georges Favre-Jacot, créateur de Zenith, s’y feront un nom. Une balade thématique organisée par le bureau touristique passe par d’innombrables bâtiments qui plongent leurs racines dans l’horlogerie. Pour visiter le Musée du Château des Monts, résidence d’une famille d’horlogers du xviiie siècle, il faut gravir la colline qui surplombe la ville. Grâce aux dons d’horlogers locaux et d’amateurs, on peut y admirer des horloges dans un décor Louis xvi somptueux. Une belle scénographie a aussi été conçue autour de la collection d’horloges. Des automates des xviiie et xixe siècles – qui mettent en scène des personnes, des animaux et des paysages animés – et des films en trois dimensions font de ce musée un vrai petit bijou.

Musée du Château des Monts, 65, route des Monts. Entrée 8 CHF, fermé le lundi, et de novembre à avril, ouvert seulement l’après-midi. Tél. : + 41 32 931 16 80. www.mhl-monts.ch

8. Le Brassus et Le Sentier

La route qui conduit au lac de Joux, dans la vallée du même nom, est, avec ses vignobles et ses bois, la plus belle étape de notre expédition. Le col du Marchairuz est particulièrement photogénique. Outre la nature, ce sont les montres extrêmement complexes, dont les horlogers de la vallée de Joux ont fait leur spécialité, qui attirent ici les touristes. Ainsi, Jaeger-LeCoultre, Breguet et Audemars Piguet – pour ne citer qu’eux – possèdent encore des manufactures dans les villages avoisinants du Brassus et du Sentier. On pourrait passer outre ces hameaux sans s’en rendre compte.  » Il n’y a rien à voir par ici « , nous préviennent quelques jeunes sur les rives du lac ; ces joyeux drilles, légèrement éméchés, suivent une formation en horlogerie à l’école technique du coin. Les amateurs de fine mécanique ne restent cependant pas sur leur faim : tant au modeste musée horloger du Sentier que dans les premiers ateliers de la famille Audemars, des montres de gousset du xviiie siècle sont exposées aux côtés de créations plus récentes.

– Musée Audemars Piguet, 16, route de France (Le Brassus). Entrée gratuite, sur rendez-vous. Tél. : + 41 21 845 14 00. www.audemarspiguet.com/factory/audemars-piguet-museum

– Espace horloger, 2, Grand-Rue (Le Sentier). Entrée 11 CHF, ouvert du mercredi au dimanche, de novembre à mars, du jeudi au dimanche. Tél. : + 41 21 845 75 45. www.espacehorloger.ch

Le plus : au Centre d’initiation à l’horlogerie, au Sentier, vous pouvez monter vous-même une montre mécanique au cours d’un atelier et découvrir par la même occasion une  » ferme horlogère « . Les premiers horlogers de la région étaient en effet des fermiers qui recherchaient d’autres sources de revenus pendant les longs hivers.

Tél. : + 41 21 845 71 24. www.olivierpiguet.ch

9. Genève

Au terme d’un voyage de cinq jours, nous arrivons dans la ville où la première corporation d’horlogers a vu le jour en 1601. Deux cents ans plus tard, près de 6 000 artisans y produisaient chaque année environ 50 000 montres. C’est aussi à Genève que s’ouvrit la première école d’horlogerie de Suisse. Malgré une concurrence croissante (notamment de la région du Jura), Genève est restée synonyme d’horlogerie de haut niveau. Créé en 1886, le poinçon de Genève attire les amateurs du monde entier. Nous n’avons pu apercevoir que de loin les manufactures de Vacheron Constantin et de Piaget, dans la localité voisine de Plan-les-Ouates (surnommée Plan-les-Watch), mais deux adresses genevoises compensent largement cette déconvenue. La première, le Musée Patek Philippe, vous occupera certainement pendant quelques heures. Plus de 1 000 pièces sont exposées sur quatre étages : des montres de gousset superbement décorées, des automates et des portraits miniatures de la région, mais aussi des créations de la marque. Des agents de sécurité veillent sur la collection, et pour des raisons mystérieuses, nous devons même échanger notre stylo contre un crayon. Enfin, au centre de la ville se trouve la Cité du Temps, une ancienne station de pompage qui héberge aujourd’hui un musée Swatch.

– Musée Patek Philippe, 7, rue des Vieux-Grenadiers. Entrée 10 CHF, fermé le dimanche et le lundi. Tél. : + 41 22 807 09 10.www.patekmuseum.com

– Cité du Temps, 1, Pont de la Machine. Entrée gratuite, ouvert tous les jours. Tél. : + 41 22 818 39 00. www.citedutemps.com

Par Wim Denolf / Photos : Wouter Van Vaerenbergh

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content