Gossips, anecdotes et coulisses des podiums… De Londres à Paris en passant par Milan, pour Weekend, Agnès a écumé tous les défilés printemps-été 2007. Et voici son carnet de bord.

Agnès à Londres…

A Waterloo Station. Le train entre en gare… Je chantonne les paroles de la chanson de Jane Birkin  » Waterloo Station  » :  » that’s where home is « . Où est ma maison ? Le genre de question qu’il ne faut pas se poser lorsqu’on entame trois semaines complètes de défilés. La maison est en soi… Les hôtels sont une enveloppe, un décor, un abri temporaire ; comme les vêtements d’ailleurs.

A Holland Park, chez les jeunes créateurs. Ma London Fashion Week s’ouvre sur un défilé à Holland Park, présenté dans la tente dressée par Topshop qui soutient les jeunes créateurs. Dans la file d’attente, une demoiselle à bout de patience se hasarde à une tentative :  » Are you George ?  » demande-t-elle au vigile.  » No « , répond le cerbère impassible sur un ton autoritaire. Retour à la case départ. Au moins, elle aura essayé… et fait rire tous les condamnés à l’attente. Attention : ça commence ! La collection d’Ashish décline des mini-robes bustier, des tops brillants, des robes décolletées dans le dos, des shorts en jean. Le jeune créateur australien Richard Nicoll, lui, se fait remarquer avec ses shorts bouffants, mini-jupes à pois orange et chaussures compensées.

Au Museum of Natural History, pour Manish Arora. Dans le bus qui nous ramène au Museum of Natural History, site officiel de la London Fashion Week, je croise Maria Luisa. Fidèle parmi les fidèles au rendez-vous, la propriétaire inspirée de la célèbre boutique parisienne éponyme est, comme toujours, accompagnée par son mari et son assistant Robin. Zoom sur le show du créateur britannique d’origine indienne, Manish Arora. Il l’a joliment intitulé  » Life is beautiful « . Les visages sont peints ou recouverts de fleurs, les robes ont l’encolure collier, les chaussures exhibent des talons compensés en liège, les shorts sont brillants ou recouverts de perles. A la sortie, je me fais interviewer par la télévision brésilienne sur le thème des skinny models. On me demande si je pense qu’une mesure restrictive sur le poids des mannequins pourrait être prise à Paris. Je réponds  » no way « . Inimaginable, of course.

A Pimlico, pour Paul Smith. Le chauffeur de taxi qui m’emmène à Pimlico me raconte le Swinging London, les sixties, Biba, Twiggy… C’est toute son époque. Il se souvient même de l’adresse du magasin Biba, l’original. Au défilé de Paul Smith, je suis assise au premier rang (un privilège que me doit une récente interview). La collection est une ode aux petits baskets blancs… mais les sabots à talon s’imposent comme le must-have absolu de la saison. Le show terminé, l’attachée de presse me prend par la main pour aller dire bonjour à  » Paul  » backstage. So sweet.

Enchaînement sur Preen. Je repars avec Delphine, ma copine des défilés. Ensemble, nous enchaînons sur Preen, qui livre encore une fois un très bon cru, très eighties, constitué de robes tube, de pantalons gris perle, de jupes tulipe, de robes kimonos. A noter : comme chez Paul Smith, les poches arrière des pantalons se portent très basses comme chez les hommes.

Retour à Holland Park, pour Emma Cook et Biba. Des mini-shorts léopard, des robes tee-shirts superfluides, des mini-shorts crochetés, des robes tulipe, des shorts blancs portés avec des chaussures compensées. La collection d’Emma Cook nous ravit… et le charme se poursuit avec Biba et ses imprimés flower power, dont m’avait parlé le matin le chauffeur.

Woah, des beignets ! A la sortie des défilés, des stands proposant des beignets ont été installés à l’intention des mannequins. Lorsqu’il s’agit de pratiquer l’art de la dérision, les Britanniques ne sont jamais les derniers. La supertop Lily Cole a même déclaré aux journalistes que, oui, elle aimait manger ! Dans la presse, il n’est plus désormais question que de  » body mass index  » et de  » eating disorder « , à tel point que les rédactrices de mode se mettent à calculer, elles aussi, leur indice de masse corporelle.

A Carnaby Street, pour les créateurs de Kingly Court. Dans le quartier de Carnaby Street, on exploite le filon du revival du Swinging London pour faire défiler les créateurs de Kingly Court. Quelques tendances intéressantes émergent au passage comme ces robes bustiers que l’on porte désormais sur un tee-shirt ou un chemisier, ces robes en laine au dos nu, ou encore le retour de Minnie et des bottes vernies.

A Covent Garden, pour Nicole Farhi. Etiquetée classique et british, cette diva de la London Fashion Week défile, comme à son habitude, à l’Opéra national de Covent Garden. Elle présente cette fois des robes courtes à la coupe sixties, des shorts, des robes sur des tee-shirts (décidément une grande tendance de l’été), des robes à pois sur lesquelles on a enfilé de grands gilets, des robes bustiers sur des corsaires, des pantalons taille haute. Aux bras des rédactrices de mode britanniques, on reconnaît le modèle de sac  » Manor  » de Burberry, arboré dans à peu près toutes les couleurs. Quelques semaines plus tard, à Paris, c’est le  » Coco’s Bag  » de Chanel qui sera plébiscité. Finalement, sont-ce les journalistes… ou les grandes maisons qui dictent la mode ?

Après-midi bucolique avec Antoni et Alison… et soirée jet-set avec Emporio Armani. La journée se poursuit avec Antoni et Alison. Le sympathique duo réhabilite l’esprit baba cool et fleuri en osant de grands chapeaux en forme de pâquerettes, des imprimés étoiles ou ananas, ou encore de larges jupons jaune fluo. On adore. Le soir, la semaine de la mode londonienne, qui s’impose de plus en plus au milieu des Fashion Week new-yorkaise, milanaise et parisienne, culmine avec le défilé d’Emporio Armani et la soirée Red (lire notre édition du 13 octobre dernier). Très jet-set. Le défilé londonien de l’Italien Armani est un one shot, certes, mais il a donné des idées à quelques-uns : l’Américain Marc Jacobs a ainsi décidé de présenter à Londres la collection hiver 07-08 de sa ligne Marc. La capitale britannique est assurément devenue un bon spot pour toute rédactrice de mode qui aime marcher en dehors des sentiers battus (*).

Agnès à Milan…

La minute star. Je suis interviewée par Fashion TV. Une jeune femme me tend son micro devant tout le monde et me demande si D&G est la marque cool de Dolce & Gabbana. J’explique mon point de vue allant même jusqu’à confesser que j’ai une préférence pour D&G. Je ne sais pas trop si c’est la réponse qu’elle attendait… Ce qui est troublant, pendant les défilés, c’est que, tout à coup, on vous traite comme une star, on braque la lumière sur vous et, dans la seconde, on vous renvoie dans l’ombre. Exemple : vous n’avez pas de chiffre inscrit sur votre carton, vous êtes donc condamnée à rester debout… La difficulté est donc de rester soi-même en surfant sur la houle de la célébrité éphémère.

Les collections ultrafashion. Avec ses leggings, ses petits blousons de cuir, ses couleurs pop pour une jeunesse dorée et branchée D&G booste son allure eighties. Supertonique ! Chez Giorgio Armani, une armée de photographes piétine. Je suis installée au troisième rang, deux rangées à peine me séparent de Leonardo DiCaprio. Le défilé est très beau : des tailleurs smocking inspirés de bas de jogging sont déclinés en soie et agrémentés de ballerines vernies et de sacs en croco. Après quoi, je passe chez Hogan, qui a choisi comme référence Jane Birkin, et puis Fay qui modernise de plus en plus ses créations. Retardée par le trafic milanais, je vois le défilé de Burberry sur la pointe des pieds. Juste le temps d’apercevoir de beaux trenchs argentés, et une collection brillamment sixties. Chez La Perla, nouveau rendez-vous avec Jane l’inspiratrice. C’est fou comme la tribu Gainsbourg-Birkin fait recette dans les défilés. Au palmarès des bandes-son des défilés, le dernier album de Charlotte Gainsbourg –  » 5.55  » – remporte le premier prix. En chemin vers le défilé suivant, je croise Karl Lagerfeld devant l’hôtel Four Seasons, via Gesu. C’est ici que logent les célébrités. Chez Moschino, la collection, très sixties elle aussi, est constituée de manches ballon, de petites robes, et du bandeau, l’accessoire indispensable de l’été 2007. Chez Pollini, on joue la carte de l’imprimé africain, une autre grande tendance estivale.

Tous les chemins mènent à la mode. Le soir, j’ai très faim, je commande une pizza pour deux… et me voilà avec deux grosses pizzas sous le bras. Ah, le charme des langues étrangères ! Après quoi, j’erre au hasard autour de la place del Duomo et me retrouve sans l’avoir vraiment cherché à la présentation Montcler, la ligne rouge des sublimes doudounes poids plume. Je repère la journaliste star Suzy Menkes et son assistante dans l’escalier : décidément, à Milan, tous les chemins mènent à la mode… Le lendemain matin, chez Antonio Marras, j’ai les larmes aux yeux, preuve que la mode émeut. Just Cavalli, lui, a installé un énorme juke-box pour distiller sa mode très colorée. Une brigade anti-fourrure s’invite sur le catwalk. Elle est immédiatement embarquée de force par la sécurité. Chez Gucci, mêmes les bancs sont argentés. En référence à la couleur qui va dominer la collection. La bande-son distille la chanson  » Sorry angel  » de Gainsbourg (encore !) pour accompagner une collection très sixties et très graphique. Chez MaxMara, on ose les chaussures spartiates, les jupes drapées, les culottes shorts (encore plus fashion que le short). Chez Emilio Pucci, Matthew Williamson réussit sa deuxième saison avec beaucoup d’argenté mais aussi de rose fluo, d’orange, de bleu pétrole, de robes tee-shirts et de robes toge. Le clou de la Fashion Week milanaise ? Le défilé Versace qui a lieu dans le théâtre récemment racheté par Donatella, là où se donnera le soir le concert privé de Prince (lire aussi Weekend du 27 octobre dernier). Je quitte Milan avec des étoiles plein la tête.

Agnès à Paris

Les étoiles de Martin Margiela et de Viktor & Rolf. Une pluie astrale envahit la collection très wonderwoman de Martin Margiela. A épingler : le body, très eighties et les lunettes de chercheur en laboratoire. Pas très étonnant pour un créateur qui habille son staff de blouses blanches. Chez Viktor & Rolf, j’aperçois l’ancien mannequin Inès de la Fressange qui se fait photographier. Le duo de Néerlandais manifeste la même fascination pour les étoiles et le look de wonderwoman.

Dissertation chez Yamamoto, mini-émeute chez Dior. Le défilé de Yohji Yamamoto se déroule dans l’amphithéâtre de la Sorbonne sous l’£il exigeant de Richelieu, Descartes et Pascal. Dissertation sur le masculin-féminin réussie par le maître japonais qui offre une galerie de tableaux de femmes habillées de costumes à bretelles et accessoirisées de monocles. Chez Dior, je suis témoin d’une mini-émeute en standing. C’est Janet Jackson qui arrive en retard et que les vigiles ne laisseront pas s’asseoir. Too late ! Le défilé de tailleurs gris perle portés par des tops reconverties en Jeanne d’Arc a commencé. A la sortie, c’est un défilé de stars : Dita Von Teese, Monica Bellucci et Marisa Berenson se font photographier devant le Grand Palais.

Bons millésimes pour Kokasalaki et Valentino. Très bon cru de Sophia Kokasalaki. Des robes de vestale gris perle, accessoirisées de bottines ouvertes sur le devant du pied, et des bustiers en cuir noir constituent l’essentiel de sa collection éponyme. A noter : la créatrice grecque formée à Londres reprend, pour l’hiver 07-08, la direction artistique de Madeleine Vionnet. Chez Valentino, Suzy Menkes arbore une canne. la fatigue ? Ou la canne serait-elle en passe de redevenir fashion ? Je pencherais plutôt pour la première hypothèse. Très jolie collection du créateur italien qui n’hésite pas à déployer des cols pâquerettes, des trenchs rouges, des tailleurs sixties, des robes à l’esprit lingerie dans des teintes très colorées comme ce fabuleux jaune canari.

Sport chic chez Van Noten, basiques chez Agnès b. et ultraféminité chez Celine. Chez Dries Van Noten, où l’on est accueilli par une colonne de roses, on ose aussi la couleur et le turban très exotique. Les débardeurs brillants se portent sur des pantalons jogging pour une allure très sport chic. La légère déception vient d’Agnès b. qui fête 30 ans de mode à l’Olympia. Pour marquer l’événement, la créatrice fait défiler tous ses basiques : la veste en cuir noir, la salopette bleu de travail, les tee-shirts rayées, mais l’ensemble, un peu brouillon, manque de cohérence. Pour soutenir la mythique créatrice, on reconnaît tout de même dans les rangs l’actrice française Sandrine Bonnaire et le créateur Serge Bensimon. Ivana Omazic chez Celine est toujours impeccable avec ses robes chemisiers en satin, ses petits blousons mais aussi ses robes recouvertes de miroirs, ou encore ce trench en lamé argent. C’est féminin et parisien. Je suis fan.

Axelle Red, fan de Véronique Leroy. Chez Véronique Leroy, je partage le premier rang avec… Axelle Red. Pour soutenir sa copine, la chanteuse est venue en famille, avec son mari et ses trois filles dont la petite dernière qui prend le biberon et laisse tomber des miettes de gâteau mouillé pendant le défilé. Très baba cool, Axelle Red est une vraie brindille dans son jean skinny et se montre une maman attentive qui refuse que les photographes approchent ses enfants. Chez Véronique Leroy, on apprécie les shorts bloomers et les jeux d’épaulettes ainsi que les gros bijoux en c£ur, carreau, pique, trèfle.

Les musts griffés Chanel, Rykiel, Lacroix, Kenzo et Galliano : la danse des tendances. Chanel exige un double contrôle d’identité à l’entrée. Les Coco’s bags passent tous au contrôle de sécurité. C’est amusant, dans le public, tout le monde a ses leggings sous le tailleur Chanel. Dans cette collection, on aime les robes chemisiers, les minis, les accessoires en PVC transparent et le final qui s’ouvre sur le backstage. Il est temps d’aller chez Rykiel où la mère et la fille saluent, complices, dans un final de robes bustiers colorées. Christian Lacroix aussi penche pour les coiffures casques façon Mireille Mathieu, il va falloir s’y résoudre vu la tendance. Il ose un sac taureau, un autre en forme d’éléphant suivant l’esprit jungle fever qui souffle sur les collections. Chez Kenzo, j’essaie un deuxième rang, l’air assuré, et me fais renvoyer… quelques rangées plus haut. J’apprécie tout de même les tailleurs-pantalons en satin déclinés dans des couleurs pop très optimistes. Chez Galliano, qui revient à plus de sobriété, on se demande si le créateur est déprimé. On aperçoit Demi Moore avec son jeune compagnon. Janet Jackson ? A ce stade, on ne la remarque presque plus. Désolée, Janet, mais c’est la dure réalité des shows. People or not people.

40 bougies pour Benetton. Changement d’hôtel pour les 40 ans de Benetton qui se célèbrent en marge du calendrier officiel des défilés (lire aussi Weekend du 27 octobre dernier). Je regagne le prestigieux Sofitel Demeure de la rue de Boissy d’Anglois, dans le VIIIe arrondissement de Paris. On l’appelle ainsi car certaines personnes y ont une résidence permanente, m’explique le chauffeur de taxi. Quant à moi, je ne sais plus vraiment où j’habite. Je dois en être à ma cinquième maison. Ma Fashion Week parisienne se termine en beauté par une soirée sur les toits de Beaubourg. Et là, sur le balcon de la brasserie Georges, je m’isole un instant et – en ce moment privilégié – je dois admettre que mon métier m’offre de bien beaux cadeaux.

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Agnès Trémoulet

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