En été, on a une envie irrépressible du peps des eaux de cologne. La maison Hermès, qui fête cette année les 30 ans de son Eau d’orange verte, en propose deux nouvelles. Nous avons organisé la rencontre inédite des deux créateurs de ces parfums. Un duo qui ne jure qui par un seul mot :  » Fraîcheur « .

Il y a trois décennies, Françoise Caron inventait l’un des parfums best-sellers d’Hermès, l’Eau d’orange verte. Aujourd’hui, alors que celle-ci s’offre un nouveau flacon, discrètement retouché, Jean-Claude Ellena, parfumeur attitré de la maison parisienne propose à son tour deux autres colognes : l’Eau de pamplemousse rose et l’Eau de gentiane blanche. Le Vif Weekend en a profité pour faire dialoguer ces deux  » artistes nez « , qui ont plus d’un point en commun. Françoise et Jean-Claude sont en effet tous les deux natifs du pays grassois, ils ont grandi dans des familles de parfumeurs, et considèrent l’un comme l’autre, pour pasticher Verlaine, qu’une humble cologne  » est une £uvre de choix qui veut beaucoup d’amour « .

Quelle est votre définition de l’eau de Cologne ?

Françoise Caron :Pour moi, cela doit être avant tout une odeur simple, constituée de produits fugaces, de notes de tête qui ne sont pas lourdes et qui n’ont pas pour vocation de tenir sur la peau. Mais simplicité ne veut pas dire manque de personnalité…

Jean-Claude Ellena :J’aime cette discrétion que tu soulignes. L’eau de Cologne est un genre de parfumerie à elle toute seule. Il y a là une notion de  » sent-bon  » personnel. Avec la cologne, on se parfume d’abord pour soi : on n’est pas dans la séduction, on est dans le registre de l’intime.

Donnez-nous trois adjectifs qui caractérisent une bonne eau de Cologne.

F. C. :Fraîche, fugace… et froide, ajouterais-je, car comme le dosage d’alcool est plus important que dans une eau de toilette ou un parfum, cela donne cette sensation que j’aime, un peu glaçon, quand on l’applique.

J.-C.E. :Bien sûr je dirais également fraîche en premier lieu, mais aussi simple et surtout généreuse. On ne compte pas avec la cologne, on peut en mettre une bonne rasade dans le creux de sa main pour s’en frictionner. J’aime beaucoup le geste du splash qui accompagne cela, comme avec nul autre parfum.

Françoise, vous souvenez-vous de la création de l’Eau d’orange verte ?

Hermès n’avait pas à l’époque de parfumeur à demeure comme Jean-Claude. Ils ont passé un appel d’offres pour que l’on compose une eau de Cologne  » qui ne tienne pas  » (ce qui ne leur a pas empêché de me demander de concevoir plus tard une version  » identique, mais plus tenace  » pour l’usage personnel du président de la maison…). J’ai fait alors une proposition très lisible, très agrumes, mais avec un petit effet de menthe froissée que n’avaient sans doute pas les autres et cette note de bourgeon de cassis, cette touche fruitée qui est très active. C’était l’un de mes premiers parfums. Quel beau cadeau !

Saviez-vous que Jean-Claude était alors sur la même compétition ?

F. C. :Ce n’est pas possible !

J.-C. E. :Mais oui, et tu as été meilleure ! D’ailleurs, ta formule reste magique, elle est à la fois spontanée et laisse une trace fraîche sur la peau. Tu méritais de gagner…

Le succès a très vite été au rendez-vous, pourtant ce parfum a été débaptisé ?

F. C. :Oui. L’eau de Cologne d’Hermès s’est changée en Eau d’orange verte en 1997. L’important est qu’ils ont gardé la formule et qu’elle continue de bien marcher. C’est mon plus beau succès, et j’avoue que je suis toujours attendrie quand je découvre mon  » orange verte  » en cadeau de bienvenue dans un hôtel au bout du monde.

C’est ce succès ininterrompu qui vous a décidé, Jean-Claude, à créer deux nouvelles colognes chez Hermès ?

J.-C.E. :En fait, depuis deux ans déjà, nous discutions du fait que les colognes sont un territoire qui ressemble aux fondamentaux de la maison. Un parfum simple mais élaboré, un geste masculin autant que féminin… Bref, un certain esprit aristocratique.

Les deux nouveautés que vous présentez sont très contrastées.

J.-C. E. :Disons que celle baptisée Eau de pamplemousse rose a tout pour séduire immédiatement. Elle a cette odeur d’orange fraîchement tranchée, cette pelure de pamplemousse que vient compléter une rose naturelle, très fusante. Elle charme. Mais je voulais aussi bousculer un peu plus les codes de l’eau de Cologne et, comme on m’avait fait découvrir un tout nouveau produit, l’absolu de gentiane, je me suis dit que l’amertume de cette plante pourrait bien renouveler l’exercice. La deuxième cologne s’appelle donc Eau de gentiane blanche. C’est un accord composé de cette gentiane à l’amertume revigorante, avec de l’iris et des muscs blancs, une matière que je travaille très peu habituellement, mais dont j’ai souligné ici les aspects feutrés et non pas sucrés.

C’est une eau de Cologne plus déroutante donc ?

J.-C.E. :Oui, oui ! Je le reconnais, et je l’assume. Je respecte ici la simplicité, mais en cassant les codes. C’est une eau de Cologne à apprivoiser…

Propos recueillis par Guillaume Crouzet

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