Olivier Theyskens

© MICHEL FIGUET

Il pensait faire le tri en déménageant, c’était à la fin du confinement. Il avait tellement de «bazar» et un besoin impérieux de quitter l’hôtel particulier où il s’était installé, hors de question d’être englué dans un lieu qui ne reflétait plus son état d’esprit ni celui de l’époque. «Son style Directoire devenait un peu lourd», commente-t-il sobrement. Il a donc fait ses cartons, rassemblé ses très beaux échantillons de tissus qui le suivent depuis des années, son buste Stockman sur lequel il travaillait déjà quand il était étudiant à La Cambre mode(s), au siècle passé. Il a posé le tout dans le Marais parisien, dans une ancienne galerie d’art, un espace clair et ouvert. «Cela m’a stimulé, j’ai découvert de nouveaux territoires de création où je me suis laissé aller à faire des choses auxquelles je ne m’attendais pas. Ce nouveau lieu a joué un rôle dans mon désir de travailler la couleur et le patchwork.» Olivier Theyskens n’a pas de bureau à lui, parce que l’espace dénudé du sol lui convient, il y étale ses coupons d’organza, de soie et de laine avant de s’asseoir à n’importe quelle table fonctionnelle qui accueille une machine à coudre − le créateur n’a jamais abandonné ni le fil ni l’aiguille. A la faveur du ralentissement du temps, il a creusé cette voie artisanale, assemblant avec patience des centaines d’échantillons de couleurs différentes, confectionnant ainsi son tissu puis le coupant dans le biais, on sait qu’il s’est aguerri à cette façon-là de tailler le vêtement. «Cela me prend des heures, c’est une technique chronophage, ce sont plus des pièces d’auteur, avec un vrai travail sur la couleur, le volume, la manière dont c’est disposé. La première collection et les premiers patchworks m’ont pris un an, c’était labyrinthique pour arriver à un résultat qui me plaisait.» Il en a fallu des tâtonnements pour aboutir. Et du temps. Il en connaît la valeur, il l’utilise avec sérieux. Avec passion aussi. Il vient parfois ici le week-end, pour plus de sérénité, et pour prendre toute la place à terre. Posés çà et là, sans logique particulière si ce n’est la sienne, un canapé, «quelques objets qui font partie de l’histoire d’Olivier Theyskens», des bouquins de mode dans des caisses, une armoire dormante, quelques photos au mur tirées de son histoire. «Je suis assez détaché des objets. La liberté créative est plus facile quand je suis dans un lieu dépouillé de références. Cela dit, chaque tiroir de chaque meuble fourmille d’éléments.» Il sait où tout se trouve. Sauf peut-être ses feutres qui doivent être secs, il ne dessine plus que sur son iPad mais jamais il ne cessera de travailler sur buste. «Quand j’ai commencé, je me souviens, j’avais le sentiment de savoir draper parce que j’avais joué enfant avec des draps de lit, des bouts de tissus, je savais comment un vêtement tombe et j’étais certain que cela venait de l’enfance.» Un quart de siècle plus tard, il en est toujours convaincu. Et infiniment serein, il partage ses convictions: «Il ne faut pas avoir peur d’être soi-même et de laisser sa main travailler.»

© MICHEL FIGUET
© MICHEL FIGUET
© MICHEL FIGUET

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content