Vergers, prairies, champs et bois se déroulent à l’infini… Ici et là, une superbe ferme vous ouvre ses portes et vous régale de ses richesses. Dans la  » capitale wallonne de la fruiticulture  » on croque la vie à pleines dents. Faites-en l’expérience le 12 août, lors de notre troisième Samedi Vif.

Ce matin, un soleil généreux éclabousse de ses rayons joyeux les immenses étendues de la région d’Oupeye. L’£il se réjouit en contemplant les collines sinueuses, les champs dorés et les cimes des arbres. Dodues et sereines, les vaches nous regardent passer avec bienveillance. La première étape nous mène à la ferme d’Artagnan, une superbe bâtisse du xviiie siècle, admirablement rénovée. Son nom est un clin d’£il historique. Le célèbre capitaine des mousquetaires de Louis XIV qui a si bien inspiré Alexandre Dumas a participé, en 1673, au siège de Maastricht, tout proche, et y trouva la mort, tué d’une balle de mousquet. Son corps n’a jamais été retrouvé et on ignore où il a été enterré. Qui sait ? Peut-être ici ? L’appellation de la ferme serait donc entièrement justifiée.

Entouré de 2 hectares de prairies, ce bijou d’architecture rurale appartient à Josette et Marc Botty. Elle est infirmière, lui, enseignant. Il y a quatorze ans, les époux décident de quitter leurs occupations respectives et de changer de vie en se lançant dans l’élevage de canards mulards et d’oies labellisées ainsi que dans la production de foie gras. Leur nouveau cadre de vie est idyllique. Ici, on prend son temps, on respire le bon air, on écoute le chant du vent dans les arbres…. Jadis, l’endroit était peuplé d’une forêt de noyers. Ces arbres ont tous été coupés, le bois a servi à la fabrication de crosses de fusils. A la place, des arbres fruitiers répandent leurs parfums subtils. Plusieurs variétés de roses anciennes embaument le jardin de leurs merveilleux effluves.

Dans la boutique d’épicerie fine, abondamment achalandée, on a envie de tout acheter : du foie gras, du magret, des confits, de l’huile d’olive de top qualité, du piment d’Espelette, du sel de Guérande et d’excellentes confitures. La salle de dégustation, joliment décorée, a été installée dans l’ancienne salle où l’on battait le grain avec le fléau. Au bar, on peut se désaltérer avec la bière  » 1673 « , dont le logo s’inspire de l’écriture de d’Artagnan. On peut supposer qu’elle aurait fait le bonheur de l’illustre Gascon, les mousquetaires étant de grands amateurs de bière, seul le roi buvant du vin.

Marc Botty accomplit son nouveau travail avec compétence et amour (ses produits sont délicieux !) mais, de surcroît, il perpétue la tradition dans les règles de l’art. Ainsi, le 10 septembre 2005, il a été intronisé mousquetaire dans le cloître de la cathédrale de Condom dans le Gers, par Aymeri de Monstesquiou, le capitaine des mousquetaires d’Armagnac, descendant de d’Artagnan. Attaché à l’escadron des mousquetaires de Hollande, Marc Botty est le seul Belge à porter ce titre prestigieux !

Le trésor local

Après une longue route sinueuse qui permet de zigzaguer à travers des paysages de toute beauté, on arrive à la Montagne Saint-Pierre, affectueusement appelée le  » bijou naturel dans un écrin millénaire « . Ce superbe massif crayeux se déploie entre la vallée de la Meuse et le Geer. Le canal Albert, reliant Liège et Anvers, le traverse du nord au sud. La Montagne Saint-Pierre est blottie entre la Flandre, la Wallonie et les Pays-Bas. Aujourd’hui, les trois régions unissent leurs efforts pour gérer, préserver et mettre en valeur ce patrimoine naturel unique, doté d’un microclimat exceptionnel aux allures du sud. Le paysage est constitué de pelouses calcaires (entretenues par des moutons), zones herbeuses ouvertes et rases où plantes, fleurs, insectes et petits animaux, typiques des régions méditerranéennes, s’épanouissent à leur guise.

L’accueil à lieu à Lanaye, à la Maison de la Montagne Saint-Pierre, mise sur pied avec la complicité de la Région wallonne.  » Il s’agit d’un endroit de prise de contact avec la région, ce n’est pas un musée, explique Claude Puts, conservateur de la réserve de la Montagne Saint-Pierre. Les visiteurs reçoivent ici l’information de base sur le site, sa géologie, sa faune et sa flore. A partir de là s’organisent des promenades, des visites guidées et des stages.  » Dans les pièces successives, l’exposition est aménagée de façon ludique et interactive, selon des thèmes différents.

Pour commencer, on se familiarise avec l’histoire géologique du site et on découvre la craie appelée  » marne  » ou encore  » tuffeau « . Typique de la région, elle provient d’une roche très riche en fossiles et, particulièrement, ceux du modasaure (un cousin du dinosaure !), l’un des derniers grands reptiles marins dont la présence dans la région était fréquente il y a 65 millions d’années. Le tuffeau est une pierre de construction idéale : isolante, peu onéreuse et facile à extraire. Le même type de roche se rencontre aussi dans la vallée de la Loire.

Dans la salle voisine sont montrées les occupations et les activités humaines qui ont modelé la région au fil des millénaires. Puis, on a rendez-vous avec des chauves-souris. La Montagne Saint-Pierre est leur résidence hivernale favorite. Elles apprécient la pénombre et le calme des carrières de calcaire et sont plusieurs centaines à s’y retirer chaque année. Plus loin, on suit un petit cours de botanique et de zoologie. On admire les 22 espèces d’orchidées, les  » stars  » de la botanique locale. On fait connaissance avec d’autres plantes, insectes et vertébrés de caractère méridional qui se plaisent bien dans la région. Citons le papillon demi-deuil, aux ailes  » damier  » noir et blanc, le lézard des murailles ou encore le dompte-venin, jolie plante décorée de petites fleurs blanches. Plus au nord on ne trouve plus ces merveilles de la nature. Dans la dernière pièce il y a un jeu de l’oie, pour tester, en s’amusant, les connaissances acquises lors de la visite.

Pommes, poires et balades dans la nature…

Commune rurale par excellence, Oupeye est fière de ses terres limoneuses, fertiles et grasses. Le plateau situé à l’ouest, qui correspond au début de la Hesbaye, a toujours été voué à l’agriculture et à l’élevage. La partie plus vallonnée qui descend vers la Meuse n’est pas exposée aux grands vents, comme c’est le cas du pays de Herve, tout proche. Les fruits y mûrissent de façon précoce et l’endroit se prête admirablement au développement des vergers. Depuis belle lurette, les pommes et les poires d’Oupeye sont réputées dans toute la région. Avec ses 90 hectares de poiriers et 60 hectares de pommiers, Oupeye est le verger de la Wallonie. Le titre de la  » capitale wallonne de la fruiticulture  » qu’elle revendique n’est donc nullement usurpé.

Aujourd’hui, la commune s’efforce de développer et de faire connaître davantage ces formidables richesses naturelles. En 2004, un verger didactique relance la culture des anciennes variétés de fruits. Quant à Laurence Meex, artisan joaillier local, elle planche sur le nouveau logo d’Oupeye, intégrant de façon stylisée une pomme, une poire et… une fraise, grande fierté régionale qui ambitionne d’ailleurs de concurrencer la fameuse fraise de Wépion !

La beauté et la variété de la nature sont un autre atout d’Oupeye. Pour les gérer de façon intelligente, tout en les ouvrant aux touristes, deux commissions ont été créées, il y a une dizaine d’années. Elles réunissent des volontaires bénévoles, passionnés par la région et le terroir, et agissent en faveur de la valorisation des sentiers et du patrimoine. Environ 14 sentiers ont déjà été nettoyés et balisés et offrent aux visiteurs des promenades inoubliables. Les plus sportifs peuvent emprunter un circuit de VTT. Il les conduit à travers la campagne à la découverte des sept villages qui forment la commune d’Oupeye.

De ferme en ferme

A l’heure du déjeuner, on fait halte sur le site des Hauts de Froidmont, géré par l’ASBL Cynorhodon (fleur d’églantier) et dominé par une belle ferme. Francis Krauth tient les rênes de cette entreprise de formation par le travail dont le but est d’accueillir des stagiaires pour les former en horticulture biologique et en éco-construction. Des jeunes à la recherche de leur voie (la ferme peut en accueillir une douzaine) trouvent ici des conditions idéales pour (ré)apprendre à travailler. Les stages durent entre six mois et un an et servent de tremplin dans l’insertion socio-professionnelle. Les jeunes cultivent des légumes (uniquement des légumes de saison) et élèvent des moutons. En partenariat avec l’ASBL Natagora, ils donnent aussi un coup de main à la gestion de la Montagne Saint-Pierre, en s’occupant de l’entretien des réserves naturelles. Ce travail permet de maintenir la biodiversité des pelouses calcaires. Dans le domaine de l’éco-construction, les stagiaires assurent quelques petits chantiers chez des particuliers, tels, par exemple, des plafonnages en argile.

Pour le repas, on s’installe au  » barbecue « . Les produits de la ferme (salades et légumes de saison, viande grillée et glace) sont succulents. Dégustés en plein air, face aux magnifiques paysages du  » verger de la Wallonie « , ils prodiguent un souvenir impérissable de cette terre d’hospitalité heureuse. Plus loin, on visitera la ferme Tilkin, gérée par la troisième génération de fermiers épanouis et enthousiastes. Les habitants de la région n’hésitent pas à faire un crochet pour acheter ici légumes, pommes de terre et volailles… et faire un brin de causette avec les propriétaires. Généreuse, accueillante et conviviale, la ferme Tilkin est aussi le lieu de rassemblement de toutes les fêtes du village.

Riche en fermes, la région s’enorgueillit aussi de posséder quelques très beaux moulins, hélas hors fonction. On les découvre en longeant le ruisseau d’Aaz. Le moulin de Grenade est le plus spectaculaire. La superbe bâtisse est en cours de restauration par ses nouveaux propriétaires.

Visite au château

Le château d’Oupeye est en train de subir un grand lifting. Très ancien (certains écrits le mentionnent déjà en 1176), il a connu une histoire mouvementée. A deux reprises, il a été complètement ravagé par des incendies. Il renaîtra de ses cendres en 1600, lorsque Jean Curtius, un industriel liégeois, le rachète, le reconstruit entièrement et le décore avec goût. Le bâtiment actuel date du xviiie siècle. Il est composé de deux ailes et entouré de douves. L’ensemble est flanqué d’une impressionnante tour médiévale, aujourd’hui légèrement étêtée, car elle menaçait de s’effondrer.

Le château fut acquis par l’administration communale en 1970. La tour, joliment restaurée, sert de toile de fond à des expositions temporaires. La demeure accueille, au rez-de-chaussée, la salle du conseil communal et, au premier étage, une belle salle de spectacle. Les travaux extérieurs, menés avec le concours des subsides européens Objectif II et de la Région wallonne, sont toujours en cours. Les douves, une fois nettoyées, offriront de belles promenades. L’actuel parking sera en partie dissimulé pour permettre de retrouver l’axe de l’origine, dans le prolongement du pont, et d’aménager une place publique. Le parc, entièrement repensé, sera le théâtre de manifestations et spectacles divers.

Bref, Oupeye bouge et ambitionne de contribuer à la reconversion socio-économique de la région liégeoise. Sur le plan purement culturel, le château d’Oupeye se prépare à de grands événements. Mais le principal atout de la région réside dans la beauté intacte et paisible de sa nature. Ce pays se parcourt avec lenteur. Le bonus supplémentaire ? La certitude qu’au bout de chaque chemin, une porte s’ouvrira pour vous accueillir avec plaisir.

Barbara Witkowska

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