Peau de mouton, espace détente ou encore tapis de yoga : en ce début de XXIe siècle, nos lieux de travail ont évolué. A la maison, en coworking ou au bar du coin, la nouvelle génération sait qu’elle devra bosser longtemps et n’a aucune envie de le faire dans un environnement ennuyeux ! Tour d’horizon.

Traiter ses dossiers à domicile ? Organiser des réunions via Skype ? Se rendre dans un espace de coworking à deux pas de chez soi ? Des attitudes devenues normales pour de plus en plus d’employés. Le  » nouveau monde du travail « , tel qu’on l’appelle, n’est en réalité plus si neuf. Pour beaucoup, il s’agit déjà du quotidien. Lire des rapports à la caisse du supermarché, pendant la leçon de natation des enfants ou sur le quai de la gare, c’est désormais faisable. Et même courant. Wi-Fi gratuit dans les bâtiments publics, sites de transfert de données conviviaux tels que We Transfer et Dropbox, systèmes de discussions instantanées : les outils sont nombreux pour nous faciliter la tâche… et les entreprises y trouvent leur compte puisque le nombre de mètres carrés qui leur sont nécessaires peut être réduit, les collaborateurs venant tout de même sur place s’installant alors à n’importe quel poste.

FLEXIBILITÉ ACCRUE

Cette nouvelle manière d’exercer sa profession comblerait dès lors tout le monde… Quoique ! Car une fois que l’on a goûté à un environnement plus calme, plus cosy, plus ludique ou tout simplement plus proche de son home sweet home, difficile de faire marche arrière. Le patron se voit alors réclamer un espace détente, un canapé pour organiser des réunions en mode décontracté, un coin téléphone, du café haut de gamme, plusieurs sortes de thé ou encore un desk pour taper à l’ordinateur debout, parce que la station assise serait déconseillée pour notre santé. Ces petits luxes, inutiles aux yeux d’un chef économe, deviennent des évidences pour cette génération dite flexible. Celle-ci sait qu’elle n’atteindra l’âge de la pension que dans très (trop) longtemps et elle désire donc se façonner un lieu agréable où elle sera amenée à passer une bonne partie de son existence. Elle aspire par ailleurs à éviter tant que possible les embouteillages…  » Une entreprise nous a dernièrement contactés pour nous demander de rendre ses locaux plus attrayants. Le boss avait en effet beaucoup de mal à trouver du personnel en raison de son aménagement intérieur assez banal, se souvient Mathieu Bellens, du studio de création Five AM, à Courtrai. Nous avons donc imaginé des salles de réunion sympas et un coin repos. Nous avons également utilisé des matériaux plus chaleureux.  » Autre élément accrocheur suggéré par ces concepteurs : une caravane transformée en unité de travail mobile, transportable partout.

Remy Schepens, managing director Benelux de l’éditeur suisse de meubles Vitra, sait lui aussi à quel point, dans le contexte actuel de guerre des talents, un environnement séduisant est capable d’attirer des profils à haut potentiel :  » Les « travailleurs du savoir » sont capables d’exécuter leurs tâches de partout mais lorsqu’ils se rendent au bureau, c’est qu’ils en ont envie et qu’ils souhaitent y rencontrer du monde. Il est par conséquent nécessaire qu’un dispositif encourageant l’interactivité soit prévu à cet effet. Sans chichis. En tant que fabricant de mobilier, c’est notre rôle de développer des solutions s’adaptant à cette réalité.  »

MOBILIER ADAPTÉ

En parallèle de ces changements de mentalités, le mobilier, qui n’appartient plus à personne, évolue lui aussi. Ainsi, certains meubles intègrent des stations de chargement à induction pour smartphones où il suffit de poser ces derniers, sans les brancher dans une fiche, pour voir leurs batteries reboostées. Plus révolutionnaire : les tables sont parfois antibactériennes, un atout non négligeable lorsque des personnes différentes prennent chaque jour place à un même poste.  » Nous étudions largement ces matériaux issus du secteur médical. C’est d’autant plus important lorsque pas mal de monde défile sur une seule et même journée. Nous avons développé une sorte de système  » pay per use  » : les entreprises peuvent prendre un abonnement au mobilier et nous prévoyons ce dont ils ont besoin en fonction des besoins « , explique Remy Schepens.

Prooff, une entreprise néerlandaise de mobilier, s’est également spécialisée il y a quelques années dans ce secteur innovant.  » A l’époque, on parlait plutôt de travail indépendant, précise Karian van der Haak, marketing manager. Nous nous concentrons sur différentes activités professionnelles se déroulant dans la partie publique du bâtiment de bureaux. A nos yeux, ce doit être avant tout un endroit de rencontre. Nous n’avons pas l’habitude d’y disposer des chaises et tables traditionnelles. Nous leur préférons par exemple une PhoneBox équipée d’un desk, à utiliser debout et dont le système acoustique est très performant. Cela permet aux collaborateurs de bénéficier d’une zone semi-privée dans laquelle il est possible de téléphoner ou d’utiliser un laptop debout. Il s’agit d’une sorte de point de chute.  » Le terme  » hospitalité « , habituellement réservé aux restaurants ou aux hôtels, devient ainsi peu à peu le mot d’ordre.

ESPACES PARTAGÉS

C’est dans cette optique que se développe par ailleurs le concept de coworking, permettant de travailler côte à côte, même si les jobs sont différents, et d’éventuellement mettre ses compétences en commun, dans un esprit d’économie participative. Spaces, une chaîne populaire d’espaces de coworking aux Pays-Bas, a été créée par Rattan Chadha, l’homme également à l’origine du renouveau de la marque de prêt-à-porter Mexx et de la chaîne hôtelière CitizenM.  » Ces lieux de travail indépendants permettent d’être entouré de personnes qui aiment ce qu’elles font. Rien n’a plus d’impact sur le moral qu’une bonne tasse de café servie par un de nos baristas experts en la matière, clame-t-il. Le package inclut également un service de nettoyage à sec, un cordonnier, un réparateur de vélos et un assistant informatique. Nous déchargeons les occupants des tâches ennuyeuses et chronophages « , résume-t-il.

Fosbury & Sons, qui ouvrira ses portes à Anvers en novembre prochain et permettra de partager une infrastructure pour y exercer son job, proposera aussi pas mal d’extras.  » Outre une cantine saine et délicieuse, nous avons mis au point un programme complet d’activités physiques, allant du yoga au bootcamp en passant par le mini-foot et le tai-chi-chuan « , énumèrent les responsables. Les espaces de coworking et les entreprises ne cessent donc de se rapprocher, Spaces ayant par exemple conclu des accords avec des sociétés qui offrent à leurs employés des abonnements dans ces lieux partagés. Selon Remy Schepens de Vitra, il s’agit d’une évolution logique lorsqu’on regarde le monde économique actuel.  » Les boîtes qui emploient aujourd’hui 5 000 personnes réduiront peut-être ce nombre à 500 d’ici dix ans. Elles recourront alors à des indépendants qu’elles impliqueront dans leurs projets. Et ces personnes choisiront elles-mêmes l’endroit où elles souhaitent s’installer.  » Aujourd’hui, on ne change plus de job, on change de bureau.

REMÈDE À LA SOLITUDE

Remy Schepens souligne également la nécessité de bosser ensemble, même pour les free-lances qui passent souvent leurs journées seuls :  » L’isolement est l’un des défis auxquels sont confrontés les jeunes. Un lieu attrayant qui permet en outre de côtoyer du monde augmente le bien-être.  » Même son de cloche chez Fosbury & Sons :  » Pour de nombreux free-lances, télétravailleurs et petites entreprises, la solitude est le problème principal. Nous appelons ça « l’effet pyjama ». Puisqu’il n’est plus nécessaire de sortir de chez soi et que l’on ne côtoie personne, la tentation de rester en tenue de nuit est bel et bien présente. Une idée à bannir puisque celle-ci peut avoir des conséquences négatives sur la manière d’aborder sa journée et sur l’estime de soi.  » La firme encourage dès lors le rapprochement entre les individus, les PME et les grandes boîtes.  » Pour des entreprises employant jusqu’à vingt personnes, nous représentons un environnement professionnel idéal tandis que les plus grandes structures nous utilisent comme implantation satellite, soulignent Stijn Geeraets et Maarten Van Gool de Fosbury & Sons. Les employés qui restent de temps à autre chez eux peuvent de cette façon se retrouver avec quelques collègues dans un environnement adapté. Ils sont en mesure de recevoir des clients et des fournisseurs, voire d’établir de nouveaux contacts. L’essentiel étant de ne plus avoir à faire la navette quotidiennement pour rejoindre le quartier général. Nous appelons ça le « maison-ville-travail », le nouveau qualificatif du télétravail.  »

PAR LEEN CREVE

 » LES « TRAVAILLEURS DU SAVOIR » SONT CAPABLES D’EXÉCUTER LEURS TÂCHES DE PARTOUT, MAIS LORSQU’ILS SE RENDENT AU BUREAU, C’EST QU’ILS SOUHAITENT Y RENCONTRER DU MONDE.  »

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