Mers de glace et sommets montagneux éternellement enneigés : le Parc National Wrangell-Saint-Elias en Alaska est un véritable paradis pour randonneurs et alpinistes. Découverte d’une terre ou l’immensité n’a pas de frontières.

Guide pratique en page 50.

A u travers les larges fenêtres de la salle de séjour d’Ultima Thulé, les pics enneigés du parc national de Wrangell-Saint-Elias brillent sous un soleil matinal. Paul Claus étudie le ciel. Bien que son hôtel soit équipé d’un téléphone satellite et de télévision, les prévisions météorologiques officielles sont de peu d’utilité dans des régions aussi vastes et disposant en plus de leur propre microclimat. Paul Claus se fie dès lors à son instinct de pilote.

L’homme est en effet  » bush pilot « , pilote tout-terrain. Suivant la légende qui circule à son égard, il est le  » meilleur des bush pilots vivant en Alaska « . Ses aventures ont maintes fois été racontées dans tous les petits aéroports de la  » Dernière Frontière « . Cependant, tout le monde s’accorde à célébrer son incroyable adresse à se poser sur un champ de neige grand comme un timbre-poste ou bien encore au sommet de pics montagneux balayés par le vent. Ses sites d’atterrissage sont parfois si étroits et si escarpés, qu’il lui arrive de devoir amarrer l’avion pour qu’il ne soit pas entraîné dans un précipice ou vers un champ de glace gigantesque.

Paul est aussi un alpiniste hors pair. Il a été le premier à gravir le Wetterhorn, le mont Miller et le mont Georges. Mais aussi, il a été le premier à descendre en kayak la rivière Kiagna, une des plus dangereuses de la région. Ses exploits comme capitaine de pêche au cours de folles campagnes dans la baie de Bristol en mer de Béring sont tout aussi célèbres. On raconte qu’un jour, alors qu’il pêchait au  » gros « , un espadon de 500 kilos arracha le siège sur lequel il était attaché et l’entraîna dans la mer jusqu’à une profondeur de 30 mètres avant qu’il ne puisse se libérer de ses harnais et remonter à la surface. En plus de toutes ses casquettes, Paul est aussi cascadeur-volant à Hollywood et il teste par ailleurs les vêtements et équipements de survie d’un fabricant américain…

Mais son quotidien ce résume surtout à emmener ses visiteurs à la découverte de  » ses  » montagnes, d’une beauté incroyable. Il surveille les alpinistes qu’il a déposés un peu partout dans le parc et quand cela se révèle nécessaire, il participe même aux opérations de sauvetage de randonneurs égarés. Ici, le travail ne manque pas. Les montagnes de Wrangell sont en effet considérées comme étant l’Himalaya de l’Amérique du Nord et à ce titre attirent les aficionados de la montagne de tous niveaux.

Le parc national s’étend sur une superficie de près de sept millions d’hectares et compte seize des plus hauts sommets du continent. Plus de glaciers que nulle part ailleurs dans le monde en dehors des régions polaires. Mais, aussi, un réseau routier de moins de 150 kilomètres en revêtements de gravier pour moins de 100 résidents permanents. Volcans et glaces ont sculpté le paysage du parc national de Wrangell-Saint-Elias dans des proportions inattendues. Par un temps estival particulièrement lumineux, les hautes montagnes se découpent majestueusement sur fond de ciel nacré. Un impressionnant panorama. Une perspective sans limite. Des contreforts couverts de forêts aux cimes, des rocs pointus jusqu’aux glaciers qui se perdent dans le lointain. Immenses serpents brillants, certains glaciers rampent au travers des gorges et vallées, tandis que d’autres forment de gigantesques cirques.

A la fin du xixe siècle, la région était habitée par les Indiens Athna. Ces derniers utilisaient des objets en cuivre mais on ignorait d’où ils ex-trayaient le minerai. Lors d’un hiver particulièrement rude, alors que les Athna étaient au bord de la famine, leur chef Nikolaï livra, contre quelques victuailles, le secret du filon cuprifère qui allait rapporter des dizaines de millions de dollars aux familles américaines des Guggenheim et Morgan.

Ainsi, au sein de la montagne, au pied du mont Blackburn, Nikolaï fit découvrir aux prospecteurs les veines d’un filon d’un vert pur, dont la richesse allait se révéler six à sept fois plus importante que celles d’autres gisements connus. A l’époque, le cuivre découvert dans les mines de Kennecott était d’une qualité inégalée. Si la richesse du minerai était exceptionnelle, son exploitation allait se révéler particulièrement difficile. Il n’y avait en effet absolument rien sur place pouvant être utile à son exploitation. Tout devrait être amené. En 1905, les familles Guggenheim et Moran créaient la  » Kennecott Mines Company « . Ils dépensèrent cent millions de dollars pour financer le développement de la mine, la création d’une ligne de chemin de fer longue de 316 km ainsi que l’établissement d’une liaison maritime entre Cordova et les raffineries des Guggenheim à Seattle. Cette entreprise minière fut la plus grande, la plus coûteuse et la plus complexe de toute l’Alaska. Toutefois, aucun gisement ne rapporta autant que celle-ci.

La ville construite pour les ouvriers se voulait un modèle pour l’époque. Ses habitants disposaient de l’eau courante, de l’électricité, d’un hôpital et de tous les magasins nécessaires. On travaillait à Kennecott et on s’amusait au village de McCarthy, à quelques kilomètres de là.

En 1938, suite à l’épuisement du filon, la Compagnie ferma l’exploitation. Kennecott devint une ville fantôme. Ses vestiges témoignent encore aujourd’hui de sa richesse passée. Aujourd’hui, seuls quelques habitants y résident encore. Les bâtiments en ruine ont été acquis il y a quelques années par le Service des parcs nationaux qui a entrepris quelques restaurations. En revanche, le village de McCarthy a repris vie. Ainsi, les anciens hôtels ont été restaurés et les magasins réouverts. Dans l’ancien bâtiment du chemin de fer, un musée consacré à Kennecott a été ouvert. Il expose différentes photos et objets datant de la grande époque de l’exploitation minière. Jadis, quand on arrivait à Kennecott, la route aboutissait devant une rivière qui devait être franchie en empruntant une benne halée à la main. Depuis la construction d’une passerelle en 1997, ce moyen de transport d’un autre âge a cessé de fonctionner. Ce lieu du bout du monde y a perdu un peu de son romantisme.

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